Les Grands Moulins de Villancourt : hier, aujourd'hui, demain ...

Publié par Laurent Ageron, le 4 juin 2015   3.1k

Retrouvez tous les mois un épisode relatant la vie de ceux qui ont façonné ce site emblématique de l'agglomération grenobloise. Réalisation : service des archives municipales de la ville de Pont de Claix.

Chapitre 4 : Fortune ou destin... la roue tourne

Donc, première véritable mécanique à énergie naturelle observée par l'homme, le moulin, dans son organisation même n'est que le fruit de calculs ...et d' inventions comme les cylindres présentés à l'exposition universelle de 1878 ; la papeterie des frères Breton de Pont de Claix s'y voit attribuer une médaille d'or pour la qualité de son papier et le public découvre que l'électricité produit de la lumière. A l'aube du XXè siècle les cylindres métalliques remportent la victoire sur les meules ancestrales et avec la création des grandes minoteries industrielles, les petits moulins disparaissent, une dynastie de meuniers voit le jour...

Sans grande modification depuis l'Antiquité et jusqu'au début de l'ère industrielle, l'élément essentiel du mécanisme des moulins à eau est la roue qui transforme l'énergie cinétique de l'eau en énergie mécanique. Sa forme et sa dimension sont déterminées en fonction du débit de l'eau. C'est pourquoi les premières années de fonctionnement de la minoterie Dorel sont une longue suite de litiges avec la société qui gère le canal dérivé de la Romanche. A ses débuts, la minoterie fonctionne grâce à une chute d'eau artificielle de 3 mètres qui actionne une turbine laquelle active d'abord une puis six paires de meules. Les organes d'un moulin, lit-on dans le Roret, manuel complet du meunier et du constructeur de moulins (1846), se composent principalement de deux meules ou disques de pierre meulière de même diamètre, disposés horizontalement l'un au-dessus de l'autre. (…) le grain placé dans une espèce d'auge en forme de pyramide quadrangulaire tronquée et renversée, nommée, par extension, trémie, descend dans une seconde auge mobile beaucoup plus petite , située au dessous de l'ouverture inférieure de la précédente. Un mouvement de va-et-vient fait tomber continuellement et peu à peu le grain sollicité par la force centrifuge de la meule courante, s'insinue de là entre les meules pour être écrasé et réduit en farine. C'est vraisemblablement dans les années 1880 que les frères Dorel abandonnent les meules pour la mouture à cylindres, un nouveau mode d'écrasement qui permet des débits plus rapides et la séparation de la farine et du son.


Dynastie : domination, pouvoir (exercé par une suite de souverains issus d'une même famille) ou suite de personnes d'une même famille occupant les mêmes fonctions ...


Gaëtan Brun naît en 1874 à Grenoble, dans le moulin de la Capuche, au lieu dit Les Murailles sur le chemin d'Echirolles (actuelle rue de Stalingrad). Il est l'héritier d'une famille de propriétaires cultivateurs originaires de Claix et Allières et Risset, dont les fils ont fait fructifier le patrimoine en diversifiant leur activité et en épousant des filles richement dotées. Ainsi son grand - père Pierre Joseph quitte-t-il les terres familiales pour s'installer à Grenoble où ses affaires de marchand de grains, de farine et de fourrage prospèrent. Ce dernier, après avoir acheté le moulin de la Capuche en 1869, en dote son fils, le père de Gaëtan à l'occasion de son mariage avec une riche propriétaire échirolloise. C'est dans ce moulin que Mme Abric, née Falque passe une grande partie de son enfance et de son adolescence, jusqu'au tout début de la 2ème guerre mondiale, alors que son père y est meunier, pour le compte de la biscuiterie Brun. Joseph Falque naît le 12 novembre 1879 à Saint Michel les Portes, dans le petit moulin artisanal que son père originaire de Saint Marcellin est venu faire tourner. Ils sont quatre garçons, "Tous ses fils, sauf un, ont été meuniers aussi, témoigne sa petite-fille (1) , ils ont appris le premier travail de meunerie dans ce petit moulin. Ensuite, ils ont voyagé, pas vraiment un tour de France mais il y avait quand même pas beaucoup de moulins et ils apprenaient un peu le métier en allant dans d'autres moulins, et mon père a été dans toute la région et il a appris comme ça … comment fonctionnent des moulins un peu plus importants, et il était capable de réparer de faire ce qu'on appelait « rhabiller les meules », c'est-à-dire retailler les meules. C'est un travail de spécialiste. Et il s'est habitué comme ça d'ailleurs à des moulins plus importants, et à la marche de minoteries électriques comme celle-ci. C'est qu'il connaissait toute la meunerie depuis le moulin artisanal jusqu'à la grande minoterie." En 1906, Joseph Falque est le secrétaire du syndicat des ouvriers meuniers créé quelques mois plus tôt, il succède à Séraphin Brunet ouvrier meunier au rondeau d'Echirolles.
A quelques centaines de kilomètres de là, à Marseille, Catherine Mallard, fille de minotier épouse en première noces Joseph Marius Touche ; nous sommes en 1903, Gaëtan Brun a 29 ans, Joseph Falque en a 24 ; chacun d'entre eux va incarner ce qui fera les moulins de Villancourt : le travail et la sueur, l'argent, la politique.

(1) Mme Falque épouse Abric, entretien réalisé par A. Cayol-Gérin dans le cadre de son étude patrimoniale « Moulins de Villancourt, 110 ans de mouture ».