À la découverte des ondes gravitationnelles
Publié par Jordan Hervy, le 21 mai 2016 8.1k
Le 11 février 2016, les scientifiques de la collaboration américaine LIGO et de la collaboration européenne VIRGO ont annoncés avoir détectés pour la première fois un signal d’ondes gravitationnelles. Tout juste 100 ans après la prédiction théorique de l’existence de ces ondes par Albert Einstein en 1916. Cette annonce a eu une résonance importante au sein de la communauté scientifique. Nous allons maintenant essayer de comprendre ce que sont les ondes gravitationnelles et comment on peut les appréhender sur terre.
Que sont les ondes gravitationnelles?
Dans ondes gravitationnelles, il y a le mot « ondes ». Il est très difficile pour nous de ressentir, de voir ces ondes, c’est pourquoi cette notion peut nous paraître un peu abstraite. Mais pourtant, les ondes font réellement parties de notre quotidien, elles sont absolument partout. Lorsque vous appelez quelqu’un, que vous vous connectez à un réseau wifi, que vous faites réchauffer votre plat au micro-ondes ou bien encore lorsque vous allumez votre radio. Tout ceci n’est qu’une affaire d’ondes.
Une histoire d'ondes
Pour essayer de se donner une intuition de ce qu'est une onde, prenons l’exemple du son. Lorsque vous parlez, vous faites vibrer des molécules d’air autour de votre bouche. Cette vibration se déplaçant de molécule en molécule va finir par arriver aux oreilles de votre voisin et il entendra alors votre voix. Dans ce cas précis, cette vibration qui se propage dans l’air s’appelle une onde acoustique ou bien encore une onde sonore. En se déplaçant ainsi dans l’air, l’intensité de la vibration va s’atténuer. C’est pourquoi, plus vous voulez qu’on vous entende de loin, plus vous devez parler fort. Prenons un autre exemple. Lorsque vous jetez un caillou dans un lac, au point de contact, vous perturbez la surface de l’eau. Cette perturbation qui va se propager et s’atténuer avec la distance est également une onde.
Onde à la surface de l'eau. (Source)
Selon le type d’ondes et le milieu qu’elles traversent, les ondes peuvent se déplacer à différentes vitesses. Par exemple, dans l’air, le son se déplace à environ 300 mètres par seconde et la lumière qui est également une onde, se déplace à environ 300 millions de kilomètres par seconde. C’est pourquoi lors d’un orage, vous voyez le flash, la lumière de l’éclair avant d’entendre la détonation, le tonnerre. En résumé, une onde correspond à la propagation d'une perturbation.
Et une histoire de gravitation
Pour essayer de comprendre la nature des ondes gravitationnelles, revenons un instant sur la notion de gravitation. À chaque instant, nous ressentons la gravité, cette chose qui nous attire vers le sol, qui est responsable des marées et du mouvement des astres dans le ciel. Nous avons tous appris à l’école l’histoire de la pomme qui tomba sur la tête de Newton, lui révélant au passage les lois de la gravitation universelle. Dans cette théorie de la gravitation, l’attraction entre deux corps massifs, par exemple entre un humain et la terre est décrite par une force. Cette force est d’autant plus grande que les objets sont lourds et elle diminue avec la distance qui sépare les deux objets. Cette théorie n’explique en rien qu’elle est l’origine de cette attraction. Pourquoi deux objets massifs s’attirent l’un vers l’autre ? C’est ce que Einstein près de 300 ans après Newton essaya de comprendre. Pour Einstein la gravité n’est pas une force. Il propose une description géométrique de la gravitation : la relativité générale.
Qu’est ce que la relativité générale ?
Pour tenter de saisir l’essence de cette théorie, faisons ensemble une expérience de pensée. Imaginez un trampoline sur lequel vous déposez une balle de tennis. Tant que vous ne montez pas sur le trampoline, la balle reste immobile. Vous décidez maintenant de grimper sur le trampoline. Compte tenu de votre propre poids, la surface du trampoline se déforme et la balle de tennis roule vers vous, elle est comme «attirée» par vous. C’est la courbure crée à la surface du trampoline qui initie le mouvement de la balle de tennis. La déformation du trampoline sera d’autant plus grande que votre poids est important. La relativité générale, c’est précisément ça ! À l’instar du trampoline, l’espace-temps est comme un tissu qui peut être déformé par la présence de corps massifs. Par exemple, notre soleil qui est très massif, déforme fortement l’espace-temps autour de lui. Les mouvements de corps tels que la terre ou mercure autour du soleil peuvent maintenant se comprendre d’un point de vue géométrique, sans faire appel à la notion de force. En résumé, tout corps massif courbe l’espace-temps et c’est cette courbure qui est responsable de l’attraction gravitationnelle.
Et les ondes gravitationnelles dans tout ça ?
Reprenons l’analogie du trampoline. Cette fois-ci, imaginons une utilisation plus traditionnelle : Vous sautez puis rebondissez sur le trampoline. Lorsque vous faites cela, à l’image du caillou que l’on jette à la surface de l’eau, une vibration se crée à la surface du trampoline. Cette vibration résulte du mouvement accéléré des sauts et rebonds que vous effectuez sur le trampoline. C’est exactement la même chose pour l’espace-temps. L’accélération de corps massif génère des vibrations de l’espace-temps lui même. Les ondes gravitationnelles correspondent à la propagation des vibrations de l’espace-temps.
Ces ondes sont-elles dangereuses pour nous?
Ces ondes ne représentent pas le moindre danger pour nous, en effet même pour les événements les plus cataclysmiques dans l’univers tel que la fusion de deux trous noirs, l’intensité des ondes gravitationnelles émises est extrêmement faible. Einstein lui-même pensait que leur puissance était beaucoup trop faible pour qu'elles soient un jour observées sur terre. Sur ce point, Einstein se trompait. En effet le 14 septembre 2015 à 9 heures 50 minutes et 45 secondes, le premier signal d’onde gravitationnel est détecté par les deux interféromètres de la collaboration LIGO. Le signal a duré à peine une demi seconde. Les scientifiques pensent que l’onde aurait émise par la fusion de deux trous noirs de 30 fois la masse du soleil chacun. Ce système serait situé à une distance comprise en 0.7 et 1,9 milliard années-lumière.
Vue aérienne de LIGO sur le site de Hanford (état de Washington, Etats-Unis). (Source)
Comment détecter ces ondes gravitationnelles?
Lorsqu’une onde gravitationnelle arrive sur terre, elle engendre des variations de distance de l’ordre de 10^-18 m c’est à dire mille fois plus petit que la taille d’un proton. Pour pouvoir être sensible à ces variations infimes de distance, des interféromètres de Michelson sont utilisés. Ce sont des dispositifs optiques composés de deux bras dans lesquels de la lumière se propage. Afin de pouvoir détecter ces faibles variations de longueurs causées par le passage de l’onde, deux bras de 4 kilomètres de long chacun sont utilisés. À l’aide de miroirs, les deux faisceaux lumineux effectuent plusieurs fois le trajet avant d’être recombinés. On observe alors le signal produit au point d’intersection entre les deux faisceaux. Lors du passage de l’onde, la longueur d’un des bras est très légèrement allongée et le signal est modifié. Après plus de 13 années de travail intense pour améliorer la sensibilité des détecteurs, un signal a enfin pu être détecté. À l’aide de simulations numériques, les scientifiques ont pu faire la correspondance entre le signal observé et celui prédit pour l’émission d’ondes gravitationnelles par la fusion de deux trous noirs.
Quelle est la prochaine étape ?
Avec cette première détection directe d’onde gravitationnelle, les scientifiques espèrent pouvoir améliorer encore la sensibilité des détecteurs afin d’ouvrir une nouvelle fenêtre sur l’univers : l’astronomie gravitationnelle. En effet, cette voie d’observation pourrait nous donner des informations inédites sur notre univers. Cette détection a déjà permis pour la première fois d’obtenir des informations sur un sytème de deux trous noirs en fusion qui n’auraient pas pu être obtenus par des méthodes d’observations classiques
Vue d'artiste de la fusion de deux trous noirs. © Begüm Koçak
Ré-écoutez l'intégralité de l'émission ici :
Références :
[1] B.P. Abbott et al, Observation of Gravitational Waves from a binary Black Hole Merger, PRL (2016) http://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysR...
[2]G. Pascoli, Que sais-je ? La gravitation (1989)
Image de couverture : Fusion de deux trous noirs - © Projet SXS (Simulating eXtreme Spacetimes). (Source)