Questionnement sur notre rapport au temps : l'enjeu du numérique
Publié par Jean Claude Serres, le 7 janvier 2018 2.8k
Questionnement sur notre rapport au temps
J’ai longtemps présenté ma représentation du temps comme un espace à plusieurs dimensions : la flèche du temps, la temporalité circulaire des processus de régulation et de surveillance et enfin le rétro-planning ou encore mémoire du futur : la capacité d’anticipation et de visualisation mentale prospective.
Aujourd’hui j’ai envie de tester un autre chemin en partant de la représentation scientifique du temps comme un invariant : la flèche du temps de notre « macro monde ». Oublions les infiniment petits et infiniment grands. Le temps est immobile et c’est nous qui sommes en mouvement dans cette dimension, comme l’on peut l’être aussi dans l’espace.
Je discerne au moins quatre mouvements non synchrones qui m’habitent ou me définissent par rapport à cette flèche du temps. Je vais nommer âge, la position à l’instant « t », aujourd’hui de ces différents mouvements
L’âge officiel :
Je viens de franchir le cap des 70 ans, ce qui représente l’entrée dans le dernier quart des « seniors » entre 55 et 75 ans. C’est un mouvement administratif, irréversible conventionnel initié à la naissance, repère lui aussi conventionnel.
L’âge de mon corps :
Ce mouvement présente deux grands domaines, le mouvement irréversible du vieillissement des cellules des organes et des articulations. Il y a aussi un mouvement qui peut être réversible : certaines capacités de déplacement, de modulation du poids, des capacités de mémorisation et d’apprentissage peuvent fluctuer dans le temps, comme la santé par exemple.
L’âge de mon mental ou âge psychique :
Ce mouvement est complètement différent des deux précédents : il n’est pas du tout irréversible, mais au contraire contextuel et fluctuant. Les périodes euphorisées peuvent alterner avec de très courtes périodes de déprime. Cependant le travail, de « méditation Zen » a rendu les périodes de déprimes, rares, peu intenses et surtout facilement repérable ce qui est une façon efficace de les évacuer.
Ce qui parait très singulier dans l’âge psychique dans le cadre relationnel c’est sa puissance mimétique. Je prends automatiquement l’âge de mon interlocuteur si cela me convient. Cela peut présenter un danger dans la pratique sportive comme je l’ai vécu vers 60 ans dans le cadre du ski de montagne.
L’âge sociétal :
Ce sont des mouvements multiples et asynchrones. Ils caractérisent un peu la capacité d’adaptation ou d’intelligence dans un monde en plein mouvement, en pleine transformation.
Dans son livre : « La condition de l’homme moderne » écrit dans les années 50 est « en avance » de 40 ans dans l’émergence de nouveaux métiers. Chacun de nous peut être en avance ou en retard par rapport à ce qui est vécu par les autres même les proche ou dans le cadre d’un couple.
Les enjeux majeurs de la société numérique :
Une des questions essentielles à se poser concernant l’âge sociétal concerne les innovations numériques qui transforment les rapports sociaux autant que nos fonctionnements psychiques et biologiques. Comment évoluent nos capacités de résilience et d’adaptation, autant sur le plan individuel et familial que collectif et sociétal ? Les progrès gigantesques et très rapides en intelligence artificielle sont des moyens qui pour l’instant sont proposés à des personnes issues de la culture du livre, par des innovateurs qui en sont visiblement sorti. Il n’est pas question d’avoir peur ou de vouloir freiner ces innovations qui portent en elles le meilleur comme le pire (comme toutes les innovations que l’humanité a mis en œuvre depuis la nuit des temps). Il devient essentiel et urgent d’élaborer, d’inventer et de mettre en œuvre une éducation citoyenne à l’usage du numérique, pour faire court. Il est clair qu’il nous faut étendre cette réflexion à tous les domaines où les innovations techno scientifiques, prennent le pas sur la maturité sociale pour en faire bon usage.
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