[PORTRAIT] Nathan Descôtes, doctorant au laboratoire SENS et HP2
Publié par Laetitia Minniti, le 4 novembre 2024
Nathan nous explique son parcours et sa passion pour la recherche scientifique.
Est-ce que tu peux te présenter ?
Je m'appelle Nathan Descôtes, je suis doctorant au laboratoire SENS et HP2. Je suis originaire de l'Ardèche
Quel est ton parcours étudiant/professionnel ?
J'ai débuté avec une licence STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) à Valence, puis j'ai poursuivi mon master à l’Université Grenoble Alpes (UGA).
Mon parcours est un peu éclectique : j'ai commencé avec une Licence 1 STAPS générale, puis j'ai opté pour une Licence 2 avec option Management. Ensuite, j'ai plongé dans une Licence 3 Education et motricité tout en effectuant un service civique dans un club de football. En master, j'ai choisi un master en ISMH (Ingénierie des Sciences du Mouvement Humain) permettant de se construire un parcours à la carte. En Master 1, j'ai exploré diverses matières comme l'ergonomie, le handicap, et la performance. Puis, en Master 2, j'ai me suis concentré sur les matières liées à l'optimisation de la performance sportive (EOPS).
Pourquoi avoir choisi d’étudier le sport ? Quel(s) sport(s) pratiquais-tu ou pratiques-tu ?
Au début, j'étais un peu partagé entre la biologie et le sport. Mais en y réfléchissant, le sport a toujours été une constante dans ma vie. J'ai pratiqué le tennis et le football depuis que je suis tout petit, et j'ai même suivi un programme sport-études en football au collège et au lycée. Donc, continuer dans cette voie semblait être une évidence pour moi.
Plus récemment, je me suis lancé dans le triathlon. J'ai commencé à m'entraîner en même temps que j'ai débuté ma thèse, donc en octobre dernier. Mon premier objectif dans ce domaine est prévu pour le mois d'août. Pour l'instant, mon seul but est de le terminer aussi bien que possible.
Quel est ton sujet de thèse ? Qui sont tes encadrants ? Quels sont tes objectifs et as-tu déjà des résultats ?
Ma thèse s’intitule « Prédiction et amélioration du bien-être et de la performance grâce au suivi de la récupération et de la fatigue psycho-physiologique des athlètes » et est encadrée par Sandrine Isoard-Gautheur et Monique Mendelson.
Je m'intéresse au bien-être et le mal-être des sportifs, avec une attention particulière portée au sommeil. En effet, le sommeil est crucial pour la récupération, mais étrangement, les études sur le sommeil des sportifs montrent des résultats peu encourageants. Beaucoup d'entre eux dorment moins de 7 heures par nuit, et même moins de 6 heures pour certains. Leur sommeil est de mauvaise qualité, et l'anxiété pré-compétitive les empêche de bien dormir. C'est un vrai souci. Il y a deux objectifs principaux dans ma thèse.
- Mieux comprendre les relations entre le sommeil et le bien-être/mal-être des sportifs. Comment les facteurs (qualité, quantité, efficacité et variabilité) ainsi que les troubles du sommeil (insomnies, apnée obstructive du sommeil) peuvent influencer le bien-être/mal-être des sportifs?
Actuellement, nous savons qu'il existe une corrélation entre le sommeil et le bien-être, mais nous ignorons dans quelle mesure l'un influence l'autre. De même, nous ne connaissons pas précisément l'impact des troubles du sommeil, tels que l'apnée obstructive ou les insomnies, sur le sommeil et le bien-être des sportifs.
Pour explorer ces questions, j'ai mené une étude épidémiologique comprenant deux parties :
- Mesures objectives : monitoring d’athlètes pendant une semaine
- Mesures subjectives : questionnaires
Mesures objectives
Nous avons surveillé des athlètes pendant une semaine. Ils portaient des montres pour mesurer leur sommeil, ainsi qu'une ceinture de fréquence cardiaque pour évaluer la variabilité de leur fréquence cardiaque (VFC). En parallèle, ils répondaient à un questionnaire.
L'objectif principal était d'analyser l'impact de la régularité du sommeil sur le bien-être des sportifs. Pour évaluer le bien-être, nous avons mesuré la satisfaction vis-à-vis des performances, en prenant en compte l'atteinte des objectifs personnels et le développement des compétences. En ce qui concerne le mal-être, nous nous sommes appuyés sur le concept de burn-out sportif, un sujet d'intérêt pour notre équipe de recherche et une problématique fréquente chez les athlètes de haut niveau.
Dans la littérature, il n'existe pas de définition précise de ce qu'est un sportif de haut niveau. En réalité, cette définition est assez flexible et peut varier selon les critères que l'on souhaite prendre en compte, plusieurs auteurs s’accordent à défendre cette flexibilité de la définition. Pour notre part, nous avons défini un sportif de haut niveau comme un athlète pratiquant son sport au moins trois fois par semaine et atteignant au moins le meilleur niveau régional dans sa discipline.
Dans le cadre de notre étude, nous avions besoin d'un échantillon comprenant 140 athlètes. Pour cela, nous travaillons en collaboration avec les Brûleurs de Loups et nous avons aussi sélectionné des sportifs à Grenoble ainsi qu'à Valence. Notre échantillon inclut des athlètes issus de différentes disciplines telles que le handball, le football, le hockey et le basket-ball, afin de couvrir un large spectre d'activités sportives. Pour les prochaines études, nous envisagions de resserrer nos critères de sélection, notamment en ce qui concerne les sportifs de haut niveau. Actuellement, nous avons une certaine diversité dans notre échantillon, avec des athlètes de bons et de hauts niveaux. Toutefois, l'objectif serait de nous concentrer davantage sur les sportifs de haut niveau, qui sont les plus représentatifs pour nos projets de recherche.
Dans cette optique, nous envisageons de poursuivre notre collaboration avec les Brûleurs de Loups. Par ailleurs, nous sommes en discussion pour éventuellement inclure une équipe féminine de basket-ball de La Tronche, qui évolue en première division déjà présente dans la première étude, qui est également au même niveau. L’objectif pour cette prochaine étude serait d’avoir 60 athlètes de haut niveau
Mesures subjectives
En parallèle, nous avons également mené une étude épidémiologique à grande échelle à travers un questionnaire, adressé à des athlètes pratiquant différents types de sports, qu'il s'agisse de sports collectifs ou individuels. Nous avons également maintenu les critères de sélection visant à inclure des sportifs de bon et de haut niveau. Au total, nous avons réussi à obtenir la participation de 940 athlètes à cette enquête. Cependant, tous les participants n'ont pas complété le questionnaire jusqu'au bout. Nous nous situons plutôt autour de 600 à 700 réponses complètes. Malgré cela, cette enquête nous permettra d'explorer divers aspects du bien-être, du mal-être et du sommeil chez les sportifs de haut niveau en France. Nous chercherons à comprendre comment les troubles du sommeil peuvent influencer ces aspects, fournissant ainsi des données importantes pour notre recherche.
- Comment ces relations évoluent au cours d'une saison ? Existe-t-il des périodes où les athlètes sont plus à risque de connaître des troubles du sommeil et du bien-être?
Un des autres objectifs de cette étude sera d'identifier si le sommeil influence le bien-être ou vice versa. En d'autres termes, nous chercherons à déterminer s'il est le mieux d'intervenir sur le sommeil pour améliorer le bien-être ou si c'est l'inverse. Cette étude longitudinale jouera un rôle crucial dans l'orientation de mes recherches futures, notamment en ce qui concerne la mise en place d'interventions visant à améliorer le sommeil et la récupération des athlètes.
Pourquoi avoir choisi de faire une thèse ?
Au départ, mon choix de carrière penchait davantage vers l'enseignement ou l'entraînement sportif que vers la recherche. C'est au fil de mes stages en master que j'ai eu mes premières incursions dans le monde de la recherche.
Mon premier stage, sous la supervision de Sandrine Isoard-Gautheur, m'a conduit à travailler aux côtés de Lisa Maj, une doctorante du laboratoire SENS, sur le recrutement de participants. Cette expérience m'a intrigué, mais même après mon premier cycle, je n'étais pas pleinement convaincu de m'engager dans la recherche. C'est lors de mon stage de six mois en Master 2, supervisé par Sandrine et Julien Brugniaux, que j'ai eu l'opportunité de collaborer avec un chercheur néerlandais sur le développement d'une intervention via un chatbot, une expérience qui m'a captivé.
Malgré les imprévus inhérents à la recherche, j'ai réalisé que j'appréciais réellement cet univers. L'aspect novateur du projet de chatbot m'a particulièrement attiré. Lorsqu'une offre de thèse s'est présentée via le CDP, en adéquation avec mes expériences antérieures, j'ai décidé de me lancer dans cette aventure, convaincu par le potentiel stimulant et les défis de la recherche.
Quels sont tes objectifs à long terme une fois tes études terminées ? Comment envisages-tu l’avenir ?
Mes objectifs à long terme sont encore en construction alors que je suis encore au début de ma thèse. J'ai une multitude d'aspirations en tête. À moyen terme, je souhaite retourner en échange à l'étranger, comme j'ai eu la chance de le faire à Amsterdam. Cette expérience m'a non seulement permis d'améliorer mon anglais, mais aussi de découvrir de nouvelles méthodes de travail et d'autres cultures professionnelles, ce que je trouve extrêmement enrichissant. Sur le long terme, j'aimerais également effectuer un postdoc à l'étranger. Depuis mon séjour aux Pays-Bas, j'ai développé une véritable passion pour ce pays et j'aimerais beaucoup y retourner ou explorer d'autres destinations.
Par ailleurs, l'un de mes objectifs à long terme, bien que quelque peu imaginatif, serait de développer une application pour aider les athlètes à améliorer leur sommeil, leur récupération et leur bien-être. Cette idée a germé lors de mes études en master, et depuis, elle ne cesse de me trotter dans la tête. Je suis convaincu que le domaine de la récupération mérite une attention similaire à celle de l'entraînement physique, et je pense que le développement d'une telle application pourrait répondre à ce besoin croissant. Bien sûr, cela reste pour le moment une idée à explorer et à développer, mais je suis optimiste quant à son potentiel et à son impact positif sur le monde du sport.
Un conseil pour les étudiants qui souhaiteraient s’engager dans la même voie ?
Mon conseil pour les étudiants qui envisagent de se lancer dans une thèse serait de le faire par passion. C'est vraiment un métier passionnant, où il est essentiel de choisir un sujet qui nous intéresse profondément. Ne vous lancez pas dans une thèse simplement parce que l'opportunité se présente, mais plutôt parce que le sujet vous passionne réellement. Une thèse représente trois années de votre vie, voire plus, et elle influencera également votre trajectoire professionnelle par la suite. Il est donc primordial que le sujet choisi vous motive et vous stimule.
Je recommande également la recherche doctorale car elle offre une variété d'expériences enrichissantes. Bien sûr, il y a le travail de bureau, mais il y a aussi les opportunités de présenter ses travaux lors de congrès, de rencontrer d'autres chercheurs et même des sportifs, selon le domaine d'étude. Vous n'êtes pas confiné en permanence dans un bureau ; au contraire, la recherche offre de nombreuses occasions d'interactions avec diverses personnes et de partager vos connaissances.
La vulgarisation scientifique est également un aspect souvent sous-estimé du métier de chercheur. C'est une opportunité de transmettre votre savoir à un public varié, des élèves aux professionnels d'autres domaines.
De plus, la recherche doctorale implique souvent un contact direct avec le public, notamment dans des domaines comme la psychologie, où les données doivent être collectées auprès des participants. Ce contact humain est l'une des parties les plus intéressantes et enrichissantes du métier de chercheur, contrairement à l'idée reçue selon laquelle vous seriez enfermé dans un bureau, coupé du monde extérieur.
Enfin, je suis convaincu que l'interdisciplinarité est une opportunité précieuse dans le cadre d'une thèse. Travailler sur plusieurs domaines permet d'explorer différentes perspectives et d'enrichir considérablement sa réflexion. Personnellement, je suis ravi de travailler sur une thèse pluridisciplinaire, car cela me permet d'explorer des connexions et des croisements entre différents champs, ce qui est extrêmement enrichissant.
Pour ceux qui hésitent à s'engager dans la recherche, je recommande vivement de réaliser des stages, qu'ils soient bénévoles ou intégrés au cursus scolaire. Cela permet de découvrir concrètement ce qu'implique le métier d'enseignant-chercheur ou de chercheur, et souvent, cela dément les croyances naïves que l'on peut avoir sur la nature du travail de recherche.Haut du formulaire
En Sciences humaines, nous sommes souvent confrontés à des préjugés selon lesquels notre domaine se situe dans les "sciences molles" par opposition aux "sciences dures". Cependant, la psychologie, bien que basée sur des réponses subjectives, repose sur des méthodes rigoureuses et des questionnaires validés, ce qui nécessite une éthique et des pratiques méthodologiques tout aussi strictes, que dans d'autres disciplines considérées comme plus "dures".
Beaucoup d'étudiants en STAPS choisissent cette filière parce qu'ils ne se voient pas travailler derrière un bureau toute la journée. Ils envisagent souvent une carrière d'entraîneur ou de professeur de sport pour cette raison. Cependant, l'idée que le travail de chercheur implique nécessairement une isolation derrière un ordinateur est erronée. Il est important de souligner que le métier de chercheur offre une variété d'expériences et d'interactions, notamment avec d'autres chercheurs, des sportifs et même le grand public.
Parcours
2018 - 2021 : Licence Éducation et Motricité à l'Université de Grenoble Alpes
2022 - 2023 : Master STAPS mention Ingénierie et Science du Mouvement Humain à l'Université de Grenoble Alpes
Depuis octobre 2023 : Doctorant au laboratoire SENS et HP2
Contact
Nathan Descôtes nathan.descotes@univ-grenoble-alpes.fr