[2021-06] Un bateau de course comme laboratoire de recherche

Publié par Association Infusciences, le 4 juin 2021   1.5k

Le tour du monde, ça vous parle ?! Celui de Jules Verne oui, mais celui des skippers du Vendée Globe ? Et pourtant… Ces hommes et femmes courent pour la gagne mais aussi pour la bonne cause, celle de la lutte contre le changement climatique.

L’océan est au cœur de la lutte contre le changement climatique et néanmoins aussi en danger majeur. Les océans absorbent entre 25 et 30% des émissions de gaz à effet de serre issues des activités humaines émises dans l’atmosphère et ces dernières sont en constante augmentation. Outre cela, la quantité de plastique explose dans les eaux de notre planète. Nombreuses sont les personnes à se mobiliser pour faire changer les choses, et notamment des skippers de courses autour du monde. C’est le cas ici, avec des marins, capables de réaliser un exploit sportif, tout en aidant la recherche scientifique et en sensibilisant à la préservation de l’océan.


Le contexte, une course autour du monde, sans escale et sans assistance

Le défi est posé : faire le tour du monde par les océans Atlantique, Indien et Pacifique, en moins de 80 jours (pour les plus performant·es). De quoi faire pâlir Jules Verne, n’est-ce pas ?

Ce défi, c’est celui du Vendée Globe. Une course de voiliers (de plus de 18m de long), en solitaire, sans escale et sans assistance. Depuis 1989, ce sont 9 courses qui se sont déroulées au départ des Sables d’Olonne (sur le littoral atlantique) ; et pas moins de 198 marins ont pris le départ de l’une d’entre elles. Cette course au large est mythique, de par ses bateaux toujours plus rapides et performants et de par ses skippers, toujours plus nombreux·ses et motivé·es pour relever l’incroyable défi de l’Everest des mers.


Le Vendée Globe, c’est aussi un évènement médiatique, sur le plan national, mais aussi international. La communication de la course met non seulement en avant la difficulté de l’épreuve et l'exploit ainsi réalisé mais aussi la proximité des skippers et les projets de société qu’ils et elles portent. Le public de cette course se trouve être finalement bien plus large que de simples amateur·trices de voile. Sur cette dernière édition, il y a eu près de 250 000 sujets, tous médias confondus en France et à l’étranger. En terme d’audience, l’édition 2020-2021 a permis de construire une communauté de plus de 985 000 fans sur les réseaux sociaux et plus de 11 millions d'utilisateurs sur leur site web.

Ces skippers, au-delà de “faire rêver” le public par leurs exploits, se donnent une nouvelle mission, celle de sensibiliser à la préservation de l’environnement et plus particulièrement de l’océan.

Rencontre entre recherche scientifique et course au large

Lors des presque 52 000 km de navigation en solitaire, les skippers de courses autour du monde empruntent des routes maritimes, parfois encore inexplorées. Ce sont des zones reculées où le trafic maritime, qu’il soit commercial, scientifique ou touristique, est très faible. N’est-ce pas alors, une formidable occasion que d’utiliser les bateaux du Vendée Globe comme des laboratoires mobiles au cœur des eaux les plus inconnues ?

En partenariat avec différents organismes de recherche (Commission Océanographique Intergouvernementale de l’UNESCO et le laboratoire de recherche Ifremer notamment), les skippers emportent alors avec eux/elles autour du monde, des instruments scientifiques pour récolter des données réelles, issues directement du terrain. Car des données, il en existe déjà sur le changement climatique et les océans, mais elles sont souvent imprécises puisqu’elles sont issues des satellites. Avec des données de surface directes, les scientifiques pourront préciser leurs simulations et prévisions climatiques pour les prochaines décennies. Ces données concernent par exemple, la température de l’eau et de l’air, la salinité de la mer, la quantité de microplastiques, ou bien la présence ou l’absence de certaines espèces, notamment dans les mers du sud, peu étudiées. 

Aussi, les skippers ont déposé des balises flottantes qui permettent aux scientifiques d’obtenir des données en temps réel sur de plus longues périodes, à des données géographiques spécifiques. Ainsi, de nouvelles études, notamment sur l’évolution du changement climatique et les différents scénarios, sont et seront basées sur ces données récoltées.

Lors de la dernière édition, c’était plus d’un tiers de la flotte qui récoltait ces données pour la recherche. On peut citer par exemple Alexia Barrier et sa balise Argo, Fabrice Amedeo et ses capteurs de collecte des microplastiques...


S’impliquer et sensibiliser

L’avantage de la médiatisation de la course est que les projets gagnent en visibilité et certains skippers tentent de sensibiliser à la cause environnementale à travers diverses actions, sur terre comme en mer.

« Profiter du contexte de grandes courses océaniques pour mettre en avant ces sujets, créer de l’adhésion et donner du crédit au message »  Stéphane Le Diraison citation

Invité·es sur les plateaux télé ou lors de live sur les réseaux sociaux, les skippers jouent les stars en amont et lors de la course elle-même. Avec ces communautés, ils et elles travaillent à engager une force d’action à travers leur exploit. Depuis la mer sont envoyés de nombreux témoignages de la beauté et de la fragilité de l’écosystème marin.

Nombre d’entre eux/elles sont aussi à l’initiative de projets pédagogiques en lien avec des classes de tous niveaux. Certain·es créent avec leurs équipes des projets de A à Z (c’est le cas de Boris Herrmann, skipper allemand de Sea explorer-Yacht Club de Monaco) ; d’autres profitent d’équipes à terre pour sensibiliser directement dans les écoles. C’est aussi le cas de l’équipe même du Vendée Globe qui a développé un site internet spécifique regroupant toutes sortes de jeux et ressources pédagogiques pour suivre la course et apprendre de nouvelles connaissances et savoir-faire, alliant programmes scolaires et parcours des skippers. 

Parfois aussi, les skippers sont personnellement impliqué·es dans des associations de préservation et de sensibilisation aux enjeux climatiques : c’est le cas d’Alexia Barrier, par exemple, fondatrice de l’association “4myplanet” sur la biodiversité marine ou de Benjamin Dutreux, ambassadeur du projet “Water familly, du flocon à la vague” sur la protection de la ressource en eau et notre consommation. Les deux travaillent à la sensibilisation des plus jeunes à travers différents programmes. 

Grâce à la médiatisation de cette course, aux communications des skippers en direct à destination de publics variés et à la confiance des scientifiques, ils et elles donnent à voir ce qu’est une partie de la recherche scientifique et rendent accessible la compréhension des phénomènes. Suivi·es par de nombreuses classes, les skippers se sont investi·e·s de la mission de communiquant·es scientifiques et ça leur va plutôt bien.

Marie Arthuis

crédits images : @Vendée Globe


Sources :

https://www.lemonde.fr/climat/article/2015/06/08/l-ocean-absorbe-30-des-emissions-de-co2-dues-aux-activites-humaines_4649587_1652612.html

https://www.vendeeglobe.org/fr/actualites/22381/vendee-globe-le-bilan-3

https://wwz.ifremer.fr/Espace-Presse/Communiques-de-presse/Vendee-Globe-Des-navigateurs-engages-avec-l-Ifremer-et-la-communaute-des-sciences-oceaniques

https://www.imoca.org/fr/developpement-durable/partenariats/coi-unesco