Soulever les montagnes, toujours plus haut…
Publié par Alexandre Foray, le 26 novembre 2012 4k
Pratiquant le sport d'endurance et intéressé par le thème de l’effort physique et de la santé, Alexandre a assisté à une soirée des Rencontres du cinéma de montagne. Il nous parle de la fascination de certains sportifs pour la haute montagne.
Si Grenoble a la réputation d’une ville montagnarde (bien qu’il n’y ait que 100m d’écart entre l’altitude de Grenoble et celle de la colline de Montmartre à Paris), ce n’est pas les Rencontres du cinéma de montagne qui viendront écorner cette renommée… bien au contraire !
Dès notre arrivée au Summum, où se déroulaient les projections, nous étions plongés dans l’ambiance. Des hommes et des femmes "déguisés" en anorak siglés Millet ou Quechua arpentaient la remontée vers le Summum par la face nord souvent éclairés par des frontales (Petzl !). Puis l'arrivée à un chapiteau, sas intermédiaire avant d’atteindre le camp de base pour la soirée. Des repas et boissons de récup’ à base de tartiflette, de croziflette et de bières Mandrin locales (au chanvre s’il vous plaît) permettaient à chacun de patienter avant les projections.
« … se sentir vivre, sentir battre son cœur »
Mais si ces milliers de montagnards (tardifs ou de naissance) se déplaçaient chaque soir au festival programmé en ce début de la saison (de ski), c’était aussi pour partager une expérience collective autour de ces hommes et ces femmes venus du monde entier pour nous parler de leur performance. Car il était bien question de montagne avec un grand M…
Comme au cinéma, le cœur du spectateur battait au rythme des défis, bien réels, que se sont lancés ces athlètes qui ont le goût du risque, aussi mesuré soit-il. « … se sentir vivre, sentir son cœur battre » témoignaient la plupart des performeurs à l’issu de la projection de leur documentaire.
Assister à la projection des films c’est vivre durant 2h30 des émotions fortes à travers plusieurs histoires de passionnés des sports extrêmes : l’alpinisme en Chine, le parapente dans le massif de Belledonne, le wingsuit au Pakistan pour ne citer qu’eux. Des expéditions retranscrites avec une qualité d’image époustouflante, des scénarios originaux et décalés qui conduisaient souvent les spectateurs à rire aux éclats pour évacuer la tension des défis qui sont relevés à l’écran… tant on s’y croyait !
A chacun son Everest
Se suspendre à 600m de hauteur sur une falaise encore inexplorée, un saut de l'ange revêtu d’une simple combinaison du haut d’une falaise de 1 000m, parcourir 14 sommets de 2000 m en un temps record… on peut comprendre le désir de pratiquer des sports qui sortent des sentiers battus mais quel est ce carburant qui alimente le cœur et la foi de ces sportifs ? Lorsqu'on les écoute, ces défis leur semblent pourtant ordinaires...
Oui, il y a cette addiction au sport mais il y a aussi ce goût du risque et cet attachement à la très haute altitude. A Grenoble, des études sont menées par Samuel Vergès, chercheur au sein de l’équipe Hypoxie : Physiopathologie Cardiovasculaire et Respiratoire (HP2) à l’Inserm [ndlr : la même que Guillaume Millet], pour montrer combien le cerveau peut limiter l’effort. Là où la plupart des personnes abandonnerait, certains sujets arrivent à contourner les effets néfastes de la haute altitude (carences en oxygène, dysfonctionnement des neurones altérant la prise de décision) tout juste le temps d’accomplir leur exploit. En ce sens, l’alpinisme et d'autres sports de haute montagne sont utiles aux chercheurs pour comprendre les limites de l’adaptation de notre cerveau à des conditions extrêmes. L’opération Vallot menée par cette même équipe de l’Inserm a fait l’objet d’un film diffusé lors de la précédente édition des Rencontres du cinéma de montagne.
Bel exemple de programme de recherche en neurosciences appliqué aux sports pratiqués dans des conditions extrêmes. Ces études alimentent d’ailleurs d’autres recherches menées sur des pathologies chroniques développées en basse altitude à cause des pollutions ou des comportements à risque comme la consommation de tabac ou d’alcool.
A noter, l’édition 2013 de la Semaine du cerveau qui se tiendra à Grenoble du 11 au 17 mars 2013 abordera la question de la performance et du dépassement de soi notamment dans le cadre d'une activité sportive. Une occasion de croiser des sportifs de haut niveau et des chercheurs (de haut niveau aussi) pour mieux comprendre les mécanismes qui s’opèrent dans notre cerveau lorsque nous pratiquons une activité. D'aucuns diront que ces performances ne concernent pas uniquement le sport mais toutes les activités de la vie quotidienne et qu'il appartient à chacun d'atteindre (ou pas) son Everest comme il l'entend.
Une édition assombrie par la disparition de Patrick Edlinger
Même si ce cru 2012 aura été riche en sensations fortes, il aura aussi été assombri par la disparition de Patrick Edlinger deux jours avant le lancement de l'évènement. « Un personnage discret, solitaire, exigeant dans sa pratique de l’escalade » témoigne Yves Exbrayat, directeur de la Maison de la montagne et organisateur des rencontres. Ce grimpeur hors-pair au palmarès remarquable a largement contribué à donner ses lettres de noblesse à l’escalade. Deux films de Jean-Paul Janssen lui étaient intégralement consacrés dont La vie au bout des doigts. Une manière de mieux découvrir cet homme au parcours humain lumineux, comblé par la réussite et la reconnaissance de ses pairs, mais aride et désertique comme les parois qu’il escaladait, noyé dans son addiction à l’alcool.
Son dernier film dont il est le protagoniste Survivre à l’Annapurna a également été projeté durant ces rencontres. Le festival devait être marqué chaque soir par la présence de Patrick Edlinger, il aura finalement autant marqué cette édition mais par son absence.
Et pour finir, j'attire l'attention du lecteur de cet article car un festival de film de montagne peut en cacher un autre... surtout dans notre région ! Après les Rencontres de montagne de Grenoble, la ville d’Autrans propose du 5 au 8 décembre prochain Le Festival du film de montagne, la station de ski Val d’Isère nous invite du 22 au 25 avril 2013 au festival Aventure et Découverte, la ville d’Albertville présente sa 11è édition des voyages dans les hauteurs Le Grand bivouac… et bien d’autres événements sur la montagne sont à venir en été comme en hiver ! Et même si la montagne inspire des sportifs, des artistes et des chercheurs, elle n’est pas prête de nous livrer tous ses secrets !
>> Illustrations : Ville de Grenoble