Palette graphique GRAPH 8 de la société grenobloise XCOM
Publié par Alain Guyot, le 11 avril 2021 1.9k
Alain Guyot Chargé des collections ACONIT
Avertissement
Le « terminal alphagraphique » Graph 8 a créé des pages pour le minitel et plus tard de petits dessins animés. Ces dessins animés n’ont rien à voir avec Walt Disney, ou même Pixar. On ne saurait trop recommander de regarder sur YouTube un ou deux de ces petits films, comme « Wall Street » de Michaël Gaumnitz ou bien « Mr Démo » de Jacques Rouxel ou encore « Tintin à Montpellier » de Paul Coudsi.
Introduction
Grenoble apparaît comme un berceau de l’image de synthèse dans les années 80, car elle abritait les principaux constructeurs de machines à générer de l’image de synthèse. C’est ainsi que la société XCOM a inventé Graph 8, la première palette graphique huit couleurs qui permettait de restituer le dessin en temps réel. 200 à 250 exemplaires ont été vendus. Dès 1985 l’entreprise Getris Images avait ouvert la voie à l’image de synthèse 2D puis 3D destinée à la création vidéo. Ces fabricants de matériel et de logiciel étaient installés à la ZIRST (Zone pour l'innovation et les réalisations scientifiques et techniques) de Meylan, la toute première technopole créée en France. Ces sociétés étaient largement favorables à ce que des spécialistes de la vidéo testent les capacités de leurs machines et montrent leurs applications.
2 Brève histoire de « XCOM »
La société « XCOM» a été fondée en 1981 par Bernard Sempé et Andreï Landau, anciens de Télémécanique pour développer des automatismes et produits télécoms incluant des palettes graphiques 2D pour le "Graph 8", le "Graph 9" et le "Opium" pour le 3D. Créée chemin des Prés, Locazirst de Meylan, la société s’est ensuite déplacée à St. Ismier. Elle est issue de la société Option qui lui a vendu pour sa création sa branche d'activité graphique et parole (dont le vidéotext), avec ses études et ses devis
De 1981 à 1984, XCOM se développe dans les domaines : image de synthèse 2D (palette graphiques), dessin animé, parole (synthèse, reconnaissance). XCOM recrée une activité « automatisme » moyenne diffusion (séries autour du millier d’exemplaires) et installe une équipe à Rennes en liaisons avec le CCETT ( Centre commun d'études de télévision et télécommunications, créé en 1972) et le CNET (Centre national d'études des télécommunications).
XCOM collabore avec l’INA (Institut national de l'audiovisuel) pour concevoir la machine et le logiciel PSYCHÉ dédiés au dessin animé en images de synthèse.
En 1984 la société XCOM est mise en redressement et liquidée. Reprise en septembre 1991 par M. Francis Brochon, l’un des développeurs du Minitel, sous le nom « Xcom Multimedia Communications », elle fabrique des convertisseurs TNT. XCOM est acquis par l’américain PACE en 2001, lui-même acquis par ARRIS en 2016.
2.1 Début de l’aventure
L’aventure débute en 1956, le professeur Jean Kuntzmann propose au doctorant René Perret un sujet de thèse sur les “calculatrices”, qui amène ce dernier à partir au MIT (Massachusetts Institute of Technology) . A son retour René Perret ne rejoint pas Kuntzmann et fonde le Laboratoire d’Automatique de Grenoble (LAG) en 1960. Sous la responsabilité de René Perret, Jean Pajus et Bernard Sempé (ACONIT conserve leurs thèses jumelles) étudient un ordinateur, le CIB1220. Michel Deguerry est alors un des premiers assistants du professeur René Perret.
L’ordinateur CIB1220 est industrialisé sous le nom MAT01 par la «société d’électricité MORS», fondée à Paris en 1851 par Louis et Eugène Mors et qui a ouvert en 1962 un « Département Automatisme et Électronique », dans les locaux l’Institut Polytechnique de Grenoble (devenu Grenoble-INP).
La société MORS crée en 1965 la division A.T.M. (Automatisme Transmission Matériel), sous la direction de Guy Jardin, et fait construire une usine à Crolles.
La division A.T.M. est finalement acquise en 1967 par la société Télémécanique qui développera la Chaîne Numérique d'Automatisme T2000. La société Option est elle-même issue d'un des premiers essaimages de la Télémécanique après la réorganisation de la mini-informatique française en 1976 (fusion des miniordinateurs de Télémécanique et CII dans la SEMS (Société européenne de mini-informatique et système) ).
2.2 Petite anecdote
En 1967-69, le LAG déménage sur le campus, et fait construire le Bâtiment Ampère E pour abriter, entre autres, une installation de 3 colonnes à distiller, pilotée par un calculateur Télémécanique T2000 (extrapolation de la première colonne, installée dans les premiers locaux et pilotée par un MAT01 ; étude portée ensuite sur un site industriel, chez NaphtaChimie).
Ces colonnes, majoritairement en verre, s'élevaient sur deux ou trois étages.
En 2017-2020, Grenoble INP monte avec ACONIT le projet d'utiliser ce même bâtiment Ampère E pour y exposer les collections informatiques : y retrouvera-t-on un T2000 ?
Entre temps le grand trou dans le plafond pour passer les colonnes à distiller a été bétonné.
3 Le Graph 8 et ses périphériques
Le Graph 8 ( au centre) est relié par des câbles à :
① – un clavier complet à 141 touches
② – un moniteur cathodique pour visualiser une image
③ – une tablette à numériser et son "stylo graphique"
④ – de 0 à 2 lecteurs de disquette 5"1⁄4 de 400 kilo octet pour enregistrer du texte
⑤ – un magnétoscope pour enregistrer une séquence d’images animées (fichier dont le nom est juste un numéro)
⑥ – un micro-ordinateur Apple II pour écrire et modifier un scénario (fichier avec suffixe ‑SC).
Le clavier complet ① n’est pas indispensable car toutes les fonctions sont également invoquées par la touche Ctrl d’un clavier ordinaire suivi de 1 à 3 caractères. De même la tablette à numériser ne sert qu’à pointer des coordonnées, coordonnées qui se posent également au clavier Ctrl Xxxx et Ctrl Yyyy où xxx et yyy sont des nombres de 3 chiffres. Les lecteurs de disquette sauvegardent des fichier texte pour regénérer une image.
4 Le Graph 8 et le Minitel
A l’origine le Graph 8 est conçu pour faciliter l’élaboration d’images pour le minitel, un terminal informatique connecté par le réseau de téléphone au service français de Télétel. Distribué en plus de 6,5 millions d’exemplaires à environ 56 millions de Français, le minitel, très répandu, a commencé à céder à Internet dans les années 1990 puis a été abandonné (littéralement).
Un minitel ne reçoit pas une image, comme un téléviseur, mais un texte pour construire une image. Ce texte comprend des codes de caractères alphanumériques, de petits graphiques et des attributs. La couleur du caractère, la couleur du fond, le clignotement (ci-dessus Figure 2 le rectangle d’insertion du prochain caractère clignote), la surbrillance, sont des attributs. Il y a 8 couleurs (non miscibles). Pour les minitels noir et blanc ces 8 couleurs sont affichées comme des niveaux de gris uniformément espacés entre le blanc et le noir.
Figure 3 ROM du circuit ST TS9347
L’écran du minitel est une matrice de 25 lignes de 40 carreaux, soit 1000 carreaux. Un carreau peut contenir soit un caractère alphanumérique soit un graphique. La Figure 3 donne les 128 caractères et les 128 graphiques inscriptibles dans un carreau : une grille de 8 × 10 pixels (normalisé code ISO 2022).
4.1 Saisie d’un texte
Un texte se tape au clavier du Graph 8 (Figure 4). La position du début du texte sur l’écran est déterminée par un clic du "stylo graphique" sur la tablette graphique. Six touches précisent des attributs des caractères : haut – le caractère est 2 fois plus haut et s’étend donc verticalement sur 2 carreaux ; larg. – le caractère est 2 fois plus large et s’étend horizontalement sur 2 carreaux. Ces deux attributs ensemble donnent un caractère de taille double. La touche clig. fait clignoter le caractère, inv. échange la couleur du caractère et la couleur de fond, et enfin fond_transp. supprime la couleur du fond.
Figure 4 Clavier alphanumérique du GRAPH 8
Les 8 touches de la rangée suivante ajoutent des accents au caractère en cours : aigu, circônflexe, grave, cédille, trëma.
4.2 Entrée d’un graphique
Les 16 touches du pavé du haut (figure 5 ci-dessous) choisissent la couleur des caractères alphanumérique et graphique et la couleur du fond du carreau. A l’initialisation du Graph 8 on écrit en blanc sur fond noir.
Deux voyants signalent les 2 couleurs sélectionnées. Les 9 touches du pavé carré du dessous déplacent le curseur. La touche du milieu permute le sens de l’écriture : horizontale ou verticale. ON et OFF font apparaître/disparaître les images en surimpression (images fantômes § 4.4).
chaque zone pouvant prendre soit la couleur du caractère, soit la couleur du fond. Cela fait 26 soit 64 combinaisons graphiques. Un pavé de 6 boutons simultanés définit une combinaison validée par VALID. La touche ▮ sélectionne d’un coup les 6 zones. La mosaïque peut être jointive (Figure 6) ou non jointive comme le combiné téléphonique de la Figure 2.
En mode graphique l’écran du minitel affiche donc 40×2 par 25×3 soit 80 par 75 pixels
4.3 Saisie par caméra
Le Graph 8 peut numériser, c’est à dire transformer en un ensemble de carreaux graphiques (80 par 75 pixels), une image captée par une caméra en 512×786 pixels (Digitaliseur Trichrome de XCOM). L’exemple ci-dessous est une carte météo numérisée, sur laquelle on va ensuite ajouter à la main des légendes textuelles.
Figure 6 Carte météorologique muette
4.4 Image « fantôme »
Sans modifier l’image en cours d'édition, le Graph 8 peut superposer sur l’écran du moniteur un marqueur donnant la position du crayon optique si celui-ci est sur la tablette. Il peut également superposer le tracé d’une grille de 25 lignes de 40 carreaux.
En ligne 0 est sur-imprimé le texte frappé au clavier avant le « retour chariot » de validation de la saisie.
Toujours en ligne 0, on voit les commandes au clavier. Si la commande est correcte elle s’exécute et disparaît, sinon un compte-rendu d’erreur apparaît au même endroit en surimpression.
Notons que les commandes de la ou des disquettes utilisent tout l’écran en faisant disparaître temporairement l’image.
4.5 Compacter l’image
Dans la mémoire du Graph 8, chaque carreau est codé sur :
1 – 8 bits pour le code du caractère alphanumérique ou graphique
2 – 6 bits pour la couleur du caractère et la couleur du fond
3 – 4 bits pour : double hauteur, double largeur, clignotement, surbrillance,
Pour l’envoyer vers un minitel par le réseau commuté il faut compacter l’image en code « télé-écriture » 7 bits, parité paire. Pour cela on utilise des codes spéciaux pour les attributs suivant la norme videotext.
5 Dessin animé sur Graph 8
C’est Peter Foldes, artiste hongrois naturalisé britannique, qui est reconnu pour avoir le premier animé des dessins par ordinateur. Dans les années 1960, il vit à Paris et participe aux expérimentations télévisuelles de la RTF (Radiodiffusion-Télévision Française) menées au service « Groupe de Recherche Image ». Au début des années 1980, des palettes graphiques apparaissent sur le marché : Paintbox de l’anglais Quantel, en 1981, (16 millions de couleurs, un système de superposition de calques, une tablette graphique avec crayon sensible à la pression). Le système Venice du meylanais "Getris Images", en 1985. Le « Silver DeGraph » de 1985, conservé par ACONIT est déjà décrit dans « EchoSciences Grenoble »
Figure 7 Palettes PAINTBOX et VENICE
Mentionnons enfin le système Colorix, qui n’est pas une palette autonome, mais un logiciel et un écran connecté à un DEC PDP11, puis un à un SM90 du CNET-Lannion.
De ces machines et logiciels, le Graph 8 est la seule à fonctionner en mode vectoriel. Pas de mode bitmap.
5.1 Dessin géométrique du Graph 8
Dans ce mode l’écran fait 768 × 512 pixels (393 216 pixels), résolution d’un téléviseur haut de gamme de l'époque. Le type de figure tracée est choisie au clavier (une lettre) et les points sont posés successivement sur la tablette par le stylo graphique :
P : point isolé : 1 point (mode par défaut)
O : segment oblique : 2 points extrémités du segment.
H : segment horizontal : 2 points extrémités du segment. Le 2em point est aligné horizontalement
V : segment vertical : 2 points extrémités du segment. Le 2em point est aligné verticalement
R : demi rectangle : 2 points diagonale du rectangle. Trace 2 segments orthogonaux, non fermés.
C : cercle : 2 points diamètre du cercle
A : arc de cercle : 3 points : initial, intermédiaire et final. L’arc passe par ces 3 points
F : fermeture : 0 point. Fermeture par un segment du point final au point initial de la figure
B : remplissage : 0 point
↵ : return : validation de la figure dessinée en « fantôme » et retour au mode point.
Une figure peut se poursuivre en ajoutant d’autres points (sans taper une nouvelle lettre). Le dernier point sert alors de point initial et le nouveau point ajouté entraine le dessin d’une nouvelle figure. Les figures sont tracées en fantôme jusqu’à la validation ↵. Avant validation on peut annuler le dernier point : touche Gomme de la tablette ou Del du clavier, ou modifier la position du dernier point avec les 4 flèches du clavier : ← ↑ → ↓ . La fermeture ne s’applique ni au point isolé ni au cercle. Le remplissage ne s’applique qu’à une figure fermée. Après validation la figure est rangée sur la disquette, elle n’est plus modifiable, seulement effaçable en totalité.
5.2 Dessin « à main levée »
Avec un peu de pratique, en mode A ("arc de cercle") on peut pointer un contour avec le stylo graphique. En particulier le suivi d’une écriture cursive est tout à fait convaincant.
5.3 Animation des images
Un Apple II anime les images. Les images sont rangées sur une disquette de l’Apple, ce sont des fichiers textuels, lisibles (hum) dont le nom est juste un numéro.
Sur l’ Apple II on installe le logiciel « SCENARIO » de XCOM. A travers un menu sur l’écran de l’ Apple, ce logiciel permet de :
1 – initialiser des disquettes vierges
2 – lister, concaténer, renommer, supprimer des fichiers image
3 – acquérir et stoker sur disquette des images venant du Graph 8
4 – envoyer des images au Graph 8 pour affichage
5 – exécuter un fichier « scenario » qui envoie au Graph 8 une séquence d’images enchainées.
6 – créer et éditer un fichier scenario. Son nom s’écrit en MAJUSCULE suivi du suffixe « -SC ».
L’éditeur de scénario permet de saisir une ligne au clavier, insérer ou effacer des caractères dans une ligne, recopier une ou plusieurs lignes. Les commandes du fichier scenario (une ligne par commande) permettent de :
1 – afficher une image (par son nom) à une coordonnée sur l’écran
2 – temporiser entre deux affichages, en dixième de seconde
3 – effacer un rectangle sur l’écran avec une couleur de fond, fond noir par défaut.
4 – ajuster la vitesse de construction de l’image sur l’écran
La fin d’une ligne du scénario peut inclure un commentaire, après le « ; » . Le scénario peut reboucler.
Une fois que le scénario est au point, on l’exécute en enregistrant la séquence sur un magnétoscope. Ensuite ces séquences sont éventuellement "montées" sur un "banc de montage vidéo" comme un film.
5.4 Successeur de l’Apple II
L’Apple II était un peu sous-motorisé pour le dessin animé, et sans successeur compatible. Par ses ports série Modem/RS232 (1 ou 2 ports) le Graph 8 pouvait communiquer avec la plupart des ordinateurs. La petite société de service parisienne SOFRIG (Société française d’informatique et de graphisme) a porté le logiciel SCENARIO sur un IBM PC sous DOS 3.
6 Graph8 et dessins animés
6.1 Droit de réponse
Dans l’émission "Droit de réponse" (1981-1987) de Michel Polack, sur TF1, on utilise un Graph 8 pour caricaturer en temps réel sur l'écran de télévision. C’est d’ailleurs une caricature irrévérencieuse de Francis Bouygues, nouveau PDG de TF1, qui acheva "Droit de réponse"
6.2 Tintin à Montpellier
« Tintin à Montpellier » est une visite virtuelle de Montpellier réalisée par le graphiste Paul Coudsi.
Ce dernier note : « Entre dessins sur celluloïd et graphisme animé à l'improviste sur un "Graph 8" (ancêtre des premières palettes graphiques, 8 couleurs pures dont le noir et blanc), ledit Graph 8 branché sur un banc vidéo U-matic, le film commencé en août 1983 se termina fin janvier 1984. »
Figure 10 : Une porte du parc Peyrou.
6.3 Les aventures de Mr Démo
Extrait du journal « TILT » n° 27 de décembre 1985, page 70
Les palettes électroniques : une nouvelle imagerie
A la différence des machines qui cherchent à singer l'animation traditionnelle, les palettes graphiques offrent des possibilités peut-être moins spectaculaires mais elles ouvrent la porte à une nouvelle imagerie. Le dessin est saccadé, le mouvement simpliste mais original. Pour Jacques Rouxel qui utilise aussi la palette « Graph 8 » de XCOM : « le résultat est aléatoire, drolatique, schématique, ce qui sied assez bien avec mon style ». A l'aide de cette palette Jacques Rouxel a réalisé une série pour la télévision : « Les aventures de Mr Démo », cours d'instruction civique à la sauce humoristique. Ces nouvelles techniques ne prétendent en rien concurrencer l'animation classique, elles génèrent un autre type d'animation adaptée à de nouveaux instruments. Les créations de « Telegraph » sont très représentatives de ces nouvelles tendances. Parmi elles, « Rex » une série de soixante fois une minute vient d'être achetée par Canal plus avec l'aide du fond de soutien. Elle a été conçue à partir du « story board » de Philippe Polet Villard. Rex, nouveau justicier de l'espace est un berger allemand du troisième type qui n'a rien du bon saint Bernard. Il fait en effet payer cher ses interventions salvatrices. Le sens pratique est sauf à défaut de la morale. C'est primaire, rapide et amusant. Le côté simpliste de l'image obtenue donne son cachet à l'animation. L'habillage sonore rythme l'enchaînement des images. Un même fond musical est repris à chaque épisode, seul le bruitage varie. Une série de la même veine intitulée « Mecanic » est en préparation. L'animation rappelle les montages des génériques de « Bonsoir les clips » ou « Les Enfants du rock » auxquels ils avaient d'ailleurs participé. Leur outil de base est la palette « Graph 8 » de XCOM munie d'une sortie vidéo et associée à un Apple II pour le stockage des images.
6.4 Le courrier des téléspectateurs
Notes du séminaire de Michaël Gaumnitz , le 3 avril 2012
J’étais en train de peindre dans mon atelier, un jour, j’ai entendu une émission à France culture qui parlait de la palette graphique. Cette palette était la toute première qui existait, elle s’appelait le « Graph 8 ». À l’origine, elle avait été conçue pour faire du télétexte. C’est par un détournement de sa fonction première qu’elle a permis toutes ces animations. Elle avait la particularité d’être très limitée, rudimentaire. Il n’y avait que 8 couleurs, les primaires, le rouge-vert-bleu, les secondaires, le jaune-magenta-cyan, et le noir et blanc. Donc très peu de couleurs, et n’avait pour fonction que le texte, quelques fonctions géométriques, telles que la ligne, le rond, le rectangle… le dessin qui se dessine, et la fonction effacement, la fonction multiplication. Sa pauvreté même m’obligeait à ruser, à inventer, pour exprimer ce que j’avais envie de dire. Le jour où j’ai touché à ça, pendant 10 ans j’ai travaillé comme un fou, jour et nuit, tout le temps, tout le temps, j’ai fait beaucoup, beaucoup de films : des films courts, sans caméra, uniquement graphiques. L’émission la plus importante que j’ai pu faire, s’appelle Le courrier des téléspectateurs, pour la Sept, l’ancêtre d’Arte. Je recevais des lettres des téléspectateurs qu’ils écrivaient à Arte. Je choisissais toutes les semaines 5 lettres, puis elles étaient diffusées le vendredi, en voix-off, accompagnées du dessin en mouvement.
Au début, j’ai fait des films courts, des plans séquence sans caméra, sans texte, sans scénario, des films uniquement graphiques. C’étaient des improvisations libres autour d'un thème qui évoque une atmosphère, un climat, une humeur, un souvenir, un événement, un mythe, une femme, un personnage...
Pour transcrire mes images intérieures en perpétuelle transformation, j’ai utilisé les limites mêmes de la palette graphique Graph 8 : trois couleurs primaires, rouge, vert, bleu ; les complémentaires, jaune, magenta, cyan ; et le noir et le blanc, des couleurs pures, non mélangeables entre elles ; quelques fonctions élémentaires : affichage, déplacement, multiplication, effacement. Le peu de moyens afférents au Graph 8 m’obligeaient à inventer de nouvelles formes d’animation, de jouer des quelques fonctions rudimentaires de la palette. L’effacement par exemple : les images ne restent pas à l’écran, elles s’affichent pour disparaître aussitôt, créant un mouvement très rythmé et sans fin.
Au plan technique, je conjuguais le logiciel de la palette graphique Graph 8 avec le logiciel « SCENARIO » de XCOM que j’installais sur l’Apple II. Celui-ci enregistre tout le processus du dessin en train de se chercher, d’évoluer. Le fait qu’il n’y ait pas de menu à l’écran, favorise la fraîcheur et la spontanéité du geste. Une fois l'historique du dessin enregistré, je peux faire rejouer la séquence par le logiciel « SCENARIO » tout en manipulant la vitesse d'affichage du dessin en train de se tracer et ainsi jouer des rythmes. Lorsque j’étais satisfait de l’animation (je pouvais recommencer de nombreuses fois jusqu’à obtenir le résultat recherché), j’en faisais une sortie vidéo. Puis, sur un banc de montage, j’y intégrais le son ou la musique, lesquels pouvaient être à l’origine de la séquence, ou venir après que la séquence graphique ait été créée.
7 Anatomie du Graph 8 (pour les électroniciens)
Le Graph 8 est un gros boîtier 44×32×14 cm de 8,5 Kg
Le Graph 8 est une machine complexe de plus de 250 "circuits intégrés TTL LSI" sur une carte mère et 8 cartes filles.
Le logiciel est animé par un microprocesseur Motorola 68 000, deux boîtiers de 16 K bits de mémoire vive RAM statique (M58725) et six boîtiers 16 K bits de mémoire morte EPROM (M27C1001).
La partie graphique du Graph 8 compte 32 boîtiers 64K × 1-Bit DRAM (HM4864P-2) et 8 boîtiers Unité Arithmétique et Logique 4-bits SN74LS181.
Ces 8 unités arithmétiques et logiques (UAL) confèrent au Graph 8 une puissance de calcul considérable. Pour mémoire les unités centrales des miniordinateurs contemporains du Graph 8 listés ci-dessous ne comptent chacun que 4 boitiers UAL 74181 :
P850/P855/P860 : de Philips Data System, en 1971
MITRA 15/ MITRA 125 : de CII, en 1971
T1600 : de Télémécanique, en 1972,
SOLAR : de SEMS, en 1975
7.1 Connexions du Graph 8
Le tableau arrière du Graph 8 présente de gauche à droite
Deux connecteurs DB15 pour la TABLETTE et pour le CLAVIER, tous deux télé-alimentés par le Graph 8.
Entrée/sortie informatique : deux ports parallèles DB25 pour connecter au choix : MODEM V24 , lecteur de disquette, micro-ordinateur (Apple II ou autre).
Sortie TV vers le moniteur : port parallèle DB25 péritélévision SCART (péritel).
Sortie vidéo composite (VDC) vers le magnétoscope. Entrée vidéo composite (VDC) de la caméra. La prise DIN-5-broches connecte les potentiomètres de seuillage.
7.2 Clavier du Graph 8
Le clavier du Graph 8 contient un petit processeur organisé autour d' un CPU 8-bits Intel 8085, une RAM statique de 256 octets (2 × Signetics 2127A), une ROM de 2K octets (2 × Intel B2758), deux circuits Intel 8279 contrôleur de clavier à 128 touches et enfin un circuit de transmission série asynchrone Intel 8251.
8 Remerciements
L’auteur tient à remercier :
Monsieur Michaël Gaumnitz pour son enthousiasme et ses explications lumineuses sur le dessin animé. C'est lui qui nous a mis sur la piste du Graph 8 après le Silver de Graph.
Monsieur Alain Carou , Conservateur à la BNF, responsable du service Images, qui a fait don à ACONIT d'un Graph 8 en surnombre à la BNF .
Monsieur François Michaud, animateur du site « Quart de pomme », qui a déniché une doc. du Graph 8. Le Graph 8 était vendu d'occasion comme périphérique graphique de l'Apple 2.
Monsieur Louis Boudillon de Télémécanique/Schneider-Electric pour ses suggestions de rédaction
Monsieur Gérard Chouteau, d’ACONIT pour sa relecture attentive.