Samson fait évoluer le modèle "boules-bâtons" de la chimie !
Publié par Mathilde De Vos, le 27 août 2012 3.4k
L’équipe Nano-D de l'INRIA développe SAMSON, un logiciel de modélisation à l'échelle atomique permettant, entre autre, de visualiser la géométrie des molécules. Maël Bosson, doctorant de l’équipe, explique le principe de ce logiciel et de son travail sur la chimie quantique interactive.
S’il existe de nombreux logiciels de modélisation pour la construction macroscopique, ce n'est pas le cas à l'échelle atomique. En effet, il est très difficile de dessiner une molécule de manière plausible, dont la configuration est proche de la réalité et respecte les contraintes physiques : la plupart des configurations géométriques sont impossibles. SAMSON, le logiciel développé par l’équipe Nano-D, y parvient en calculant en temps réel l'énergie potentielle, dont dépend la forme d’une molécule : plus elle est faible, plus la configuration étudiée a de probabilités d'exister.
Dans le logiciel de modélisation interactive développé par l’équipe, la nouveauté est que l'énergie potentielle est calculée selon les principes de la physique quantique et les forces agissant sur les noyaux sont calculées en temps réel. L’utilisateur peut modifier la géométrie d’une molécule en visualisant immédiatement l’impact sur la structure chimique (l’ordre des liaisons, la densité électronique, les orbitales moléculaires, etc.) pour des molécules contenant jusqu’à plusieurs centaines d’atomes. Les forces « quantiques » agissant sur les noyaux sont calculées en temps réel. L’opérateur peut ainsi visualiser la dynamique du système moléculaire, ou construire des configurations stables en minimisant son énergie potentielle.
Les enjeux nano-technologiques associés au logiciel SAMSON incluent l'industrie pharmaceutique, l'industrie électronique, la chimie des matériaux… En éducation aussi, les perspectives sont intéressantes : les images créées par SAMSON sont plus précises que les représentations boules/bâtons utilisées par les étudiants, et permettent en outre de visualiser en direct les conséquences des modifications.
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Diviser pour mieux régner
Dans le cadre du modèle de chimie quantique simulé par SAMSON, on appelle système un ensemble de noyaux et d'électrons. Dans un système, on traite :
- les noyaux selon les principes de la physique classique, en considérant le noyau comme un point de l'espace doté d'une charge et d'une masse, à une position et une vitesse données.
- les électrons à l'échelle quantique : on ne sait pas où ils se trouvent autour du noyau, mais on connait leur probabilité de localisation ; elle dépend de la fonction d'onde, solution de l'équation de Schrödinger.
La chimie quantique interactive est basée sur un algorithme de type diviser-pour-régner : il divise les gros problèmes en plusieurs petits problèmes plus faciles à résoudre, qui pourront éventuellement être traités en parallèle. Ce type d'algorithme permet d'exploiter toute la puissance des processeurs modernes (il est très difficile de dépasser la vitesse séquentielle des processeurs d'aujourd'hui, mais on peut plus facilement augmenter le nombre de cœurs travaillant en parallèle). Plutôt que de résoudre les gros problèmes d'un coup, on résout plusieurs petits problèmes en même temps. La difficulté est de trouver une division qui n'altère pas le sens global lors de l'agrégation des solutions.
La complexité de cet algorithme est linéaire : lorsque la taille du système augmente - c'est à dire quand le nombre d'atomes augmente - le temps de résolution du problème augmente de manière proportionnelle. Si on calcule la structure en un temps T, on calculera la structure d'un système deux fois plus grand en un temps deux fois plus long (2T). Les algorithmes de type diviser-pour-régner permettent donc de traiter efficacement un grand nombre d'atomes simultanément.
Pour prouver que la méthode diviser-pour-régner fonctionne sans erreur sur les grands systèmes, Maël a comparé les méthodes de calcul classiques avec sa méthode. Pour certaines grandes molécules, il a utilisé le calcul analytique (formules mathématiques) car les délais auraient été trop longs en calcul numérique.
>> Source : Article initialement publié sur le site d'Inria Grenoble le 18 Juin 2012
>> Illustrations : INRIA (équipe Nano-D)