Capter un spectacle arts-sciences en live - matériel, dispositif, le retour d’expérience du Media Lab de La Casemate

Publié par La Casemate, le 9 octobre 2020   1.8k

Article rédigé par Pascal Moutet (Responsable du Media Lab de La Casemate) et Emmanuel Laisné (chargé de projet en ingénierie culturelle et responsable de la coordination de la Fête de la science 2020 en Isère à La Casemate )

Le samedi 3 octobre 2020, dans le cadre de la Fête de la science, nous avons accueilli à La Casemate le spectacle “Sain et sauf” conçu par le Laboratoire de sciences sociales Pacte (UGA/CNRS), en collaboration avec le comédien Pascal Servet. 

Alcôve du spectacle Sain et sauf
Comédien et participant de "Sain et sauf"

Ce spectacle a pour objectif de sensibiliser et d’échanger avec le public autour de la thématique des risques majeurs. Son originalité réside dans le fait qu’il s’agit d’une part d’une pièce de théâtre interactive mettant en scène, face à face, le comédien  et une personne tirée au sort dans le public, et d’autre part d’un protocole de recherche puisque l’équipe du laboratoire Pacte étudie les réactions du participant et du public face aux situations de catastrophes naturelles  recréées via la voix du comédien.

>>  + d’infos sur le spectacle “Sain et sauf”. 

Le Media Lab a jugé intéressant de proposer une captation “live” de ce spectacle ainsi qu'un live-tweet. Vous pouvez retrouver la captation diffusée sur Youtube ci-dessous. 

Pourquoi recourir au format "live" ?

"Donner à voir" nos actions

Bien que la crise sanitaire actuelle ne nous permette pas d'accueillir de grandes jauges de public, il nous apparaît toujours important de donner à voir ce qui se passe à La Casemate à un public le plus large possible. Ceci en conservant l’interaction autant que possible lorsqu’elle est pertinente. Le format “live vidéo” diffusé via internet associe les deux, une jauge potentiellement illimitée et la possibilité d’interagir avec un public distant en utilisant par exemple la partie tchat de la plateforme Youtube et/ou les réseaux sociaux pour poser et transmettre des questions.

La captation nous permet aussi de garder trace de la programmation qui s’est tenue dans nos murs, de la faire vivre dans le temps, de la partager plus largement au sein de l’équipe lorsque celle-ci est impliquée sur des actions en parallèle...

Une crise sanitaire source d'expérimentations

Le recours au format live est assez récent au Media Lab. Après certaines expérimentations en 2019 (par exemple pendant la Scientific Game Jam), comme bon nombre d’autres structures du secteur culturel, c’est le confinement lié à la crise sanitaire qui nous a poussé à investir ce champ.

Nous avons produit un premier live au mois de juin dernier au Muséum de Grenoble dans le cadre d’une formation. Cette session s'intéressait justement aux dispositifs de médiation en ligne (enregistrés ou diffusés en direct) qui fleurissent un peu partout dans le secteur culturel et poursuivait l’objectif de proposer des clés et des méthodes pour produire soi-même des vidéos et des live.

>> Vous pouvez retrouver la captation de cette formation ici.

Cette première expérience du live a été assez suivie en ligne et riche d’enseignements pour nous (nous en avons parlé ici). Elle nous a permis de prendre en main des logiciels destinés à faire du live mais également de toucher du doigt un certain nombre de limitations techniques : sur cette session, nous avons travaillé avec les “moyens du bord”, par exemple des oreillettes bluetooth pour capter les voix des intervenants et des webcam pour l’image. Le résultat sonore et visuel est assez perfectible mais a eu le mérite de démontrer que l’on peut faire du live avec des moyens techniques simples et peu coûteux. 

Fort de cette première expérience, nous avons pu investir dans une mallette de matériel pour capter plus proprement du son - mais toujours de manière simple - et nous avons remis au centre du dispositif l’objet incontournable de production de notre Media Lab : le smartphone. Le résultat de la captation de “Sain et sauf” nous semble probant et nous vous partageons ci-dessous la fiche technique du dispositif que nous avons déployé pour obtenir ce résultat.

Vous pouvez aussi aller faire un tour du côté des expérimentations de nos compères de Science animation : Comment mettre en place un livestream scientifique ?

Le dispositif de captation

La prise de son

On le répète souvent, mais la qualité du son est finalement plus importante que la qualité de l’image quand on parle de vidéo. S’il y a donc un poste de dépenses à ne pas négliger dans un contexte de live, ce sont des micros fiables et performants.

Pour la captation du spectacle, nous avons utilisé différents types de micros : 

  • Un micro Blue Yeti Pro Studio placé sur la table pour capter les voix du comédien et du spectateur participant. C’est un micro de référence dans le monde des podcasters, polyvalent, puissant et bien adapté pour capter des conversations. Il propose différents mode de captation en fonction des besoins (Cardioïde, Bidirectionnel, Omnidirectionnel, Stéréo)
  • Deux systèmes sans fil Rode Wireless Go pour équiper les chercheurs du Laboratoire Pacte qui apportaient des réponses aux questions du public et proposaient des temps de restitution. Le système est très pratique car les récepteurs  intègrent un micro de bonne qualité. On peut également brancher des micro-cravates sur les récepteurs si l’on souhaite améliorer encore la qualité du son, qui est déjà très acceptable de base.
  • Un micro-main HF : là c’est très classique : un micro à faire passer dans le public pour prendre les questions et les retransmettre sur Youtube (sans oublier de se désinfecter les mains !)

La centralisation des sources sonores

A la recherche d’une console très simple d’utilisation et néanmoins polyvalente, nous avons opté pour le Rodecaster Pro de chez Rode.

Cette console permet de centraliser nos différentes sources de son (jusqu’à quatre pistes séparées sur lesquelles l’on insère des micros via des prises XLR) et de brancher des casques pour monitorer précisément le rendu sonore.

La console Rodecaster Pro

Nous avons également fait le choix de cet appareil car, comme son nom le suggère, le Rodecaster est très orienté vers la production de podcasts, format que nous développons ces temps-ci au Media Lab (voir par exemple ici) : on peut enregistrer le son directement sur une carte SD intégrée dans l’appareil, gérer des appels téléphoniques dans le cas où la personne interviewée se trouve à distance, connecter des sources en bluetooth ou encore pré-paramétrer des jingles et autres virgules sonores. A noter que la prise en main du Rodecaster est très rapide et ne requiert pas de compétences techniques particulières.

La captation vidéo

La captation a été effectuée fait via la flotte d’iPhones du Media Lab. Pour “Sain et sauf” nous avons disposé 5 iPhones (modèle 7 Plus pour être précis) dans la pièce, pour obtenir des cadrages variés :

  • 1 plan sur le comédien
  • 1 plan sur le spectateur faisant face au comédien
  • 1 plan face au public
  • 2 plans larges sur la pièce
La régie (Rodecaster + PC/OBS studio)

Cette configuration permet une bonne variation de plans et reste simple à déployer : il faut installer sur les téléphones l’application DroidCam Obs disponible ici (gratuite, mais compter un achat de 7 euros pour enlever la watermark), poser les iPhones sur pied et les faire communiquer avec le logiciel de streaming / live (voir plus loin). On a d’ailleurs noté une très bonne stabilité entre les iPhones et le logiciel OBS utilisé pour le streaming : nous n’avons pas ou peu constaté de saccades ou de décalages.

Photos du dispositif : https://twitter.com/LaCasemate/status/1312392016073031682 

Le logiciel de Live / Streaming

Un logiciel de streaming va permettre de rassembler, sélectionner, agencer les différentes sources afin de les diffuser vers une plateforme dédiée. Déployé sur un ordinateur, il s’agit en quelque sorte du cerveau du dispositif qui s'apparente à une régie. Dans notre cas, nous avons connecté les 5 iPhones, via le plug-in dédié, au logiciel OBS Studio par l’intermédiaire du réseau Wifi. Nous avions pour l’occasion déployé un réseau Wifi spécifique (routeur ou ordinateur en mode hotspot) afin d’assurer une connexion fiable. Le Rodecaster était quant à lui relié à l’ordinateur en USB. OBS est une solution open source gratuite, stable et flexible : elle permet d’intégrer sur un écran tous types de sources numériques (images, sons, page web, diaporamas, vidéos, capture de fenêtre…) puis de les agencer dans des scènes. On peut ensuite passer d’une scène à l’autre d’un simple clic. C’est un logiciel assez simple à prendre en main qui offre une quantité de possibilités assez fantastiques pour faire de la médiation numérique. Il mériterait à lui seul une série d’articles ! 

A noter qu’il faut disposer d’un ordinateur relativement puissant pour faire fonctionner ce logiciel gourmand en ressources.

Interface du logiciel OBS studio (à droite : scène en cours / à gauche : prévisualisation de la scène suivante)

La plateforme de diffusion

La diffusion s’est effectuée via la chaîne Youtube d’Echosciences Grenoble.

D’un point de vue pratique, il faut se connecter avec son compte sur Youtube (dans notre cas Echosciences Grenoble) puis planifier une diffusion en direct à partir de sa chaîne.

L'interface youtube studio

Cette création génère une clé de streaming qu’il faut alors renseigner dans OBS. A partir de là, vous êtes prêts à diffuser sur Youtube. A noter qu’OBS Studio peut également s'interfacer avec d’autre plateformes comme Twitch, Zoom… et qu’il est possible de diffuser en simultanée sur ces plateformes par l’intermédiaire de solutions telles que restream.io.


Le dispositif en une image

Quelques conseils / infos supplémentaires 

  • Veillez à avoir une connexion internet stable et puissante. Sans cela, pas de live possible.
  • Veillez à avoir des smartphones chargés à 100%. La captation vidéo fait fondre les batteries rapidement. Pour une heure et demie de captation sur “Sain et sauf”, la batterie a baissé de 50%.
  • Ne pas négliger le temps d’installation. Sur “Sain et sauf”, nous avons mis 4 heures pour installer et tester le dispositif.
  • Au Media Lab, nous utilisons des iPhones, mais le système d’exploitation Android fonctionne également très bien avec OBS Studio qui propose des plugins dédiés aux deux systèmes d’exploitation.

N’hésitez pas à partager vos expériences du Live ou à poser des questions dans la zone de commentaires ci-dessous. Si vous souhaitez vous former au Live ou nous soumettre des projets, n’hésitez pas à nous envoyer un mail : pascal.moutet@lacasemate.fr


>> A lire aussi Comment mettre en place un livestream scientifique ? par Florent Poinsaut, ingénieur logiciel chez uTip et vidéaste sur la chaine Qu’est-ce que tu geekes ? publié sur le blog de Science Animation