"Rencontrer des publics variés et éveiller en eux la curiosité"

Publié par Jeany Jean-Baptiste, le 30 septembre 2013   3.3k

Rencontre avec Karine Godot, médiatrice scientifique, qui nous raconte son parcours et l’origine de l'association Sciences et malice qu'elle a créée.

Quel est votre métier et en quoi consistent vos différentes activités ?

Je dis que je suis médiatrice scientifique dans le sens où je me place entre la science, son histoire, ses fondements, ses acteurs, son fonctionnement et le public non initié. À travers des ateliers, j’invite les participants, principalement les enfants de 7 à 12 ans, à porter un regard scientifique sur le monde, se questionner, expérimenter pour chercher des réponses, relever des défis mais aussi bricoler, créer et bien entendu imaginer…

Quand et pour quelles raisons avez-vous créé l’association Sciences et Malice ? Et d’ailleurs, pourquoi “malice” ?

En parallèle de mes études scientifiques [ndlr : doctorat en didactique des mathématiques à l'Université Joseph Fourier] (1), j'ai travaillé dans l’animation en centres de loisirs et j’ai également suivi le Master de communication scientifique et technique de l’Institut de la Communication et des Médias [ndlr : Université Stendhal]. Au moment de la rédaction de mon mémoire, qui portrait sur le thème de la médiation scientifique pour le jeune public, je me suis rendue compte que les enfants étaient un public à part, très peu pris en compte dans la communication scientifique, alors qu’ils disposaient de revues, de jeux spécifiques ou d’ateliers dans les musées. Depuis quelques années, une kyrielle de boîtes d’expériences en tous genres a envahi les rayons des libraires, mais, malgré tous ces médias, les enfants ont encore peu l’occasion de rencontrer vraiment la science, de faire de la science comme un chercheur.

J'ai profité de mon statut d'animatrice en centres de loisirs, un lieu idéal pour la rencontre entre sciences et enfants, afin d'entrer dans le monde de l’animation scientifique. Petit à petit, l'idée d'une association a germé et Sciences et Malice a vu le jour en 2000. "Malice", car pour faire des sciences, j'estime qu'il faut être malin, judicieux…et ça correspond bien à l’univers des enfants !

Votre formation scientifique est-elle un plus pour la mise en oeuvre de vos activités ?

Etre scientifique, ça me permet de savoir de quoi je parle, parce que je trouve qu’il est très important de ne pas transmettre de fausses idées, de ne pas faire des raccourcis hâtifs, si on se fait une fausse conception d’un savoir dès le début, ça peut perdurer longtemps, surtout en sciences. Mais cela ne suffit pas. Il faut ensuite parvenir à décortiquer les connaissances scientifiques et les illustrer par la pratique, pour les rendre accessibles aux enfants. Là, ce sont mes études en didactique et mes années d’expériences dans l’animation qui me sont utiles... Pour être animateur scientifique, je dirais donc qu’une formation scientifique aide à la médiation mais que l’expérience dans l’animation est aussi importante pour la gestion du groupe, la connaissance du public, les idées de bricolage, la mise en scène d’expériences…

Ma formation me permet aussi de présenter l’animation scientifique, ses principes, fondements, pratiques, lors de colloques autour de l’éducation scientifique, des formations à l’IUFM, à l’université… C’est très important pour moi de diffuser ce que je fais car je pense que c’est dès le plus jeune âge qu’il faut éveiller la curiosité, en particulier scientifique. Pour ce faire, l’animation scientifique est un complément à l’enseignement des sciences à l’école. L’animation est une forme de vulgarisation des sciences encore peu connue (voire reconnue ?) et donc peu étudiée.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus et aussi le moins dans votre métier ?

Les plus pour moi, ce sont le contact avec les enfants et leur émerveillement, le nomadisme car je vais de structure en structure, je vais aux enfants, les locaux de Sciences et Malice étant trop exigus pour les accueillir. Et puis le renouvellement. Les thèmes que nous explorons sont choisis par les enfants. Je prépare ensuite les séances d’animation. Du coup, je suis amenée régulièrement à créer de nouveaux outils pédagogiques pour les accompagner dans leur recherche des réponses...

Le point négatif, c’est le peu de reconnaissance institutionnelle vis-à-vis de l’animation scientifique, qui peine à être prise au sérieux. En France, la rencontre avec les sciences se fait à l’école, voire parfois seulement au collège. Les sciences y sont apprises mais rarement expérimentées. C’est loin d’être une partie de plaisir ! Les politiques s’inquiètent d’une désaffection des filières scientifiques mais pour moi, ça n’a rien d’étonnant. En primaire, les enfants sont pleins de questions, prêts à essayer de nombreuses choses, ils foisonnent d’idées et n’attendent que d’expérimenter... mais ils en ont rarement l’occasion. Au collège, ils sont préoccupés par d’autres choses et sont souvent bien loin des notions abordées en cours de sciences. Pour moi, pour la plupart, il est déjà trop tard pour qu’ils accrochent.

Ainsi, les ateliers que proposent Sciences et malice et d’autres associations comme les Petits Débrouillards ou Planète sciences peuvent permettre à certains de découvrir les sciences avant d’être au collège. Pourtant, il ne nous est pas facile d’intervenir en formation des enseignants ou dans des classes alors que comme m’a dit Clara, une ancienne participante à un de mes ateliers, maintenat adolescente : « heureusement que j’ai fait des sciences avec toi, parce que sinon, je trouverais ça nul la science, vu ce que je fais au collège. Mais je sais que c’est autre chose de plus intéressant »...

Depuis quand participez-vous à la Fête de la science ? Quel aspect de l'événement trouvez-vous le plus intéressant d’un point de vue personnel et professionnel ?

La Fête de la Science… J’y passais quand j’étais étudiante, j’y ai ensuite tenu le stand de l’équipe Maths à modeler au sein de laquelle j’ai préparé ma thèse. Maintenant, j’assure des animations ici ou ailleurs… Professionnellement, je trouve cet événement intéressant car c'est une occasion donnée à des lieux non « scientifiques » de proposer des animations autour de la science. Du coup, je peux moi-même animer dans des bibliothèques, des collèges, rencontrer des publics très variés, enfants, familles et éveiller en eux la curiosité et l’envie de comprendre. Plus personnellement, c’est un événement qui me permet d’aller rencontrer des chercheurs et de leur poser des questions. Autant d'informations qui me permettent ensuite de parler de leurs recherches aux enfants qui participent à mes ateliers.

>> Note :

  1. La thèse de Karine, effectuée sous la direction de Sylvain Gravier, s'intitule "Situations recherche et jeux mathématiques pour la formation et la vulgarisation", UJF, 2005

>> Illustrations : Karine Godot