Pour une écologie du "nous"
Publié par Jean Claude Serres, le 13 juin 2016 2.6k
La notion d’écologie est prise ici dans le sens d’écosystème qui prend en compte les interactions d’un organisme vivant : une personne, d’une famille ou une organisation sociale. L’écologie du « nous » a pour souci la survie, le développement et l’épanouissement du groupe et des personnes qui le compose dans un environnement donné.
Synthèse de l’article
Les interactions dans la rencontre et le vivre ensemble de deux personnes peuvent être prises en compte dans différents domaine : apprentissages, pouvoir, valeurs, projet de vie, résistances. Chaque personne organise sa vie et structure sa posture singulière autours de cercles de valeurs. Les cercles de la résistance sont essentiel dans l’écologie du « nous ». Ils caractérisent les espaces de survie : rigidité et résilience, les espaces de développement pérenne : plasticité des apprentissages et des dépendances et enfin les espaces de non influence pérenne : la flexibilité (sans mémoire résiduelle)
Dans le vivre ensemble au quotidien (ménage) comme dans la relation d’accompagnement temporaire (coaching) l’atteinte d’une zone de rigidité est toujours à risque (menaces, dangers et opportunités). Dans l’écologie du « nous » chacun peut devenir plus conscient de ses limites et de ses fragilités ainsi que de celle de l’autre et du groupe. Ainsi il prend davantage en main son devenir et les conséquences de ses actes.
L’analyse du fonctionnement en réunion d’un petit groupe de pilote de projet révèle les difficultés de faire converger, à chaque instant, les valeurs humaines partagées et les valeurs stratégiques d’engagement personnel. Ce microcosme est très représentatif des difficultés à intégrer l’autre dans sa dimension d’étranger. Chacun vit pleinement « sa nature » inscrite dans sa communauté de destin. Le projet est, à son niveau d’organisation, une communauté de territoire regroupant des communautés de destin singulières : dans le groupe des pilotes, dans l’équipe projet et dans l’ensemble des personnes qui seront impactées par le projet.
Développer l’écologie du « nous » dans un groupe projet comme dans un territoire urbain interroge et s’inscrit dans la mise en œuvre d’une gouvernance contextualisé. L’une des lois du vivant est d’accepter la rencontre de l’étranger et de favoriser la synergie produite par la diversité culturelle. Cela ne peut se faire sans en accepter le prix à payer : l’agression et la violence psychique à l’encontre des rigidités singulières et collectives des organisations hôtes.
L’écologie du « nous » doit s’inscrire dans les modalités de gouvernance contextuelle. Elle est au cœur de la régulation, premier pilier de la gouvernance. La régulation de la vie du groupe est la première dimension de ce pilier de la gouvernance. La régulation des modalités de prise de décision et d’adaptation de ces modalités aux différents contextes est la seconde dimension de la gouvernance contextuelle.
L’écologie du « nous » dans un contexte d’innovation sociale présente un caractère paradoxal. La finalité de l’écologie du « nous » est de respecter chacun et le groupe. La finalité de l’innovation sociale est d’imposer un changement à un groupe qui majoritairement ne le demande pas ou ne le veut pas (si non cela aurait déjà été mis en place). Dans le cadre d’une innovation sociale l’écologie du « nous » se tournera de manière préférables vers des expérimentations concrétisées sur le terrain, pas à pas, intégrant des retours d’expériences et la célébration de petits résultats.
La violence induite par les démarches d’innovation sociales résultent des logiques de pouvoir, de la complexité des relations humaines tout autant que du décalage temporel des différentes communautés de vie. Nous n’avons pas tous le même âge mental face aux mutations sociales. (article complet)