Les services énergétiques de demain : entre collaboration et co-création
Publié par Léa Bolliet, le 28 août 2020 1.7k
En partant du constat que pour exister demain il faut œuvrer pour la transition énergétique, de plus en plus d’entreprises, s’engagent et s’allient les unes aux autres pour expérimenter de nouvelles formes de services ou de produits.
En effet, l’émergence de nouvelles technologies, les complexités techniques associées et les enjeux sociétaux liés au secteur, poussent les entreprises et aussi d’autres structures (associatives et institutionnelles par exemple) à collaborer ensemble afin d’allier leurs savoir-faire et leurs connaissances du terrain. La transition énergétique incite les entreprises à se renouveler et à aller vers de nouveaux modèles de coopération pour innover et créer des services énergétiques qui répondent à ces exigences et enjeux de société.
On passe ainsi d’un marché au fonctionnement standard à une sorte de puzzle où, une multitude d’acteurs (entreprises, collectivités, citoyens) doit apprendre à travailler ensemble. La chaire Energy for Society de Grenoble Ecole de Management, au travers d’études de cas, analyse ces nouveaux modèles de coopération et cherche à identifier comment un groupe de partenaires hétérogènes (public ou privé, concurrent ou complémentaire) peut co-créer avec succès de nouveaux services énergétiques innovants.
Les études de cas envisagées à ce jour
- Zero Emission Valley – ZEV – (implication des pouvoirs publics): Ce projet vise à accélérer l’adoption de véhicules à hydrogène via la construction d’infrastructures nécessaires dans la Région Auvergne Rhône-Alpes (station à hydrogène). La particularité de ce projet vient : de son échelle régionale ; son budget de 70 M€ sur 10 ans ; du désir d’anticiper et de préparer les solutions d’avenir pour les déployer ensuite dans d’autres régions et à l’international ; et enfin du partenariat public-privé.
Le projet ZEV, permet d’étudier les conditions d’alignement et de fédération des acteurs dans le cadre d’un projet ayant un soutien politique fort.
- H2 mobility – Projet Allemand – (implication des pouvoirs publics) : Ce projet a pour objectif le développement de véhicules à hydrogène avec la construction d’une centaine de stations à hydrogène dans 7 métropoles allemandes et le long des axes routiers principaux d’ici fin 2020. L’objectif est à terme d’atteindre les 300 stations. La particularité du projet réside dans : la collaboration entre des entreprises concurrentes et son échelle nationale (déploiement sur tout le territoire et financement via des aides nationales).
Le projet permet d’étudier les conditions d’alignement et de fédération des acteurs privés/publics et d’observer les mécanismes de collaboration de plusieurs entités concurrentes.
- Autonomous Building for citizens – ABC - (implication des pouvoirs publics et des usagers): ABC est un bâtiment autonome situé à Grenoble, conçu pour avoir des besoins énergétiques minimaux. Il génère de l'électricité renouvelable pour sa propre consommation et la stocke. Les locataires sont considérés comme des acteurs centraux : ils ont besoin d'adapter leur comportement pour que l'immeuble atteigne son niveau d'autonomie (70%). Pour ce faire, ils sont accompagnés avec des ateliers mensuels et un suivi individuel de leurs habitudes de consommation.
Le projet ABC, permet d’étudier et de comprendre les conditions nécessaires à l’acteur pivot, pour réunir et fédérer autour de lui de plus petites entreprises, ainsi que les utilisateurs finaux c’est-à-dire les locataires.
La convergence des intérêts individuels et le rôle des acteurs pivots
Pour assurer la réussite d’un projet de coopération, il est nécessaire d’identifier les intérêts et contraintes de chacun afin de pouvoir faire émerger ou renforcer un intérêt collectif. Aussi, il est déterminant de bien comprendre dès le début à quel point, et comment les parties prenantes sont prêtes à collaborer pour développer de tels projets et les mener à termes.
Ce qui est intéressant au niveau de la recherche est ici d’observer à quel niveau les différents partenaires ont besoin d’être en phase pour qu’il y ait une sublimation de l’intérêt collectif qui émerge. Comment la réunion de ces intérêts individuels créé de la valeur et de l’innovation, ou encore, comment la gouvernance des projets s’organise-t-elle pour que toutes les briques s’assemblent les unes aux autres ? Aussi, l’un des points clefs de cette recherche est d’étudier le rôle joué par le ou les acteur(s) pivot(s) et les différents modèles d’organisations qui en découlent.
Par exemple, au sein du projet ZEV, impulsé par une collectivité, chaque acteur avait un intérêt propre à rejoindre le projet : le leader dans le secteur de la mobilité cherche à innover et à se diversifier ; et l’énergéticien dans le cadre de sa nouvelle stratégie souhaite se positionner comme leader des nouvelles énergies, y compris dans le secteur de la mobilité. Les intérêts de chacun sont différents, voire se concurrencent dans le cas d’H2 Mobility, mais les acteurs se retrouvent, au niveau de la démarche : aller au-delà de leurs divergences pour co-créer quelque chose de nouveau (ici développer un réseau de station de recharge de véhicules à hydrogène) au service des citoyens, de l’entreprise et de la transition énergétique. Il est également important de noter que, pour ZEV comme pour le projet H2 Mobility, l’élément déclencheur de la collaboration a été l’impulsion du projet par les pouvoirs publics. Quel fût le rôle de chaque partenaire et des autorités publiques ? Sous quelles conditions s’est opéré l’alignement des acteurs de chaque écosystème ? La mise en parallèle du projet français ZEV avec son homologue allemand, le projet H2 Mobility, enrichira notre analyse.
Dans le cadre du projet ABC, les acteurs ont tous une volonté commune d’œuvrer pour la transition énergétique mais avec des contraintes et des modes de fonctionnement différents. D’un côté l’entreprise pivot a une vision, des idées et des capacités financières à innover, et de l’autre des PME innovantes ayant besoin d’être rassurées et de financement. Ici, l’enjeux principal a été pour l’entreprise pivot de réunir et de convaincre des PME innovantes à s’investir dans un projet ambitieux, en passant outre les incertitudes de réussite. Dans un premier temps, cette recherche se concentrera sur l’analyse des différentes incertitudes que le consortium a rencontrées et sur le rôle de l’acteur pivot dans la gestion de celles-ci. Dans un second temps, ce terrain nous permettra de mieux comprendre si et comment l’alignement des acteurs du projet ABC perdure dans le temps. ABC, illustre également le fait que les parties prenantes des projets collaboratifs ne sont pas uniquement des firmes ou des autorités publiques mais aussi des citoyens/consommateurs.
Vers de nouveaux business models
Comme évoqué précédemment, dans ces modèles de coopération, chaque acteur à des enjeux différents : rester à la pointe de l’innovation, rester sur le marché, développer des nouveaux services pour répondre aux besoins des utilisateurs finaux, etc. Ce qui est intéressant est qu’ils ont besoin des uns, des autres pour faire fonctionner leur business model respectif et assurer ainsi la pérennité de leur structure.
En étudiant les différents cas présentés ci-dessus, les chercheurs de la Chaire Energy for Society aspirent à identifier et caractériser ces nouveaux modèles d’organisation afin de pouvoir accompagner et conseiller les entreprises (et autres structures) dans la mise en place de projets collaboratifs durables.
Les résultats de cette recherche seront publiés sur le site de la Chaire Energy for Society. Les premières conclusions devait-être disponibles début 2021.
Pour obtenir plus d’information sur les recherches menées au sein de la Chaire Energy for Society vous pouvez consulter notre site ou contacter Carine Sebi, coordinatrice de la Chaire.
Contact : carine.sebi@grenoble-em.com
Chercheurs associés à cette recherche :
- Anne Lorène Vernay, Professeure Associée à GEM
- Nuria Moratal, Post-Doc Chaire Energy for Society à GEM
- Carine Sebi, Professeure Associée à GEM