Pensées, langues et langages - Echosciences chez RCF Isère

Publié par La Casemate, le 3 février 2022   980

Depuis septembre 2019, RCF Isère offre du temps d'antenne à Echosciences Grenoble, tous les jeudis à 12h05, dans "l'Echo des médias" des "Midis RCF" présenté par Nicolas Boutry.  L'occasion de vous parler des derniers contenus intéressants partagés par les membres d'Echosciences. Retrouvez toutes les chroniques dans ce dossier ou sur le site de RCF-Isère !

La chronique du 3 février 2022, par Agathe Julliard, en son et en texte ci-dessous :

Sur RCF Isère, c’est l’heure de retrouver l'Écho des médias. Aujourd’hui, nous retrouvons Agathe Julliard, chargée des partenariats et des relations aux entreprises à La Casemate. Vous allez nous présenter les dernières nouvelles d’Echosciences Grenoble. Bonjour Agathe !

Bonjour Nicolas !

Aujourd’hui, et c’est presque un pléonasme, vous voulez nous parler du langage ?

Exactement, et plus précisément du lien entre le langage et la pensée. On va plonger dans le monde de la psychologie cognitive, et surtout… au fond de nos cerveaux ! Vous êtes prêt Nicolas ?

Ça tombe bien, je ne comprends pas toujours comment ça fonctionne là-dedans. D’ailleurs, est-ce que je pense parce que je sais parler ou est-ce que j’ai appris à parler pour exprimer des pensées ? 

Alors c’est une excellente question et c’est bien de là que partent les débats. 

Ce sont les linguistes qui se sont emparés du sujet en premier. On a par exemple Ferdinand de Saussure, le père de la linguis­tique contemporaine, qui affirme en 1916 “’il n’y a pas d’idées préétablies, et rien n’est distinct avant l’apparition de la langue.» ; et puis à peu près à la même époque, le philosophe Ludwig Witt­genstein parvient à la même conclusion et annonce «Les limites de mon langage signifient les limites de mon monde”. 

En fait, la plupart des scientifiques du début du XXe siècle partagent cette théorie : le langage est le propre de l’homme - DONC il nous donne accès à la pensée - DONC sans langage, il n’y aurait pas de pensée construite : on serait condamnés à errer dans un monde désordonné fait d’impressions floues et de flashs d’images.

Je vois… ça veut donc dire que si je n’avais pas appris à parler, je ne comprendrais pas le monde qui m’entoure ? Pourtant, quand mes enfants ne savaient pas encore parler , j’avais l’impression qu’ils distinguaient déjà un chat d’un chien ?

Hé bien justement, à partir des années 80 des chercheurs en psychologie cognitive ont commencé à se demander si la pensée était vraiment si dépendante du langage. Ils ont réussi à démontrer que les bébés disposent d’une vision du monde très ordonnée, et ce bien avant l'acquisition de la parole. Les conséquences de ces découvertes sont énormes :  les mots ne sont plus que des étiquettes posées sur des concepts non verbaux et universels. 

En gros, ce n’est pas le langage qui structure la pensée, mais c’est la pensée qui façonne le langage.

C’est vrai que si je prononce le mot “chat”, l’idée globale du chat qui ronronne avec des moustaches a précédé le mot dans ma tête…

Et c’est d’ailleurs comme ça que s’expliquent les métaphores : si je dis d’une personne que c’est “un gros matou”, personne ne va penser que c’est un chat. Tout le monde comprend que je fais appel aux caractéristiques implicites des gros chats domestiques : calme, doux, qui aime faire sa sieste au soleil. 

C’est l’ensemble de ces idées sous-jacentes qui construisent la trame des mots.

La sieste au soleil de matou, en voilà une bonne idée ! En tout cas j’aurai de quoi réfléchir pendant la mienne ; merci Agathe pour ces explications ! Bonne après-midi !

A bientôt Nicolas !

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