Rencontre avec Fanny Le Bagousse, illustratrice

Publié par Marion Sabourdy, le 19 novembre 2018   4.6k

Après notre interview de l’illustratrice naturaliste Jessica Cognard, nous avons eu la chance de rencontrer Fanny Le Bagousse, elle-même illustratrice, pour un entretien autour de ses projets.

Quel est ton parcours ?

J’ai un parcours scientifique : une Licence de Biologie, une Maîtrise Biodiversité, écologie et environnement à Grenoble puis je suis arrivée sur le marché de l’emploi ! En parallèle, j’avais un pied dans les associations autour de l’environnement, comme la LPO ou la Frapna Isère en tant que bénévole ou écovolontaire. Les gens que je croisais savaient que je dessinais et je « rendais service » en faisant des illustrations par-ci par-là. J’ai alors pris le statut d’auto-entrepreneuse, vers fin 2015. Après, c’est une histoire de réseau ! J’ai commencé à travailler en tant qu’illustratrice pour les associations dans lesquelles j’avais été bénévole ou bien avec des personnes que j’avais côtoyées pendant mes études scientifiques.

As-tu une formation artistique ?

Non ! Le dessin a longtemps été un loisir pour moi. J’ai plutôt un parcours d’auto-didacte de ce point de vue. Je dessine depuis que je suis toute petite…. C’est mon grand-père qui m’a lancée dedans. Il m’a donné les clés et l’envie de continuer. En fait, contrairement à la plupart des gens, j’ai juste continué de dessiner en grandissant ! Cela a développé mon sens de l’observation. Quelqu’un qui dessine régulièrement peut atteindre un bon niveau.

Qu’est-ce que tu dessines ?

J’ai deux « casquettes ». Le dessin naturaliste réaliste et le dessin « humoristique ». Bizarrement, ce n’est pas le premier qui est le plus demandé ! La plupart des clients viennent vers moi pour le deuxième, une sorte de mix entre du dessin de presse et de la bande dessinée pédagogique, principalement pour produire des outils à destination du grand public. En ce moment, je ne fais quasiment plus que de l’humoristique pour mes clients donc je prends du temps à côté pour faire des dessins réalistes.

A côté de cela, je tiens un blog où je raconte des petites scènes humoristiques en BD. Cela vient de mes études, pendant lesquelles j’aimais dessiner des BD sur des anecdotes de cours, que je partageais à mes camarades. J’avais aussi beaucoup de présentations à faire à l’oral, sur des sujets scientifiques, avec des diaporamas. Et comme un message scientifique compliqué passe mieux avec un note d’humour et que les dessins nous permettaient de nous démarquer des autres présentations, j’ai utilisé des dessins pour ajouter une dose d’humour ! Une bonne méthode pour réveiller des profs endormis par les présentations précédentes ! C’est un peu difficile de tenir ce blog à côté des missions car cela prend du temps, mais j’aime beaucoup le faire.

Avec quels organismes as-tu travaillé ?

Comme je le disais plus haut, j’ai collaboré avec des associations naturalistes dans lesquelles j’ai été bénévole ou stagiaire. J’ai réalisé des illustrations naturalistes et pédagogiques d’animaux pour des panneaux et des fiches d’information pour la LPO Isère, des dessins pour le livret « Ces petites bêtes qui nous dérangent » de la Frapna Isère ou encore des illustrations pour Le Pic Vert ou le Tichodrome.

Récemment, j’ai travaillé avec le Parc naturel régional (PNR) du Massif des Bauges pour créer les illustrations du jeu de société "Défi Chamois, L'hiver arrive", en partenariat avec le Laboratoire d’écologie alpine (LECA). Dans ce jeu, tu incarnes un chamois qui doit engranger de l’énergie avant l’hiver en mangeant sur les cases appropriées, tout en évitant le loup, les passants… Le parc a édité le jeu à petite échelle avec 25 exemplaires test. Ils cherchent actuellement un éditeur [ndlr : pour en savoir plus, découvrez cet article d’Echosciences Savoie Mont Blanc].

J’ai également travaillé avec eux pour des illustrations sur des panneaux d’information et de sensibilisation. J’ai aussi réalisé, entre autres, les illustrations du livret « Hiver sauvage, montagne en partage » et d’autres dessins pour le magazine « Alpes is Here » et pour le compte du Département de L'Isère. Sans oublier la Réserve naturelle régionale des Isles du Drac et la Réserve naturelle nationale de la Haute Chaîne du Jura !

D’où vient ta passion pour la nature ?

J’ai toujours aimé la nature et les animaux. Ça me fascine ! J’aime faire des randonnées, des promenades ou des sorties naturalistes avec des associations ou mes amis, entendre les chants d’oiseaux et essayer de les reconnaître. Et cette passion s’est rapidement liée avec la notion de protection de l’environnement. Si on veut un futur, il faut le protéger ! J’ai habité dans le centre-ville de Grenoble mais maintenant, je vis à Moirans et j’ai la chance d’avoir un parc et la nature près de chez moi, accessible à pied, avec des martins-pêcheurs, des aigrettes... Pour moi, la nature est une bouffée d’air et d’inspiration. Autour de Grenoble, on a la chance d’avoir des paysages magnifiques, des massifs diversifiés, avec lacs, paysages alpins, forêts, cascades, etc. Autant en profiter !

Cette passion t’a-t-elle aidée pour tes dessins naturalistes ?

Oui ! Mes connaissances en anatomie des animaux viennent de mes actions en tant que bénévole, de mes sorties naturalistes car je me renseigne sur les espèces que je croise. Ma formation scientifique m’aide pour la partie « vulgarisation » de mon métier, la capacité de synthétiser un charabia scientifique pour en faire une illustration directement compréhensible. Pour le reste, c’est un challenge de réaliser parfois des illustrations naturalistes précise tout en conservant un « trait BD ».

As-tu des influences en termes de dessins d’animaux ?

Une des lectures qui a inspiré mes animaux humoristiques est le magazine La Hulotte. C’est un petit bijou de vulgarisation scientifique nature, qui fait passer des informations très précises avec de superbes illustrations détaillées, et de nombreux petits personnages humoristiques. J’admire aussi le travail d’illustrateur naturaliste de Jean Chevallier, Yves Fagniart ou bien Benoit Perrotin.

Avec quels matériels travailles-tu ?

Personnellement, je touche à tout : crayon, aquarelle, peinture à l’huile… Du côté professionnel, je ne fais, pour l’instant, que du numérique, car c’est un des formats les plus pratiques pour l’envoi et les retouches éventuelles. Je dessine directement sur une tablette Wacom et sur le logiciel Photoshop, je n’ai ni scanner, ni imprimante. L’avantage, c’est que je peux dessiner un croquis, l’envoyer pour validation puis continuer le dessin ensuite, ajouter des éléments… Au niveau de la sensation, c’est différent, plus lisse. J’avoue que je trouve la sensation du crayon qui agrippe le papier plus agréable.

Quelles sont tes conditions de travail ?

J’ai un réseau de clients géniaux, proches géographiquement, avec qui j’aime travailler et qui ont confiance en moi. Ce n’est pas donné à tout le monde ! Pour l’instant, je travaille surtout avec des acteurs du monde de la nature et de l’environnement et je suis vraiment heureuse que mes illustrations soient utile dans ce domaine. Ça ne serait pas dans mon éthique de faire de la pub pour des insecticides ! Je commence tout juste à me construire un réseau du côté des institutions scientifiques, pas forcément liées à la nature. Je suis ouverte à toute proposition ! Etant auto-didacte, j’ai surement manqué d’informations à mes débuts et fait des erreurs. A ceux qui se lancent dans le domaine, j’aimerais leur dire de bien se renseigner avant et de ne pas hésiter à échanger avec d’autres personnes du métier. Car en tant qu’illustrateur/illustratrice, on a tendance à être isolé chez soi derrière son bureau.

Dans quel autre domaine aimerais-tu proposer des illustrations ?

J’ai une section « Mondes imaginaires » sur mon site. J’aime bien inventer des créatures fictives, des « bestioles » et j’aimerais pouvoir proposer des illustrations aux acteurs de l’imaginaire par exemple dans les jeux de rôle, les jeux de société ou la bande dessinée. J’adorerais être démarchée par un auteur de BD ou de jeu ! Par ailleurs, j’aimerais beaucoup pouvoir proposer mes illustrations aussi dans le domaine scientifique ou historique, pour des œuvres de vulgarisation, des expositions, des bandes dessinées, etc.

    

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