Yohan Hubert : "notre travail contribue au changement de la société"
Publié par Marion Sabourdy, le 10 décembre 2012 5.4k
Rencontre avec le créateur de l’association de culture hors-sol basée dans le quartier Saint-Laurent à Grenoble. Plus qu’un mode de culture, une autre vision du monde.
Quel est ton parcours ?
Mon intérêt pour les plantes a débuté au collège ; j’ai su que je voulais travailler autour des végétaux. Mais comme j’ai toujours vécu en ville, il a fallu trouver des moyens alternatifs. J’ai découvert la culture hors-sol ou hydroponie (1) il y a une vingtaine d’années et n’ai cessé de progresser depuis. J’ai choisi de ne pas passer par une formation agricole, où l’on parle plus d’agriculture intensive, mais de m’intéresser aux penseurs (architectes, botanistes, sociologues…) intéressés par ce mode de culture. J’ai ensuite travaillé avec une société américaine leader mondial de l’hydroponie, avant de débuter les ateliers et la pédagogie autour de la culture hors-sol.
Quels sont les intérêts de ce type de culture par rapport au bio ?
Elles sont toutes deux d’aussi bonne qualité, la culture hors-sol étant complémentaire car située plutôt en ville. Comme elle nécessite peu de substrat, elle évite d’abimer la terre. Elle a un énorme avenir devant elle, notamment parce qu’elle contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Et ses limites ?
A première vue, ce type de culture semble simple mais il est finalement plutôt difficile à mettre en place et nécessite beaucoup de documentation et d’accompagnement du public. Les pratiques de culture hors-sol sont très encadrées, notamment par des règles d’hygiène qui ne permettent pas de produire de grandes quantités. Du coup, cela s’applique plutôt aux particuliers.
Comme décrivez-vous les activités de votre association Bioponey ?
Notre local quai Saint-Laurent est un « Laboratoire d’écologie urbaine » (2). Les termes peuvent étonner mais nous sommes parmi les seuls à développer ce type d’activités. Nous sommes environ quatre bénévoles pour faire vivre une association qui compte une cinquantaine d’adhérents. Ceux-ci ont des problématiques autour du recyclage et de l’agriculture. Nous travaillons afin qu’ils ressortent avec des solutions ou au moins des pistes que nous pouvons ensuite développer.
Quelques exemples ?
Ils sont variés. Nous avons trouvé le moyen de produire de l’herbe à chat à partir de litière usagée. Nous proposons aussi des paniers bio, un peu à l’image des AMAP. La mairie nous a contactés pour mettre en place des formations ou réaliser des murs végétaux [ndlr : comme celui d'Annemasse] ou des toits végétaux comme pour la bibliothèque du centre ville. Actuellement, nous débutons un travail autour du traitement des déchets et de la récupération de l’eau dans notre copropriété. Nous avons aussi développé le compostage derrière la Casemate [ndlr : voir aussi la page Facebook de l'association].
En quoi la ville de Grenoble est-elle intéressante pour ce type d’actions ?
Je suis grenoblois depuis l’enfance. Je trouve cette ville profondément humaine et ouverte vers l’extérieur. Un vrai bouillon de culture, à la croisée de l’international et de l’hyper-local avec les montagnes autour. Les gros pôles scientifiques sensibilisent les habitants à leurs technologies mais j’ai toujours eu cette sensation qu’on pouvait aller plus loin en termes d’innovation. A notre époque plus encore qu’avant, les villes sont en compétition. Ici, le tissu économique est actif mais il faut s’occuper du tissu social. Si nous voulons garder notre compétitivité, c’est plus important que jamais. Notre travail contribue au changement de la société et tente de faire émerger des solutions pertinentes pour tous.
>> Notes :
- Il s'agit de la culture de plantes réalisée sur un substrat neutre et inerte (sable, pouzzolane, billes d'argile, laine de roche, etc.) régulièrement irrigué d'un courant de solution qui apporte des sels minéraux et des nutriments essentiels à la plante (via Wikipédia)
- L’association dispose également d’une serre dans le centre horticole de la ville de Grenoble
>> Illustrations : tofutti break (Flickr, licence cc), Echosciences Grenoble, Bioponey.com