Mémo'Risks : quatre étoiles pour Grenoble

Publié par Jean-Pierre Charre, le 4 novembre 2013   4.6k

Après sa visite de la rive droite de l'Isère, Jean-Pierre rempile pour un article avec un retour sur le concours "Mémo'Risks, ma ville se prépare" 

Si Grenoble pourrait avoir quatre étoiles en matière de risques, ce n’est pas seulement parce qu’elle est quatre fois inondable, c’est plutôt parce que les élèves de quatre classes de CE2 et CM2 ont remporté les premières places d’un concours national, « Mémo’Risks, ma ville se prépare », qui vise à sensibiliser les enfants et leurs familles aux risques majeurs. 

Le concours, relayé par l’élue municipale déléguée à la Sécurité Civile et son Service, épaulés par l’Institut des Risques Majeurs, a amené 110 élèves des écoles Anthoard et Lucie Aubrac à devenir enquêteurs et « Risk’Trotteurs ».

D’abord, ils ont suivi une séance de sensibilisation aux risques majeurs, naturels et technologiques où ils ont notamment appris que Grenoble est en zone de risque moyen, mais repose sur d’épaisses alluvions post-glaciaires (des centaines de mètres), qui créent, entre les bords de la cuvette et son fond, des réverbérations susceptibles de rendre les vibrations, dans la cuvette elle-même, 10 à 20 fois plus intenses.

Ensuite, comme ils avaient choisi de travailler sur le risque d’inondation, ils ont fait, sous la conduite d’un historien-géographe, une sortie comportant une découverte de Grenoble et une montée à la Bastille. Sous la halle de la place aux Herbes, ils ont écouté la présentation de la genèse et des effets de la crue du 2 novembre 1859, la dernière qui ait submergé Grenoble. La place était d'ailleurs le seul endroit de la ville qui n’ait pas été atteint par l'eau à l'époque (micro-relief). Dans la rue Saint-Laurent, ils ont photographié une inscription gravée indiquant le niveau atteint par l’inondation du 2 novembre 1859.

Au Jardin de Ville, ils ont examiné une gravure représentant la crue et ont découvert que la levée sur laquelle ils se trouvaient était une digue protégeant le jardin et l’hôtel de Lesdiguières contre les divagations du Dragon (le Drac). Le Service Sécurité civile en a profité pour montrer aux enfants l’endroit représenté par la gravure (angle des actuels rue Hector Berlioz et quai Stéphane Jay), qui a reçu depuis la gare inférieure du téléphérique.

Arrivés à la Bastille, les élèves ont écouté l’histoire des relations entre l’Isère et le Drac. Le Dragon coinça l’Isère contre la Bastille et fit de Cularo, qui devint Gratianopolis puis Grenoble, un site de pont. Le seul site où, depuis Albertville jusqu’aux environs de Poliénas, durant  près de deux mille ans, jusqu’à l’endiguement qui empêcha les changements de cours, « la nature a fait preuve d’un bon sens profond, en faisant passer les fleuves juste en-dessous des ponts ».


Mémo'risks 2013 Grenoble par VilledeGrenoble

Devant le grand panorama, une orange figurant la Terre permet d’identifier l’équateur et le pôle Nord, de situer Grenoble à mi-chemin, et d’expliquer qu’une montée en altitude de quelques milliers de mètres, sur les sommets de Belledonne, équivaut, pour le climat et la végétation, à un déplacement en latitude de plusieurs milliers de kilomètres, jusqu’aux environs du pôle.

Ensuite, les élèves ont été accueillis par le Service Éducatif des Archives Départementales. Ils ont approché la mémoire du risque, examiné des cartes et documents rares, parcouru les réserves inaccessibles au public. Ce moment leur a permi de découvrir les fonctions des Archives : collecter (trier, jeter), classer (mettre une cote), conserver (34 kilomètres de rayons), communiquer (sous réserve de secret, de fragilité) et d'examiner notamment la "Carte du cours de l’Izère" (photo de Une) et le "Grenoblo Malherou" (les Malheurs de Grenoble dus à l’inondation de 1733), poème anonyme en patois attribué à Blanc la Goutte et ultérieurement illustré par Diodore Rahoult.

Le dossier réalisé par les CM2 d’Anthoard a fait l’objet d’une présentation préalable, à laquelle furent invités les parents. Ci-dessous, une élève présente les pages du dossier, qui associent gravures, photos, cartes et dessins représentant Grenoble inondé, dont émergent les immeubles et que survolent les hélicoptères.

Enfin, les élèves ont assisté à une pièce de théâtre « Oui, mais si ça arrivait », une illustration originale des risques présentée à l’auditorium du Musée de Grenoble. Dans la quiétude de leur cuisine, les comédiennes se demandent si « ça » n’est pas en train d’arriver.

Après la pièce de théâtre, les enfants réagissent et questionnent.

De substantiels dossiers, abondamment illustrés, ont été constitués par les élèves, encadrés par leurs professeurs. Voici l'une des couvertures de ces dossiers :


Sur les quarante écoles ayant concouru, Rhône-Alpes a remporté tous les prix et Grenoble les premiers. Les deux classes de CM2 réunies de l’école Anthoard ont remporté le premier prix, les classes de CM2 de Lucie Aubrac et de CE2 d’Anthoard, les prix spéciaux du Jury, créés pour la circonstance, des classes de Héry-sur-Ugine (Savoie), et de Mieussy (Haute-Savoie), les deuxième et troisième prix.

Mémo’Risk ayant été reconnu par l’Organisation des Nations Unies (ONU), comme action remarquable, les gagnants ont été reçus, à Paris, le 26 juin 2013, dans le prestigieux bâtiment de l’UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization). Après un voyage en train, en bateau bus, un pique nique au Champ de Mars et un arrêt devant le Mur de la Paix, qui enjoint de « Construire la paix dans l’esprit des hommes et des femmes », les représentants des classes gagnantes ont reçu leurs prix des mains de Badaoui Rouhban, Director of the Section for Disaster Reduction, Gretchen Kalonji (ADG/SC, UNESCO), et Olivier Schick (Prévention 2000) et posent devant leurs professeurs et les élus.  

Pour couronner ce travail et cette belle réussite, la Ville de Grenoble a accueilli les lauréats, le 1er Juillet dernier et leur a offert un délicieux goûter. Après avoir présenté leurs dossiers, dans la salle du Conseil municipal, et notamment énuméré les crues emblématiques, depuis 1219 (vidange brutale d’un lac constitué dans la plaine du Bourg d’Oisans derrière un barrage naturel formé par les cônes de déjections affrontés de la Vaudaine et de l’Infernet), jusqu’à 2010, les enfants posent sur le grand escalier de l’Hôtel de Ville, en compagnie de leurs professeurs, leurs accompagnateurs, les élus et Monsieur le Maire.

Les médias, France 3 Alpes (voir la vidéo), France Bleu Isère, le Dauphiné Libéré (lire l'article - édition abonnés) ont largement fait connaître cette démarche d’information préventive civile et citoyenne. Les enfants, en faisant passer un questionnaire dans leur entourage, ont contribué à promouvoir une culture du risque, éloignée des peurs irraisonnées et des insouciances coupables.

>> Informations : article rédigé par Jean-Pierre Charre avec le concours de l’Institut des Risques Majeurs et du Service Sécurité Civile de la Ville de Grenoble

>> Illustrations : Camille Bezzina (IRMa)