Pass sanitaire : le chantage à la liberté !
Publié par Yannick Chatelain, le 17 mai 2021 3.4k
Par Yannick Chatelain Professeur Associé à Grenoble Ecole de Management
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La méthodologie pour contraindre une population à accepter un pass sanitaire se fait avec un chantage qui ne dit pas son nom : chantage à la liberté puisque son usage conditionne l’accès à certains événements.
La marche forcée vers le pass sanitaire se poursuit, à l’instar de l’application TousAntiCovid. La méthodologie pour contraindre une population exsangue à la vaccination et à l’acceptation d’un pass sanitaire se fait sur fond de campagne de communication avec à l’appui un chantage qui ne dit pas son nom : un chantage à la liberté et une entrave aux libertés publiques puisque son usage conditionne l’accès à certains événements.
Les contraintes infligées des attestations de sorties-papier ne sont pas étrangères au succès quantitatif de l’application TousAntiCovid dont s’est vanté l’exécutif. Oubliées alors les failles, les données sensibles collectées à l’envi, quand dans les faits, deux questions relatives à cette application miracle sont demeurées et demeurent toujours sans réponse :
- Combien de vies sauvées par le bon usage de cette application ?
- Combien de téléchargements réalisés pour contourner les contraintes absurdes et disposer de nouvelles fonctionnalités permettant de produire une attestation de sortie ?
Pass sanitaire : vous êtes libres de choisir de ne pas vivre normalement
Le pass sanitaire qui se met en place en intégrant de nouvelles fonctionnalités va continuer de favoriser le téléchargement de TousAntiCovid et la digitalisation de nos vies à marche forcée.
Malgré son caractère non obligatoire avancé, il ne peut occulter les contraintes auxquelles seront soumis ceux qui s’y opposeront ; et pour la vaccination un précédent est en passe d’être créé : vous êtes libre de ne pas pouvoir vivre dans la normalité…
L’acceptation sociale de ce pass sanitaire, la présentation récurrente de la vaccination comme une porte de sortie ont été élaborées sur une longue durée. La population française à bout de souffle semble être passée de la résilience à la résignation, de renoncement en renoncement à des libertés fondamentales, imposés par des élus sous couvert de crise sanitaire.
Si les défenseurs de ce projet évoquent des régressions temporaires, ces déclarations n’engagent que ceux qui les déclament. Dans les faits, l’urgence occulte le débat, la peur et l’épuisement visent à annihiler l’esprit critique.
Quant à exercer ce dernier, libre à vous, mais force est de constater que cela devient extrêmement difficile : ne pas adhérer à pléthore de lois votées dans l’urgence – qu’elles soient sécuritaires ou sanitaires – et vous voilà rangé dans le camp infréquentable des factieux, des inconséquents, des irresponsables.
Pour autant, n’est-il pas utile de rappeler des décisions étonnantes, pour ne pas dire surréalistes, comme la nomination d’un collectif de 35 citoyens français supposés conseiller le pouvoir sur la vaccination… et sa disparition. Un collectif passé à pertes et profits au fur et à mesure de l’acceptation sociale de la vaccination.
Souvenez-vous de Milgram
Le fait est que les citoyens français sont une nouvelle fois mis devant le fait accompli. La prochaine mise à jour de l’application TousAntiCovid apportera une nouvelle fonctionnalité : l’intégration des résultats de tests PCR et antigéniques ainsi que l’attestation de vaccination contre le Covid-19.
L’objectif affiché est de faciliter les déplacements de la métropole vers la Corse et l’Outre-mer puis dans un second temps vers l’étranger. Si la CNIL ne cesse de réaffirmer que l’utilisation de l’application ne pourrait reposer que sur le volontariat, s’agissant notamment de sa fonctionnalité « carnet de tests » ce ne sont là que des mots.
Par ailleurs l’acceptation, fut-ce au minimum, d’un traitement discriminant de la population, est déjà une acceptation de trop, qui n’est pas sans rappeler les expériences de Milgram.
Si l’exécutif promet des garanties, si le secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques présente le pass sanitaire comme un sésame vers la liberté, affirmant avoir écarté le quotidien « car cela ne correspond ni à la culture française ni à la temporalité de l’épidémie », ce ne sont là que des mots. La liberté est écornée, à moins d’admettre qu’aller à un concert ne fasse pas partie du quotidien – ne serait-ce que celui de la jeunesse – une jeunesse qui aura été durant cette période pour le moins malmenée.
Quel crédit accorder à ces assertions, tant les contraintes qui s’appliqueront aux récalcitrants à cette soumission à l’autorité seront nombreuses, tant l’exécutif a habitué les citoyens à des modifications récurrentes de ses discours ?
J’en veux pour preuve la réouverture des terrasses de restaurant pour laquelle ont été soudain inventées… les jauges en terrasse…
J’en veux pour preuve la Loi de sécurité globale qui a été acceptée dans son intégralité sur un fond de violence tournant en boucle sur nos écrans de télévision, en intégrant la pérennisation d’outil comme les boîtes noires qui altèrent gravement nos libertés fondamentales et s’imposent à tous sans jamais avoir prouvé leur efficacité comme l’exécutif s’y était pourtant engagé.
Pass sanitaire : la boîte de Pandore refermée puis aussitôt rouverte
Le mardi 11 mai les députés votaient contre l’article clé du projet de loi de sortie progressive de l’état d’urgence sanitaire qui comprend le controversé pass sanitaire et cela grâce au Non du MoDem.
Un rejet qui aura été de courte durée, car dès le 12 mai le pass sanitaire qui accompagnera la réouverture des activités dans le cadre du déconfinement en France était adopté et il entrera en vigueur à compter du 9 juin.
Ce document pourra être disponible sous forme papier ou numérique mais également via l’application TousAntiCovid. Il prendra la forme d’un datamatrix (une forme de QR code) qui sera fourni par l’Assurance maladie. Pour les tests, la personne dépistée… il aura fallu que l’Assemblée s’y prenne à deux fois pour franchir la ligne rouge, celle qui acte un traitement discriminant de la population française.
Jean Castex juge utile de préciser :
On ne l’exigera pas dans les lieux de travail, d’enseignement, dans les services publics, les musées, les bibliothèques, les grands magasins, les marchés, les lieux de vacances ou encore les lieux de cultes.
Outre le On qui résonne étrangement, pour ce qui est de la temporalité promise, il est à noter que la possibilité de recourir au régime d’état d’urgence sanitaire a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2021.
Cela permet à l’exécutif de revenir sur sa parole à n’importe quel moment pour des raisons sanitaires et d’aller encore plus avant dans ce chantage à la liberté et dans le traitement discriminant des citoyens qui a été engagé ! Cette temporalité promise suivra-t-elle le même chemin de temporalité promise pour les boîtes noires ?
Au regard du précédent fâcheux que j’évoque, la temporalité de son champ d’action n’engage désormais que ceux qui la promettent et ceux qui le croient.
Je rappelle à toutes fins utiles que l’idée d’un QR code à scanner dans TousAntiCovid à l’entrée des restaurants et des théâtres avait été évoquée. Mi-janvier 2021, le cabinet de Cédric O, secrétaire d’État au numérique, révélait que le gouvernement avait imaginé cette fonctionnalité « pour accompagner la réouverture de certains lieux où le risque de transmission du SARS-CoV-2 est élevé, en particulier les bars, les restaurants et les salles de sport ».
Sauver de la mort en tuant la vie : l’émergence d’une société hygiéno-transhumaniste
« Mourir est une probabilité certaine » disait Cioran.
Pourtant, pas à pas, nous assistons à l’émergence d’une société hygiéniste mâtinée de transhumanisme, une société du contrôle de nos vies et de nos corps de plus en plus oppressante au mépris paradoxal de la vie.
L’Histoire triera le bon grain de l’ivraie, identifiera les conflits d’intérêts qui auront conditionné certaines décisions incompréhensibles, analysera les intentions qui auront motivé chaque recul des libertés fondamentales que la période aura connu, fera le point sur les libertés perdues et éventuellement recouvrées.
L’Histoire dira si en écrivant ce texte au lendemain du franchissement de ce que je considère comme une ligne rouge, mes craintes étaient fondées quant à la fiabilité de la parole donnée…
Pour conclure momentanément
Outre l’ouverture de la boîte de Pandore que j’évoque et les dérives auxquelles elle nous expose désormais collectivement, il ne faut pas être grand clerc pour prédire que l’explosion du nombre de QR codes – contenant des données extrêmement sensibles – va s’accompagner de nombreux piratages. Les codes barre et les QR codes peuvent être clonés et piratés. L’attaging a de beaux jours devant lui en perspective.
En envoyant un SMS pour télécharger TousAntiCovid l’exécutif avait déjà ouvert la porte aux escrocs. Pour les QR codes, aux mêmes causes, les mêmes effets sont à prévoir.
Nous admettons que les gouvernements des nations ont le droit de décider d’une politique et, même lorsque celle-ci, par sa nocivité, conduit à la destruction absurde de milliers d’êtres humains, nous ne prenons pas les exécutants des ordres d’un tel régime pour des cas pathologiques, mais simplement pour des gens qui accomplissent leur devoir.
Ce qui différencie nos réactions, c’est moins la nature des actes commis que la légitimité reconnue de ceux qui les ordonnent."
Stanley Milgram
Article original publié le 16 mai consultable sur Contrepoints
Crédit Photo :
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