VIH : une nouvelle méthode de dépistage à portée de doigt
Publié par Mathilde Chasseriaud, le 7 décembre 2016 4.9k
Un nouvel outil à orientation diagnostique pour le VIH a vu le jour en Septembre 2015. Il s’agit de l’autotest VIH®, commercialisé par l’entreprise française AAZ, dont le but est de permettre la détection d’une infection au VIH datant de plus de 3 mois. Ce dispositif de diagnostic s’inscrit dans le développement des nouvelles générations d’autotests : plus rapides, sans supervision médicale directe, avec une haute fiabilité, réalisables chez soi et délivrables sans prescription médicale. Un apport considérable dans une lutte contre un rétrovirus qui ne recule pas et qui agit, tapi dans l’ombre de nos cellules.
Une pandémie bientôt centenaire
Le VIH sévit partout dans le monde depuis les années 1920. Selon un rapport de l’ONUSIDA (1), ce virus amenant à développer le Sida serait responsable depuis 1981 à 2006 de la mort de plus de 25 millions de personnes.
“ Dans une épidémie de 150 000 personnes séropositives au VIH, 30 000 ne seront pas dépistées, pas suivies, pas traitées. ” Gilles Pialoux (AP-HP)
Cependant, une autre menace, invisible, plane au-dessus des populations. C’est ce que le professeur Gilles Pialoux, infectiologue à l’hôpital Tenon, AP-HP appelle "l’épidémie cachée" : « Dans une épidémie de 150 000 personnes séropositives au VIH en France, environ 30 000 ne seront pas dépistées, pas suivies, pas traitées et ne rentrent donc pas dans le système de soins ». Des chiffres, qui, replacés dans le contexte d’une pandémie sont inquiétants et révélateurs d’un biais favorisant la propagation du virus et augmentant considérablement le risque de contamination.
Un outil simple d’utilisation et responsable
Ce dispositif est disponible en pharmacie et ne nécessite pas de prescription par ordonnance, contrairement aux tests réalisés par les laboratoires, y compris pour les mineurs. L’accès au diagnostic est ainsi facilité et s’inscrit dans une démarche personnelle, plus confidentielle pour la personne voulant tester son statut sérologique.
L’autotest VIH® permet à partir d’une goutte de sang prise au niveau du doigt de détecter la présence d’anticorps produits spécifiquement en présence du VIH. Ce dispositif repose sur le principe de l’immunochromatographie (« immuno » pour l’utilisation de molécules participant au processus immunitaire, les anticorps, et « chromatographie » pour le marquage coloré servant à interpréter le résultat du test). Si le virus est présent dans la goutte de sang testée (antigène), il va créer un complexe avec l’anticorps qui se trouve sur la bandelette de test (anticorps anti-VIH-1 et anti VIH-2), ce qui fera apparaître une bande colorée.
Le kit comprend un sachet (contenant l’autotest, une dosette de diluant, un autopiqueur, un pansement et un absorbeur d’humidité), un support, une lingette désinfectante ainsi qu’une compresse. Tous les éléments composant ce kit sont à usage unique. Il est également conseillé de disposer d’un minuteur pour effectuer une lecture correcte du résultat. La notice jointe permet de suivre pas à pas les étapes pour réaliser le test et d’en comprendre le résultat.
Après avoir retiré et installé la dosette de diluant dans le support, le sujet applique l’autopiqueur sur son doigt préalablement désinfecté. Il place ensuite l’autotest VIH® perpendiculairement à la goutte de sang jusqu’à ce que la pointe en soit remplie. 15 minutes après, la lecture du résultat peut avoir lieu. En fonction du nombre de bandes, le sujet est soit probablement séronégatif (une bande) ou probablement séropositif au VIH (deux bandes).
L’autotest n’étant qu’un test de diagnostic rapide, il est impératif d’aller par la suite consulter un médecin et de confirmer ce résultat en laboratoire ou dans un centre de dépistage. Une précision importante est ajoutée dans la notice, à savoir que l’autotest VIH® ne détecte que le virus de l’immunodéficience humaine et non les autres infections sexuellement transmissibles.
Illustration des résultats possibles (notice)
Le dépistage au même titre que la lutte
Réaliser de plus en plus de tests précoces est donc une priorité, en vue de ralentir la transmission du VIH. C’est notamment avec des dispositifs comme l’autotest VIH® que les institutions espèrent éviter près de 400 nouvelles infections par an (CNS(2), France). D’après un rapport de l’Institut de veille sanitaire de 2015, près de 6220 personnes ont découvert en 2013 leur séropositivité au VIH. Mais plus grave, il est estimé entre 30 000 et 40 000 le nombre de personnes vivant avec le virus sans le savoir. Toute une « épidémie cachée » qui favorise sa transmission.
Une des caractéristiques du VIH est que les signes d’infection ne se manifestent pas de suite mais des années plus tard. S’attaquant à des cellules du système immunitaire (lymphocytes), celui-ci est de moins en moins opérant au fil des années. Huit à dix ans après l’infection, totalement affaibli, il ne peut plus rien faire contre la quantité trop importante de virus dans le sang et des maladies opportunistes apparaissent. Comme leur nom l’indique, elles profitent de l’absence de réponse immunitaire de la part de l’organisme infecté pour se développer. C’est à ce moment que l’on dit qu’une personne est atteinte du sida. Ces maladies peuvent engendrer la mort de l’individu faute de système immunitaire. Une personne peut donc très bien vivre plusieurs années sans savoir qu’elle est infectée mais avec le risque d’infecter d’autres personnes. C’est pour cela que l’autotest VIH® n’est utilisable que 3 mois après la prise de risque. Auparavant, il n’y a pas assez de charges virales dans l’organisme pour que celles-ci soient détectées par le test. Ce délai est d’ailleurs très critiqué notamment par les spécialistes, pointant un retard de la détection de la primo-infection.
L’état actuel de la recherche dans le domaine de la lutte contre le VIH n’a pas encore permis de mettre au point un vaccin contre ce virus. Il n’y a donc pour le moment aucun moyen de l’éliminer mais des traitements existent pour empêcher et ralentir les phases d’infection des cellules de notre organisme (les antirétroviraux par exemple). C’est pour cela qu’il est important que les méthodes visant à dépister cette infection se développent, afin non seulement de réduire le risque de transmission du virus mais aussi de permettre une prise en charge plus rapide des personnes séropositives au VIH et donc d’initier plus tôt un traitement.
Des résultats encourageants pour une technique devant encore convaincre
Une étude de l’Institut de veille sanitaire datant de 2015 montre que deux ans auparavant, 66 % des personnes ayant découvert leur séropositivité étaient au stade asymptomatique. De plus, on assiste depuis 2003 à un recul des proportions d’infections découvertes au stade sida.
Les systèmes d’autotest ont été le sujet de rapports concernant les problèmes éthiques posés par leur commercialisation. Un avis rendu le 21 Février 2013 (3) rendait compte des principaux motifs de mécontentement, comme l’absence de soutien par des professionnels de santé lors de la réalisation de ces tests ainsi qu’une possibilité de mauvaise interprétation des résultats, pouvant engendrer des conduites à risques par la suite. Une enquête réalisée auprès de pharmaciens d’officine (4) confirme les dires du rapport précédemment cité, à savoir que les médecins déplorent l’absence d’accompagnement psychologique au moment de la réalisation du test, qui peut se révéler être un moment éprouvant pour une personne découvrant sa séropositivité.
Une pharmacienne déclare : « On ne sait pas comment la personne va réagir et ça peut aller jusqu’à une tentative de suicide, vu ce que représente le VIH sur une vie ne serait-ce qu’au point de vue social et professionnel. Dans ces cas-là, la personne est seule face à son problème, elle n’est pas encadrée ».
Est également pointé du doigt le suivi du résultat ; comment être sûr que toutes les séropositivités détectées par les autotests fassent l’objet de déclarations ou de vérification auprès de laboratoires.
Cependant, d’autres critères font pencher la balance en faveur de l’autotest comme sa rapidité d’exécution, son aspect plus confidentiel (bien que le résultat doive ensuite être confirmé par une analyse en laboratoire ou structure de dépistage adaptée) et le fait qu’il puisse être réalisé chez soi, à l’abri des regards (qui peut se révéler à double tranchant comme énoncé ci-dessus).
Le professeur Gilles Pialoux compte sur ces critères : "On espère que cet autotest va toucher cette population pour laquelle on n’arrive pas à banaliser les tests qui sont proposés dans le système de soin"
L’autotest VIH® se place donc dans un contexte où le dépistage est plus que jamais une composante essentielle au sein des stratégies de prévention et de lutte contre cet agent infectieux. Les comportements préventifs, les dispositifs de protection (préservatifs), l’éducation sexuelle sont également des outils à ne pas négliger afin de mener à bien le combat entre le VIH et les Hommes.
>> Notes
- Programme commun des nations-unies sur le VIH-Sida
- Conseil national du sida et des hépatites virales
- Avis rendu par le comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)
- Enquête menée sur l’autotest pour la rédaction de ce dossier auprès d’une douzaine d’officines dans l’agglomération grenobloise
Cet article a été rédigé pour la 4ème édition du Prix Média du Dispositif Médical
Visuel principal : http://bit.ly/2vmy2qu