Vêtements virtuels : habillons les foules !
Publié par Pierre-Luc Manteaux, le 1 juillet 2013 3.9k
A Inria Rhônes-Alpes, l’informatique graphique est à l’honneur. Une nouvelle méthode de transfert de style vestimentaire a été publiée en juin dernier. Ce problème peu connu suscite l’intérêt des industriels.
En quelques années, l’évolution du matériel informatique a rendu possible la représentation détaillée de créations virtuelles. Aujourd’hui ces création remplissent notre quotidien : elles façonnent le design de nos véhicules, nous captivent lors d’une séance de cinéma ou encore nous permettent de donner vie à notre imagination.
Malheureusement, les outils de création restent peu accessibles à un public novice ayant des ambitions artistiques. Que ce soit la sculpture virtuelle, le design ou l'animation, la complexité logicielle domine la plupart des outils de création de contenu virtuel. Cette complexité pousse l’utilisateur à se concentrer sur l’aspect technique du logiciel au détriment de la créativité. Ainsi, il est courant qu'un artiste produise de manière traditionnelle une œuvre et fasse appel à un spécialiste pour la virtualisation du contenu.
A l'Inria Rhône-Alpes, près de Grenoble, l’équipe pluridisciplinaire IMAGINE (1), s’intéresse à la création intuitive de contenu virtuel sous des formes très différentes : sculpture virtuelle, animation, narration. Pour chaque domaine, l’humain doit pouvoir se focaliser sur le processus de création et laisser à l’ordinateur ce qu’il sait faire de mieux : un travail répétitif et formalisé. Afin de rendre ces outil accessible au grand public, leur utilisation doit être la plus naturelle possible.
Parmi les différents domaines de création virtuelle, le design de vêtement occupe une place de choix. Expertise logicielle, savoir-faire et créativité y sont indispensables. Actuellement, plusieurs heures sont nécessaires à un "tailleur professionnel" pour créer un vêtement virtuel. Pour un même vêtement, ce travail devra être effectué pour habiller des personnes de morphologies différentes. C’est ce qu’on appelle le transfert de design ou encore gradation.
Les méthodes actuelles de virtualisation du transfert s’appuient sur l’utilisation de table de mesure pour un nombre restreint de morphologies standard. L’intervention d’un tailleur professionnel est toujours nécessaire pour finaliser les ajustements. En juillet dernier, Rémi Brouet (2), doctorant dans l’équipe IMAGINE a finalisé un travail sur le transfert de design de vêtement qui a abouti à une publication à la conférence internationale SIGGRAPH (3) et au dépôt d’un brevet.
La méthode proposée offre le même niveau de qualité qu’un transfert professionnel. Elle s’appuie sur une analyse approfondie des connaissances du tailleur pour modéliser mathématiquement ce qu’est un “bon” transfert. Lors d’une gradation, le tailleur cherche à préserver la proportion et la forme du vêtement d’origine. La proportion est le placement relatif des éléments caractéristiques du vêtement par rapport à ceux du corps. Tandis que la forme correspond au style du vêtement, par exemple les plis, les parties moulantes ou l’orientation du tissu. Virtuellement le vêtement est représenté par un maillage triangulaire. Il est donc indispensable d’exprimer ces deux critères de manière géométrique à l’aide des distances inter-points et de l’orientation des triangles. Un premier transfert basé sur des méthodes classiques d’animation est réalisé et préserve uniquement la proportion. Puis des méthodes itératives d’optimisation améliorent successivement la forme en utilisant une représentation fonctionnelle des critères géométriques d’un bon transfert.
Que ce soit au cinéma ou dans les jeux vidéos, les foules sont souvent uniformes car les personnes doivent avoir la même morphologie pour faciliter leur habillage. Avec un transfert automatique les morphologies possibles deviennent illimitées, au delà de la morphologie humaine, pour une durée de travail minimale. Les applications dans l’industrie du textile sont évidentes. Pouvoir étendre une gamme de vêtements à différentes morphologies (enfant, adultes, femmes enceintes) deviendrait tâche facile.
De la création virtuelle de vêtements à leur confection, cette méthode de transfert automatique permet à l’utilisateur de se concentrer sur l’aspect créatif du design vestimentaire en rendant l’expertise accessible et transparente.
>> Notes :
- Equipe conjointe du Laboratoire Jean Kuntzmann et de Inria
- En collaboration avec Marie-Paule Cani, Laurence Boissieux et Alla Sheffer
- La SIGGRAPH (acronyme de Special Interest Group in GRAPHics) est le nom d'un séminaire américain sur l'infographie. De nombreux professionnels et experts s'y retrouvent pour présenter leurs recherches et les progrès dans le domaine de l'infographie et la programmation graphique (source : Wikipédia)
>> Pour en savoir plus : Cet article a été rédigé par Pierre-Luc Manteaux & Cédric Zanni dans le cadre d'une initiation au journalisme scientifique proposée par Isabelle Joncour dans le cadre des Formations à l'insertion professionnelle proposées par le Collège des écoles doctorales de Grenoble
>> Illustrations : équipe IMAGINE, Inria Rhône-Alpes