[Portrait] Emmanuel Laisné, depuis l’infiniment petit jusqu’à la cité du cosmos
Publié par Fabio Croce, le 17 décembre 2023 720
À l’occasion d’une visite en avant-première de Cosmocité, nous avons pu rencontrer Emmanuel Laisné, chargé de projet à Territoire de sciences. Nous avons pu découvrir son parcours professionnel et son travail au sein du nouveau centre de science de la ville de Pont-de-Claix.
De la physique subatomique à la médiation scientifique
De formation scientifique, Emmanuel Laisné obtient en 2012 son doctorat en physique subatomique au sein du LPSC (Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie). Cependant, il ne se retrouve pas totalement dans le modèle d'hyper spécialisation de la recherche auquel il est confronté : lui il aime les sciences au sens large, il veut pouvoir s’intéresser à tout. Cela l’importe d’aborder d’autres sujets et thématiques de société.
Emmanuel considère les moments humains comme éléments charnières de son parcours, avec “des personnes soit qui vous inspirent soit qui vous font découvrir leur métier ou approche”. En participant à la Fête de la Science en tant que doctorant, il se rend rapidement compte que la médiation scientifique est plus complexe que simplement laisser des chercheurs parler de leur sujet de recherche : son bagage scientifique n’est pas suffisant pour être un bon médiateur. Un an après sa thèse, il décide ainsi de reprendre ses études en Master 2 de Communication et Culture Scientifique et Technique (CCST) à l’Université Grenoble-Alpes.
Il travaille par la suite 1 an à la Casemate, à l'époque l’unique centre de culture scientifique de Grenoble. Sa mission consiste alors en un inventaire des pratiques du numérique, pour une application future au domaine de la médiation.
Après une période de 3 ans et demi comme responsable du planétarium du Pôle des Étoiles, à Nançay, il revient à Grenoble en 2019 dans la nouvelle structure Territoire de Sciences, en tant que chargé de projet. Aujourd’hui ses missions sont tournées autour de Cosmocité, le nouveau centre de sciences établi dans la ville de Pont-de-Claix. D’abord chargé du lancement de ce centre, il s’occupe maintenant de la poursuite du projet.
« Le versant de mon métier qui me plaît le plus, c’est qu’il n’y en a pas qu'un seul »
Son rôle en tant que chargé de projet est de piloter et d’accompagner des projets de médiation scientifique liés à Cosmocité ou à Territoire de sciences. Il imagine ainsi l’axe de médiation, le fonctionnement et l’expérience des dispositifs de médiation, mais aussi des aspects plus techniques comme la programmation ou la tarification. Un exemple de l’une de ses missions est l’accompagnement des productions de films pour la salle immersive et le planétarium de Cosmocité avec le studio Théoriz. Il fournit son expertise au niveau du message scientifique transmis, mais participe aussi à l’écriture et aux séances de test.
D’après Emmanuel, la polyvalence est la compétence essentielle de ce métier. Il requiert une curiosité pour les sciences, une connaissance du monde de la recherche et de son fonctionnement. Mais aussi savoir comment s'organisent les controverses scientifiques et leur place dans la société. D’un point de vue technique, des compétences en gestion de projet lui semblent nécessaires, ainsi qu’une connaissance des collectivités impliquées dans le domaine de la médiation. Emmanuel note aussi le besoin d’un “petit côté geek”, entendant par là une appétence pour les diverses technologies du numérique, maintenant essentielles dans le monde de la communication.
Il distingue cependant un axe principal dans ce métier pluridisciplinaire : partager les sciences pour donner un éclairage, ou aborder une thématique sensible de manière pondérée et aider à se positionner en tant que citoyen. Les “Soirées Cult’” organisées à la Casemate montrent un de ces aspects de la médiation, en interrogeant des œuvres de la culture populaire pour creuser des questions sociétales plus sérieuses.
Des messages forts pour l’avenir de la culture scientifique
Pour Emmanuel Laisné, la mise en place de Territoire de sciences et la construction d’un lieu comme Cosmocité permettent de faire passer un message de partage des sciences, en se présentant en tant qu’acteurs au sein des enjeux actuels. Un autre message est la mise en avant du rôle du citoyen dans la construction des sciences : transmettre un esprit critique pour aider par exemple à différencier des hypothèses des fake news. Mais aussi créer une place pour que les citoyens s'interrogent. Il y a la dimension du loisir, le plaisir curieux à découvrir certaines thématiques des sciences. Enfin, l'invitation à sortir de chez soi, contempler le monde de manière différente avec plus de contexte pour l’appréhender.
La création du centre de sciences Cosmocité au sein de la ville de Pont-de-Claix est née de la rencontre de plusieurs volontés, notamment au niveau patrimonial et social. Ce projet vient aussi d’une implication de la communauté scientifique, on peut citer entre-autres l’Observatoire des sciences de Grenoble. Enfin, un des objectifs était de réhabiliter un terrain du patrimoine industriel : les anciens moulins de Villancourt.
L’idée que la culture scientifique doit être disséminée sur tout le territoire à aussi été un point clé du projet. L’objectif est de permettre à tout le monde d’avoir une offre culturelle proche de chez lui. Jusque-là, avec la Casemate en centre ville, l’accès à la culture scientifique était réservé à un public favorisé. Aujourd’hui, à Pont-de-Claix, Cosmocité est situé au cœur des quartiers prioritaires de la ville.
La culture scientifique ne se joue pas qu’au centre de la métropole.
Article rédigé par Lisa Binoche et Fabio Croce