Plus de 90 langues parlées dans un quartier lyonnais !
Publié par Myriam Femenias, le 18 juin 2019 3.5k
A l’occasion du Festival Pop'Sciences qui a eu lieu du vendredi 17 au samedi 18 mai 2019, des scientifiques du laboratoire Dynamique du Langage ont parlé de la diversité linguistique présente sur le plateau de La Duchère avec ses habitants. Mais commençons par le commencement …
Qu’est ce que le Festival Pop'Sciences ?
Le Festival Pop’Sciences est un évènement de médiation scientifique lyonnais biannuel.
Son concept est assez proche de celui de la Fête de la Science puisque des chercheurs et des médiateurs investissent un espace publique afin de faire découvrir les sciences aux curieux à travers des animations, des conférences et des ateliers d’expérimentations.
La première édition du festival a eu lieu en 2017 à l’occasion du lancement de la plateforme Pop'Sciences, un « portail numérique de la culture scientifique et du partage des savoirs ». Ce projet est porté par le CCSTI de la région lyonnaise et stéphanoise, la Direction culture, sciences et société de la COMUE Université de Lyon. Cette seconde édition proposait un nouveau format plus participatif en incitant les scientifiques à collaborer avec les habitants (citoyens et scolaires) du lieu investi, le plateau de la Duchère (Lyon 9). Ainsi, certains membres du laboratoire Dynamique du Langage (DDL) ont pris au mot cette invitation et ont proposé, lors du festival, une activité réalisée avec des collégiens du quartier de la Duchère.
Qu’est ce que le Laboratoire Dynamique Du Langage (DDL)?
Il s’agit d’un laboratoire sous la double tutelle du CNRS et de l’Université Lyon 2. Ses thèmes de recherche sont : la description et l’évolution des langues (notamment Amérique du Sud et Afrique), l’acquisition du langage par l’enfant, et la neuro-cognition du langage.
DDL porte un intérêt tout particulier aux questions de la diversité des langues et du phénomène de disparition des langues. C'est d'ailleurs autour de ces thématiques qu’un jeu de société est en cours de réalisation au laboratoire. Dans ce jeu collaboratif, qui s’intitule [kosmopoli:t], les joueurs devront gérer un restaurant proposant des spécialités du monde. La particularité de ce restaurant est que les clients passent leur commande dans (presque) toutes les langues du monde !
Jennifer Krzonowski et Egidio Marsico, deux membres du laboratoire impliqués dans la conception du jeu, ont ainsi élaboré, en collaboration avec Maaike de Lange et Nicolas Salvador, deux enseignants de langues au collège Victor Schœlcher, un projet autour du jeu pour le festival Pop'Sciences.
Quel est ce projet ?
L’objectif principal du projet est de faire découvrir la diversité des langues à plusieurs échelles : mondiale mais aussi locale (dans le quartier de la Duchère et tout particulièrement au collège). Le projet s'est déroulé en deux temps : un premier temps de 5 séances de travail avec les élèves et un second de restitution lors du festival. Il a consisté a reproduire le processus de collecte et de traitement des données réalisé dans le jeu de société avec des langues parlées à la Duchère. Ceci a permis d'une part de faire découvrir aux élèves le travail de linguiste et d'autre part de les sensibiliser aux questions liées à la diversité linguistique.
Dans les faits, les élèves ont été tour à tour linguiste et informateur, c’est-à-dire qu’ils se sont enregistrés les uns les autres dans leur langue maternelle. Puis, Ils ont travaillé ensemble à la translittération des noms de plats enregistrés.
Au final, 18 langues ont été enregistrées par les 15 collégiens du groupe de travail (dont deux langues parlées par les enseignants encadrants) permettant de présenter lors du festival une version « La Duchère » du jeu.
DDL aux Festival Pop’Sciences
Les
deux médiateurs de DDL ont ainsi pu faire jouer à [kosmopoli:t]
collégiens et badauds curieux. Paola Granado, une doctorante
bolivienne, participant à la conception du jeu de société, et
moi-même étions présentes à leurs côtés.
L’équipe ne s’est pas arrêtée là car en plus du jeu de société, une mappemonde des langues parlées à la Duchère (visuel principal), réalisée par Egidio Marsico, a été présentée aux habitants du plateau. Elle s’appuie sur un recensement effectué par la compagnie de théâtre et lecture, les ArTpenteurs, au cours de 10 années d’activité dans le quartier. Ce recensement a été complété par une enquête réalisée au sein du collège Victor Schœlcher par les enseignants qui ont collaboré.
Le premier jour de l’évènement était dédié aux scolaires qui ont pu participer à un quiz sur les langues et tester en exclusivité le jeu. Une enseignante accompagnant l’un des groupes de collégiens a bien voulu partager son avis sur l’animation du stand :
« C’est le premier stand auquel les élèves ont accroché. C’est grâce à l’interaction [...] avec le quiz sur les langues et surtout avec le jeu [kosmopoli:t]. C’était moins ennuyant que de simplement écouter un discours chargé d’informations pas évidentes à enregistrer et à digérer en une seule fois. Les élèves ont été très étonnés d’apprendre que des langues disparaissent au cours du temps... comme les [espèces d’]animaux. »
Tous les élèves du projet ont été invités au festival. Certains des élèves sont ainsi venus participer à l’animation du stand. l’une d’entre eux, Daïna, a bien voulu répondre à mes questions.
Interview
Pourquoi participer au projet ?
« Pour que les gens puissent lire nos langues comme elles s’entendent. »
Comment as tu découvert le projet ?
«J’avais rien d’autre à faire de mon temps. Puis, Egidio et Jennifer sont venu présenter ce projet au collège Schoelcher aux côtés des professeurs d’allemand et d’espagnol. Je me suis proposée en me disant que ça allait peut être être ennuyeux mais je n’avais rien d’autre à faire. Puis j’ai été retenue parce que je parlais le créole martiniquais. C’était la première fois que je parlais ma langue maternelle au collège avec les autres…. »
Qu’est ce qui t’a plu dans le projet ?
« Il fallait qu’on travaille ensemble, par groupe de travail, sur nos enregistrements respectifs et aussi pour trouver les meilleurs translittérations pour les plats. L’entre-aide m’a beaucoup marqué. Finalement, il y avait beaucoup de langues qui étaient parlées par les élèves du collège participant au projet. On découvrait aussi la culture des autres à travers les plats des autres. Un plat m’a particulièrement marqué, le « tajine zitoune ». Je n’en ai pas encore mangé mais ma voisine va bientôt m’en faire goûter. »
Que penses-tu de l’idée d’en faire un jeu ?
« Je trouve qu’elle est « grave bien » cette idée. On découvre pleins de langues et aussi plein de choses sur les cultures des autres. Je suis fière d’avoir participé un peu à faire ce projet et un peu au jeu. Ça m’a donné envie de faire d’autres projets du même genre. Je me suis inscrite pour participer bénévolement à l’organisation du festival d’Art&d’Air, dans le quartier. Parce que j’aime bien aider les gens et partager des idées avec tout le monde pour créer quelque chose de bien. »