Les Grands Moulins de Villancourt : hier, aujourd'hui, demain ...

Publié par Laurent Ageron, le 28 septembre 2016   3.4k

Crédit photo : maquette des nouveaux moulins. CE Brun (non datée)


Retrouvez tous les mois un épisode relatant la vie de ceux qui ont façonné ce site emblématique de l'agglomération grenobloise. Réalisation : service des archives municipales de la ville de Pont de Claix.


Chapitre 14 : la basse-cour de Villancourt


Où l'on voit que la gestion de l'usine de biscuits Brun par des représentants du personnel - sous l'autorité, toutefois, des anciens directeurs - va conduire, pour une période assez courte, à diversifier l'activité des moulins de Villancourt, qui fournissent la farine des boulangers. Villancourt vit au rythme de la reconstruction du moulin en attendant d'être fixé sur son avenir.


Entre le mois d'octobre 1944 et le mois de juin 1948, le comité de gestion des usines Brun, mis en place par le préfet après la confiscation des biens de Claire Darré-Touche, va se préoccuper de deux choses concernant Villancourt : le sort réservé à la basse-cour, puis, après l'incendie d'août 45, celui réservé au moulin. Il propose d'abord, dès octobre 44 que « les volailles se trouvant à Villancourt ne soient plus abattues mais soient le point de départ d'un élevage collectif » , ce qui permettrait, est-il précisé, d'avoir « une production d'œufs et de viande réservée à tout le personnel de l'usine ». Ainsi, le paragraphe intitulé « poules et lapins de Villancourt » mentionne la décision de confier à un monsieur Grillon « l'approvisionnement et le contrôle de la basse-cour et du clapier de Villancourt » ; en novembre 44 l'intitulé devient « la basse-cour de Villancourt » et le comité décide de « poursuivre l'élevage pour la production des œufs qui seront répartis au personnel par les soins de la coopérative », car, est-il précisé : « il ne faut pas que cette basse cour constitue une charge pour la société ». Le 18 août 45 un incendie ravage le moulin. On peut lire dans le procès verbal de la réunion du comité de gestion en date du 3 octobre suivant : « il est regrettable que l'incendie du moulin soit venu interrompre pour cette usine une réussite financière si bien commencée (…) nous avons décidé ensemble de faire reconstruire au plus tôt ( et compter ) 8 à 9 millions pour avoir un moulin vraiment moderne ».

Le choix des travailleurs : un bel outil !
En janvier 1946, le comité décide le maintien de la basse cour dont la gestion est confiée à M. Rocher ; par contre, il « limite à vingt le nombre de volailles et de lapins appartenant à chaque employé dans l'enceinte du moulin ». Colette Chaniet embauchée en novembre 1947, témoigne : « derrière, y'avait une basse cour où on élevait pas mal de bêtes. Et les bêtes étaient vendues. Y'en avait quelques-unes qu'étaient vendues au personnel, d'autres, qu'étaient vendues à la biscuiterie », elle évoque aussi l'existence d'un immense poulailler, d'une couveuse à poussins et d'une porcherie qui n'existe déjà plus alors. D'après Angel Jimenez, le champ même qui jouxtait le moulin a été cultivé : « pendant la guerre on a fait des haricots, enfin, pour le moulin, hein ? Un an ou deux ». « Nous étions encore sous le régime de restriction du point de vue des farines et du contrôle de farines, poursuit Colette Charniet, à cette période là, on travaillait exclusivement pour les boulangers, on avait pas mal de clients, on faisait la tournée Pont de Claix, Grenoble, Echirolles, La Mure, la Motte d'Aveillans, Villards de Lans, Meaudre ; Le 5 novembre 1947, le non-lieu dans l'affaire Darré-Touche est prononcé, ses droits lui sont restitués ; La presse de la Résistance dénonce « des profits illicites de 5 millions et demi , un déni de justice : le non- lieu de la mère Darré-Touche est une belle rencontre de milliardaires, un succès de protection gouvernementale ». Déjà, en avril 1945, un peu avant le jugement et manifestement pressé par le ministère de l'intérieur, le préfet avait prévenu : « la sévérité qu'elle apportait dans la conduite de ses usines, la dureté à l'égard du personnel, son âpreté au gain, son indifférence envers les œuvres sociales, lui ont attiré le ressentiment général de la population ouvrière du département … en outre, les formations FFI ( forces françaises de l'intérieur) ayant pénétré en son domicile y ont découvert des quantité considérables de vivre et d'approvisionnement » , puis en 1947 : « la levée des séquestres risquerait de conduire à des troubles importants ». Elle démissionnera ainsi que son mari et c'est le directeur de la banque de l'Isère qui est nommé administrateur délégué de l'usine des biscuits mais aussi de la distillerie. La levée des séquestres intervient très exactement quelques jours avant l'inauguration du nouveau moulin : sa reconstruction décidée donc par le comité de gestion s'est effectuée selon les techniques les plus modernes et on vient de toute la France pour voir fonctionner les moulins de Villancourt à la pointe du progrès. Le procès-verbal de la réunion du comité inter-entreprise du 8 juin 1948 indique que la réunion est présidée par Max Roger David, chargé des intérêts de Madame Darré-Touche, assisté de messieurs Charnaux et Genon. les deux directeurs qui présidèrent aux destinées du comité de gestion.