Partie 2 - Amener la science là où elle ne va pas
Publié par Margaux Siché, le 30 mai 2023 1.1k
Le 12 mai 2023 avait lieu sur le campus GIANT, à Grenoble, le colloque “Quel partenariat éducatif pour la promotion et le développement de la culture scientifique et technique ?”.
Le but de cette journée était de faire rencontrer des professionnels de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la culture scientifique et technique afin qu’ils puissent créer un réseau et des partenariats pour faire naître des projets.
Pour réécouter l’émission “Éducation aux sciences : Retour sur une journée de rencontres à Grenoble” diffusée le 17 mai 2023 sur les ondes de RCF Isère, c’est juste ici ⬇
Après la première partie de cette journée, tournée autour des projets existants, et un repas dont les mots d'ordre étaient rencontres et échanges, nous avons pu assister à une conférence d'Eric Lagadec : "Amenez la science là où elle ne va pas".
Journal de bord d’une journée autour de l'éducation aux sciences
Eric Lagadec est astrophysicien à l'observatoire de la Côte-d'Azur et président de la Société française d'astronomie et astrophysique (SF2A). Plus de 150 000 personnes le suivent sur Twitter où il poste régulièrement des threads pour vulgariser l'astronomie.
Mais la volonté d'expliquer des concepts scientifiques, et d'amener la science là où elle ne va pas, ne s'arrête pas là. En effet, avec Mamadou N'Diaye, il travaille au développement de l'astronomie en Afrique. Malgré un ciel avec très peu de pollution lumineuse, et donc idéal pour l'observation, c'est un continent qui a été laissé en retrait de la recherche mondiale en astrophysique. Pour participer à ce développement, les deux chercheurs ont, par exemple, emmené des télescopes, et formé à leur utilisation, pour observer le passage d'un astéroïde devant une étoile, pour la NASA.
En France, c'est aussi avec l'association Science pour tous 06, qu'Eric Lagadec contribue à la démocratisation des sciences. Cette association permet la tenue de conférence dans des petites communes ou des zones rurales et isolées des Alpes-Maritimes.
Conférence d’Eric Lagadec - “Amenez la science là où elle ne va pas” - Retranscription d’interview
Margaux Siché (M.S) : Vous êtes astrophysicien à l’observatoire de la Côte-d’Azur, est-ce que vous pouvez présenter votre activité ?
Eric Lagadec (E.L) : Mon activité elle est multiple, d’abord je suis chercheur donc j’étudie les étoiles, plus précisément la mort des étoiles. Je fais aussi des actions d’enseignements, de service à la communauté, et beaucoup d’action de diffusion des connaissances.
M.S : Vous avez notamment un compte Twitter ou vous faites énormément de thread qui expliquent des concepts d’astronomie. Vous êtes suivi par plus de 150 ooo personnes. Pourquoi vous être lancé sur Twitter ?
E.L : Pourquoi ? C’est une bonne question. Je me suis juste rendue compte que c’est un bon outil pour toucher pas mal de personnes. j’ai commencé, j’ai expliqué quelques images, posté quelques thread comme ça, et je me suis rendu compte que ça touchait des dizaines, des milliers de personnes puis des dizaines de millier, des centaines de millier et je me suis dit, c’est une bonne façon de toucher des gens et de faire en sorte que les gens comprennent la méthode scientifique, et c’est un enjeu important parce que notre société est face à des enjeux scientifique, on vient de vivre une pandémie, on a le changement climatique, la transition énergétique on a besoin des connaissances scientifiques et je pense que c’est un outil intéressant pour ça.
A priori 1 français sur 10 croit que les extraterrestres vont débarqués, en 2023
Eric Lagadec, Conférence "Amenez la science là où elle ne va pas
Il y aussi 1 français sur 10 qui pense que la terre est plate
Eric Lagadec, Conférence "Amenez la science là où elle ne va pas
M.S : Vous pensez que cet accès à l'information scientifique, dans la société, n'est pas assez ouvert ou est manquant ?
E.L : Il y a de l’accès, mais on ne touche pas tout le monde, donc c’est important de diversifier les façons de parler de sciences pour toucher le plus de monde possible. On a besoin que les citoyens comprennent les enjeux de ces défis auxquels notre société fait face.
M.S : C’était d'ailleurs le nom de la conférence : “Amenez la science là où elle ne va pas”, selon vous où est-ce que la science ne va pas assez ?
E.L : Là où la science ne va pas, c'est une excellente question, mais il y a pas mal d'endroits, que ce soit des endroits perdus géographiquement, mais aussi suivant les profils socio-économique. Il y a plein de critères qui font que des personnes ont plus ou moins accès à la culture en général et la culture scientifique. C’est s’assurer que toutes ces personnes y aient accès parce que je pense que c’est un droit aussi.
M.S : Vous avez fait un certain nombre d'actions en France, mais aussi à l’étranger. Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus ?
E.L : Je fais pas mal d’actions, en général c’est dès que j’ai des idées pour faire des choses, ou avec des collègues, pour justement emmener cette science là où elle ne va pas et l'un des gros trucs actuellement c’est essayer de développer l’astrophysique en Afrique. Moi je me rends compte que j’ai eu la chance de naître dans un pays où je peux devenir astrophysicien et vivre de l’astrophysique et ce n ‘est pas le cas pour tout le monde. Il y a des pays où ça n'existe pas, donc si je peux aider ces pays à développer des cursus puis des laboratoires pour faire de la recherche, mais aussi permettre à tout le monde d’observer le ciel et de rêver…
M.S : Quand on voit l’engouement des chercheurs ou des gens vers qui vous allez quand vous emmenez un télescope dans la rue, par exemple, qu’est ce que ça fait ?
E.L : Ça fait toujours plaisir de voir les yeux des enfants briller quand ils voient Saturne, quand ils voient des galaxies, quand ils voient n’importe quelle planète. Évidemment tout les gens qui sont là ne vont pas devenir astrophysicien c’est pas le but. Mais peut être qu’il y a des gens qui vont se prendre de passion pour les sciences, et mieux comprendre les choses, et ça, ça n’a pas de prix.
M.S : Vous avez aussi participé ou monté l’association Science pour tous 06 ?
E.L : J’ai juste participé. C’est un truc qui a été fait par d’autres chercheurs, et ils m’ont proposé d’y participer. On est 90 chercheurs et chercheuses à peu près, qui proposent des conférences sur différents sujets, dans tous les villages Alpes-Maritimes, pour justement aller dans des endroits qui sont un peu perdus où il n’y a pas en général de conférences.
M.S : Face à ces conférences, quand c’est annoncé, comment réagissent les gens ?
E.L : Ça dépend toujours des villages en fait. Pour une conférence, ça dépend de comment est fait la communication, comment le projet est vendu aux différentes personnes, mais en général, dans la plupart des villages, ça se passe très bien. Il y a même des gens qui rentrent, ils ne savent pas trop vers quoi ils viennent, et puis finalement ils repartent, ils sont très contents. De voir quelqu’un agréablement surpris, c'est toujours une bonne nouvelle.
M.S : D'emmener des conférences dans des villages et vers des personnes qui n’y assistent pas d’habitude. Qui ne sont ni scientifiques, ni chercheurs, est-ce que ça participe, et est-ce que c'est nécessaire selon-vous, de démocratiser la conférence ?
E.L : C’est démocratiser la conférence mais aussi c’est tout ce qu’on appelle l’éducation populaire. C’est sortir des écoles et faire en sorte que tout le monde ait accès à une éducation de qualité.
M.S : En parlant d’éducation, vous êtes aussi enseignant-chercheur, donc vous donnez des cours. Comment est-ce que votre activité de vulgarisation a pu impacter la manière dont vous enseignez, et inversement ?
E.L : Je dirais plutôt que mon activité de vulgarisation est un peu calquée sur ma façon d’enseigner. Les choses que je présente en vulgarisation vont être dans mes cours, mais surtout la vulgarisation au départ c’était mes cours que j’ai mis en ligne. Ça n’a pas impacté, j’ai gardé le même ton, et c'est en général ce qui plaît aux étudiants et aux étudiantes.
M.S : Est-ce qu’il y a aussi des événements auxquels vous participez ?
E.L : Là, le gros truc pour moi, c’est la sortie de mon livre le 22 septembre. C’est quelque chose qui va me prendre beaucoup de temps, et il y aura pas mal d'événements autour. Le livre s’appelle “L’odyssée cosmique : une histoire intime des étoiles”. L’idée c’est de raconter l’histoire de l’univers le plus simplement possible, en racontant la grande Histoire avec des petites histoires, qui permettent d’apprendre sans s'en rendre compte, de découvrir l’univers avec pleins de petites anecdotes, et faire en sorte de ne pas s’ennuyer en le lisant. En tout cas, je ne me suis pas ennuyé en l’écrivant et j’espère que les gens ne s’ennuieront pas en le lisant.
M.S : Vous nous avez aussi parlé d’un spectacle avec Guillaume Meurice, pendant la conférence, est-ce que vous pouvez en dire un petit peu plus ?
E.L : Avec Guillaume on est parti d’une phrase qu’aurait dit Einstein :
Deux choses sont infinies : l’univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue
Moi en tant qu’astrophysicien je sonde l’infini de l’univers et Guillaume en tant que spécialiste de la bêtise humaine, il sonde l’infini de la bêtise humaine, et du coup ça fait un petit spectacle. On prépare une petite tournée en France qui passera notamment par Meylan, au mois de février prochain.