Retour sur le café sur le végétarisme

Publié par Laure Laforgue, le 1 septembre 2015   3.3k

Le 9 décembre 2014 se tenait le dernier Café sciences et citoyens de l’année 2014 sur une question d’actualité : "Le végétarisme est-il une solution pour notre santé et celle de la planète ?".

Comme à leur habitude, les organisateurs avaient choisi des intervenants compétents et passionnants : Odile Cohard-Cordelle, diététicienne et nutritionniste, Françoise Reiller, ancienne responsable d'organisations agricoles et d'un groupement agricole en polyculture élevage et Jean-Philippe Vincent, ingénieur agro-économiste, ancien directeur d'organisation agricole. Bien que le sujet de départ ait été le végétarisme, le débat s’est vite orienté vers la surconsommation de protéines animales et les conséquences des élevages intensifs. Les participants se sont impliqués dans les discussions et la pertinence des réponses des intervenants était très convaincante.

Mais revenons à nos moutons… Qu’est-ce que le végétarisme ? Ne plus consommer de viandes. Et selon le degré, abandonner le poisson et les œufs également. A ne pas confondre avec le végétalisme qui exclut tout aliment d’origine animale (par exemple le lait) et le mouvement vegan (végétalien en anglais) dont les membres ne consomment aucun aliment ou objet d’origine animale (laine, cuir, …).

Pourquoi est-on végétarien ? Certains le sont pour des raisons religieuses (Hindouisme par exemple), culturelles, éthiques (bien-être animal) mais aussi pour des raisons de santé et parce que cela est bénéfique pour la planète. C’est de ces deux dernières raisons dont il a été question.

Ce qu’il faut savoir :

Impact sur la santé :

En France, la consommation annuelle de viande d’un individu est en moyenne de 96kg. Elle est de 120kg aux Etats-Unis et… 42kg dans le monde. En ce qui concerne la consommation annuelle de poisson, même constat : 17kg/personne au niveau mondial et 37kg/personne en France. Cette surconsommation de protéine engendre des problèmes de santé divers : plus d’accidents cardio-vasculaires, plus de diabète de type II. Dans la viande de bœuf et de mouton, il y a beaucoup de matières grasses saturées. Consommée en excès, ces matières grasses sont responsables d’une augmentation du taux de cholestérol, d’AVC (Accident Vasculaire Cérébral) ou encore d’inflammations. Et c’est bien cela qu’il faut retenir : manger trop de viandes et de poissons est néfaste. Il n’est toutefois pas nécessaire de devenir végétarien pour avoir un mode de vie sain. D’ailleurs, les protéines animales sont les seules qui contiennent tous les acides aminés essentiels (acides aminés que ne synthétise pas notre corps). Si l’on se nourrit uniquement de protéines végétales, il faut absolument compléter son régime alimentaire afin de disposer de ces acides aminés.

Au-delà de la surconsommation de viande, se pose le problème de ce qu’il y a dans la viande. La majorité de la viande que l’on trouve dans les circuits de distribution provient de l’élevage intensif où le bétail n’est pas nourri qu’avec du maïs et du soja. Antibiotiques, hormones de croissance, mais aussi les pesticides utilisés dans la culture du maïs et du soja sont partie intégrante du régime alimentaire des bêtes. La question des influences que peuvent avoir ces éléments sur notre santé reste ouverte. Pour la consommation de poissons élevés dans les fermes aquacoles, c’est un peu le même constat : le ministère de la santé de Norvège a, par exemple, déconseillé la consommation de saumon provenant d’élevage de la mer Baltique à cause de produits cancérigènes retrouvés dans ce poisson.

Impact sur l’environnement :

La surconsommation de viandes et de poissons entraine des conséquences encore plus dramatiques pour l’environnement. Revenons aux fermes aquacoles. La nourriture et les antibiotiques donnés à ces poissons, souvent génétiquement modifiés, polluent les poissons sauvages. Si l’on considère la pêche, 25% des poissons pêchés sont relachés, car impropres à la consommation. Du gros gachis donc.

Pas mieux du côté des animaux terrestres : la production de viande est peu économe en terme de productivité et a un gros impact sur la planète. 60% des céréales produites dans le monde (80% du maïs) sont utilisées pour nourrir les animaux des élevages intensifs. Pour produire 1kg de bœuf il faut 10 mètres cubes d’eau (soit 200 douches) et 10 kg d’intrants, c’est-à-dire la nourriture, les antibiotiques, les pesticides et les engrais chimiques, ce qui en fait la viande la moins rentable d’un point de vue écologique. Pour exemple, il faut 4kg d’intrants pour produire 1kg de poulet et 5kg d’intrants pour 1 kg de porc.

En tout, l’élevage (et la culture de céréales pour nourrir le bétail) représente 18% de la production mondiale de gaz à effet de serre (2ème responsable après les logements et avant les transports).

On fait comment alors ?

Si vous êtes comme moi et que vous ne pouvez pas vous passer de viande, la solution n’est peut-être pas dans le végétarisme, mais dans l’élevage extensif.

Françoise Reiller, l’une de nos intervenants possède une ferme d’élevage laitier à Herbeys. Ici, pas d’élevage intensif mais un système autonome dans les montagnes de Belledone : les ruminants se nourrissent d’herbes ce qui permet de réguler la pousse de végétations. A l’Alpe d’Huez, on demande même aux agriculteurs de faire paître leurs vaches sur les pistes de ski l’été, car cela limite le risque d’avalanche en hiver. En plus de 15 Ha d’herbe, la ferme d’élevage laitier fait pousser 10 Ha de céréales. A la place d’engrais chimique, du fumier est utilisé. La ferme produit du lait et de la viande (les vaches en fin de cycle de production laitière) bio.

D’après les intervenants, si les français divisaient leur consommation de viande et de poisson par 2, le pays pourrait produire assez de viande pour tous les citoyens et ce, de manière extensive.
Mais la Politique Agricole Commune (PAC) ne s’oriente pas vers ce modèle de consommation. Les aides données aux agriculteurs confortent le système intensif : 80 euros de subventions/ha pour cultiver de l’herbe contre 350€/ha pour du maïs…

Ce que j’en ai pensé:

La première fois que je suis allée à un café science, mon encadrante m’a confié qu’en général, quand on arrive avec une opinion sur le sujet du débat, on n’en changeait rarement. Pourtant, moi carnivore qui mange une à deux fois par jour de la viande, j’ai depuis essayé de réduire cette consommation et de ne plus acheter de viande dans la grande distribution mais chez les bouchers, dans les marchés ou dans les coopératives de petits producteurs (pour un prix relativement égal). Loin de vouloir enlever de mon alimentation des produits, il s’agit plutôt d’améliorer la qualité de ces produits et les consommer en quantité moindre.

Une vraie prise de conscience !