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Conférences

Écrire en mauvais·e féministe. Comment théoriser avec et contre toutes les femmes qui nous détestent ?

Conférence du séminaire "Enquêter sur et avec le genre : une discussion interdisciplinaire" (2024-2025) avec Emmanuel Beaubatie.

Qui a le droit de se réclamer du féminisme ? Qui est légitime à faire partie du mouvement ? Depuis près de cinquante ans, des militantes de la cause des femmes excluent les trans’ et vont jusqu’à nier leur existence. Le cas des trans’ n’est pas isolé : il prend place dans la longue liste de celles qui, au nom de l’universalisme ou de la nature, se sont trouvées marginalisées. Parmi elles, on trouve des femmes noires, des femmes musulmanes, des lesbiennes et des travailleuses du sexe, ces groupes n’étant pas exclusifs les uns des autres. Tout en replaçant la controverse trans’ dans l’histoire longue de la pensée et des mobilisations des femmes, cette communication proposera une réflexion d’ordre méthodologique sur l’écriture féministe. Elle explorera les stratégies analytiques et bibliographiques qui sous-tendent le travail consistant à théoriser avec - mais aussi contre - celles que l’écrivaine Dorothy Allison appelle « les femmes qui [nous] détestent », c’est-à-dire les femmes qui stigmatisent leurs pair·es au nom de la respectabilité du féminisme. Ce faisant, cette présentation engagera un dialogue avec les travaux sur la réflexivité en sciences sociales, cette réflexivité se poursuivant jusque dans le travail de l’écriture.

L'intervenant

Emmanuel Beaubatie est sociologue, chargé de recherche au CNRS au sein du Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP – CNRS, EHESS, Paris 1 Sorbonne) à Paris. Il enseigne dans la mention Études sur le genre de l’EHESS et fait partie de la revue Cahiers du genre. Ses recherches portent sur la multiplicité du genre au-delà de la binarité femme/homme et sur les mobilités et bifurcations de genre au cours de la vie. Il s’intéresse aussi aux controverses autour du sujet politique du féminisme et à ses frontières sociales, sexuelles, raciales et de genre. Il est l’auteur de Transfuges de sexe. Passer les frontières du genre (La Découverte, 2024 [2021]) et de Ne suis-je pas un·e féministe ? (Seuil, 2024). Il travaille également de manière transversale sur la réflexivité en sciences sociales. À ce sujet, il a récemment publié « Qui a le droit d’étudier le genre et comment ? » dans le Bulletin de méthodologie sociologique et « Savoirs multisitués. Les reliefs de la positionnalité » dans la revue Raisons politiques.