Louis Lliboutry : Le fondateur de la glaciologie en France
Publié par Marc Turrel, le 24 juin 2016 3.8k
Un projet de livre doit rendre hommage à un des pionniers de la glaciologie mondiale, à l'occasion des 60 ans de la création du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l'Environnement (LGGE).
Louis Lliboutry a donné, grâce à sa ténacité, son exigence de qualité et de rigueur, une impulsion extraordinaire à une discipline à peine balbutiante dès 1956. Directeur du Laboratoire de Glaciologie pendant vingt cinq années, ce théoricien de haut niveau a laissé en outre une œuvre considérable.
En appliquant les outils de la physique aux processus glaciaires, il a fortement contribué à faire passer la glaciologie d'une discipline naturaliste à une science quantitative branche de la géophysique. Sa rigueur alliée à une grande intuition scientifique en ont fait un précurseur dans les nombreux domaines dans lesquels il a brillé et laissé un héritage encore pertinent aujourd’hui. Il est difficile de choisir quels sujets mettre en valeur : beaucoup ont trait à la physique de la glace, depuis la formation des pénitents jusqu'à la déformation de la glace, mais il a aussi marqué la discipline par ses travaux sur le glissement des glaciers que ce soit au niveau théorique ou pour des applications telles que le risque glaciaire ou l'étude de l'évolution des glaciers. Dans d'autres domaines de la géophysique et grâce à son approche basée sur la mécanique des milieux continus, il a proposé des mécanismes intervenant dans la tectonique des plaques.
Ses publications, en français, en anglais et en espagnol, ont contribué jusqu’à sa disparition en 2007, longtemps après qu’il eut pris sa retraite, à l’avancée des travaux en géophysique et en glaciologie. A côté de sa recherche de pointe, il a publié plusieurs ouvrages de référence. Son traité de Glaciologie (1965) faisait non seulement un point exhaustif sur les connaissances de l'époque concernant la glace et les glaciers, mais apportait également une analyse critique de chaque théorie, proposant bien souvent des améliorations et nourrissant la recherche pour de nombreuses années.
C’était aussi un homme de terrain et un chef d’équipe. En effet, malgré l’utilisation continuelle des mathématiques et l’importance de l’expérimentation en laboratoire, la glaciologie comporte une part d’observation qui « nécessite non seulement des qualités sportives et un esprit pratique, mais aussi un esprit d’équipe », comme il l’écrit dans l’introduction à son Traité de Glaciologie.
Professeur à l'Université Joseph Fourier de Grenoble, il a impulsé l'enseignement et la recherche en géophysique à Grenoble.
Si son empreinte scientifique est toujours présente, elle n’est pas assez reconnue en France. En Amérique latine, en revanche, où il a commencé sa carrière, il est considéré comme un spécialiste, un grand savant : une montagne et un glacier portent son nom, le Glacier Lliboutry sur le continent antarctique et le Cerro Lliboutry au sud du Chili. Son nom est associé à l’exploration et à la connaissance de la Patagonie.
Au niveau international enfin, la reconnaissance pour son travail a été concrétisée par plusieurs prix dont le très prestigieux "Seligman crystal", la plus haute récompense de l'International Glaciological Society.
Ce projet de livre retrace le parcours de l’homme, du savant, de l’arpenteur de
glaciers, et propose un choix de textes et de documents photographiques
inédits pour mettre en valeur à la fois son œuvre considérable et le rôle
qu’il a joué dans l’essor et le développement d’une science toute jeune et
désormais cruciale.
Marc Turrel et Catherine Ritz