Pourquoi je me battrai pour l'ouverture du forum de recrutement des docteurs
Publié par Observatoire Vmh, le 1 juin 2016 4.6k
Pour beaucoup de doctorants en fin de thèse, le doute peut s'installer concernant leur avenir professionnel : rester dans l'enseignement, partir dans le privé, faire le tour du monde, etc. Cette période est un véritable combat avec soi-même, le dernier sprint final avant d'être lâché dans la nature. Au final, c'est une situation assez ordinaire, comme un rite de passage.
Mais il est vrai que l'insertion professionnelle post-thèse pose aujourd'hui beaucoup de questions. Dans les discussions que j'ai pu avoir avec des doctorants de différentes disciplines, à différents stades d'avancement de la thèse et un peu partout en France, une sorte de ras-le-bol généralisé commence à s'installer. D'un côté, les discussions tournent autour de l'accès aux postes à l'université qui est un véritable parcours du combattant et qui demande un très lourd investissement (temps, argent) de la part du candidat. De l'autre, elles abordent le sujet épineux de notre insertion dans le "monde de l'entreprise". Nous ne sommes pas toujours préparés à intégrer cet univers et dans certains milieux, il vaut mieux cacher son diplôme ou être ingénieur.
Pour nous aider dans notre démarche de recherche d'emploi, nous avons la chance d'avoir sur le site grenoblois depuis deux ans le forum de recrutement "docteurs". Cette journée est organisée par Pôle emploi et le CNRS en partenariat avec la région Auvergne-Rhône-Alpes, les communautés des Université Grenoble Alpes et Université de Lyon. Durant le forum, différentes activités sont proposées : des entretiens avec des entreprises, des conférences, des rencontres avec Pôle emploi. Et en plus, nous sommes accueillis au Stade des Alpes, c'est l'occasion de le voir de l'intérieur.
Cette année, l'information a été largement diffusée : au sein de l'université, dans les écoles doctorales, par Pôle emploi, les réseaux sociaux,... A l'ENSAG, où est basé mon laboratoire, l'information a aussi été relayée. C'était impossible de louper la journée et ceci montre bien cette volonté d'insérer le doctorant dans le monde professionnel.
Terminant ma thèse et commençant à rechercher du travail, j'ai décidé de me rendre à cette journée. Tous les doctorants étaient invités. Ça me paraissait une occasion idéale pour rencontrer de futurs "potentiels" employeurs et continuer à renforcer mon réseau. Je n'y suis pas allée seule. J'ai motivé une amie qui était déjà venue l'année précédente mais qui restait sceptique. Elle me répétait : "Ok, on y va, mais tu verras, ce n'est pas pour nous...". Déjà, ça commençait mal d'emblée, sans avoir mis un pied au forum.
L'entrée du forum. Photographie prise par Charline Sowa
Sur place, nous avons été accueillis par de charmantes hôtesses, distribuant le programme de la journée. A notre gauche, les stands de Pôle emploi, en face de nous l'accueil et à droite, les panneaux avec les différentes offres d'emploi, à l'étage, la salle de conférences et les stands des entreprises. La première chose que nous avons faite, c'est de nous rendre au niveau des panneaux d'offres d'emploi. Il y en avait une cinquantaine : de quoi rendre de nombreux docteurs heureux !
En 10 minutes chrono, nous avions fait le tour et j'étais déjà à l'accueil pour demander des informations. Aucune offre pour nous (nous sommes architectes) et encore moins pour les sciences humaines et sociales (histoire, géographie, gestion, langues, droit, psycho, ...) !
La discussion avec les personnes de l'accueil était assez "classique" dirons-nous, et c'est bien là le problème :
moi : Bonjour. Est-ce qu'il y a uniquement les employeurs qui ont proposé des offres d'emploi aujourd'hui ?
eux : Oui, il n'y a qu'eux.
moi : Je pose cette question car je n'ai vu aucune offre pour les doctorants venant des sciences humaines et j'aimerais savoir si il y a des personnes de la ville, de la Métro ou encore de la région.
eux : Non nous avons que des postes pour des scientifiques.
moi : (intérieurement "quoi ???") Mais je suis une scientifique !
eux : (ils ne savaient plus où se mettre) C'est vrai que les offres ne sont pas diversifiées.
Face à ce malaise, je leur ai gentiment demandé s'il était possible (et comment) de faire remonter cet aspect. Sur le papier de retour sur la journée, nous avons averti de la situation. Après avoir relayé la situation sur Twitter, EchoSciences m'a invité à en parler, d'où cet article que j'écris aujourd'hui.
Pourquoi je me battrai pour l'ouverture du forum de recrutement des docteurs :
1. Pour changer le regard sur "le scientifique"
2. Pour montrer qu'il y a une diversité de doctorants qui cherchent un travail, et pas seulement au sein des universités.
3. Pour préserver cette initiative qui permet à ce que (tous) les doctorants puissent avoir un cadre adapté pour candidater à des offres d'emploi selon leur niveau d'étude.
4. Pour que tous les doctorants puissent avoir accès à ce forum. Dans les faits, si nous n'avions pas fait de "sciences dures", nous n'avions pas à y être : aucun intérêt. Il fallait soit élargir au niveau des recruteurs, soit le spécifier dans l'annonce de la journée.
5. Pour valoriser notre diplôme et les différentes disciplines.
6. Car c'est une occasion de faire connaître à des structures publiques et privées le doctorat et les compétences que peuvent apporter les doctorants au sein des entreprises. C'est pourquoi, inviter des collectivités territoriales et les différentes structures de l'Etat, des entreprises de consulting, de ressources humaines, dans la culture et j'en passe, permettrait de proposer un plus large éventail d'offres d'emploi ou aux doctorants de faire connaître leur profil.
Je pourrais encore développer, mais ces différents aspects me paraissent essentiels pour faire évoluer la formule de ce forum. Il faut continuer à se rendre à ce type de rencontre pour rappeler notre présence. Peut-être que ça permettra de changer certaines choses.
Mais il serait aussi intéressant d'avoir l'avis d'autres doctorants sur cette expérience, de ceux qui ont pu rencontrer des entreprises autant que ceux, qui comme nous, sont repartis rapidement.