Les Grands Moulins de Villancourt : hier, aujourd'hui, demain ...

Publié par Laurent Ageron, le 17 juillet 2015   2.8k

Retrouvez tous les mois un épisode relatant la vie de ceux qui ont façonné ce site emblématique de l'agglomération grenobloise. Réalisation : service des archives municipales de la ville de Pont de Claix.

chapitre 5 : Les temps modernes

Où il s'agit de prendre la mesure de l'audace des investisseurs d'une part, de l'amplitude du terrain défriché par les bombes d'autre part ; Et où, alors que les meuneries disparaissent au profit des minoteries, il serait bienvenu de se poser la question : la science est-elle la mère de l'industrie ? On a vu comment, dans un moulin bien organisé, la force mécanique tient le rôle principal...néanmoins, elle n'agit pas seule.

« Réinterprétée par Henry Le Chatelelier (1), la pensée de Taylor fournira le socle d'une science de l'action qui prétend réaliser l'interêt général – c'est à dire garantir la paix sociale et augmenter la production nationale des richesses – en rationalisant les actions conformément à des fins qui sont nécessairement d'ordre économique et sera, en tant que doctrine, officiellement soutenue par l’État pendant la première guerre mondiale »(2) .

C'est au tout début du XXè siècle qu' Henri Le Chatelier, découvre en traduisant Taylor la possibilité de mettre en œuvre son projet de « science industrielle : modèle d'association théorique et opérationnel de la production scientifique et de la pratique industrielle »( 3) ; or, nous précise Odile Henry , la première moitié du XX siècle est agitée par le débat «entre scientifiques, sur l'ouverture aux sciences appliquées - l'université, affirment les opposants, n'a pas vocation à former les futurs cadres de l'industrie ni à servir de classe préparatoire aux écoles industrielles - ». Entre 1880 et 1900 une vingtaine d'instituts de recherche appliquée sont crées au sein des facultés des sciences. Alors, est-ce un hasard si en 1919, Louis Le Chatelier, un des sept enfants d'Henri épouse la fille d'Aimé Bouchayer, l'industriel qui a su transformer sa fonderie en fabrique d'obus pendant la guerre ? et si l'ingénieur ( qu'on oppose aux « purs scientistes » )Henri Sombardier succède en 1899 aux frères Breton à la tête des papeteries qui portent leur nom ? Le sien figure sur la liste des membres élus du conseil d'administration de l' Université de Grenoble, aux côtés d'Auguste de Montgolfier fabricant de papier à Annonay ;

C'est le fonds qui manque le moins …

Les sites qui se consacrent à l'histoire de la meunerie française (un certain nombre est référencé par le site www.meuneriefrançaise.com) nous racontent comment, jadis, le meunier achète son grain au détail chez le blatier ou en gros chez le marchand de grains, qu'il emploie des porteurs, des cribleurs pour le nettoyer, et des mesureurs pour vérifier les quantités à la sortie du moulin. L'apprentissage du métier durait cinq ans et demi et commence à 14 ans, après avoir été vanneur, bluteur, pétrisseur…Il y a fort à parier qu'Alphonse Guérin ne l'a pas suivi et que les frères Dorel revenus à leur commerce d'épiceries et de denrées coloniales ne s'attendaient pas à répondre des dettes accumulées par leur successeur et néanmoins associé, déclaré « insolvable ». Banquier en même temps que courtier en grains, Albert Ferradou va s'associer à d'autres pour créer en 1910 la société anonyme des Moulins de Villancourt. La banque de l'Isère, Ferradou, Reiss et Compagnie tient son siège social au 9 de la rue Lesdiguières, elle est présidée par Aimé Bouchayer , l'homme qui devient en 1912 le principal propriétaire des terres bordant le Drac, depuis Echirolles jusqu'à Pont de Claix.


(1) ( 1850-1936)Elève de l'école Polytechnique et de l'école des Mines où il enseignera ainsi qu'à l'université de Paris, HLC a été attaché au ministère de l'armée entre 1914 et 1918 ; promoteur du taylorisme en France il y voit un projet d'applications des théories scientifiques au monde industriel .
(2) Henry Odile. Henry Le Chatelier et le taylorisme. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 133, juin 2000. Science de l'État. pp. 79-88.
(3) François Jarrige, « Michel Letté, Henry Le Chatelier (1850-1936) ou la science appliquée à l’industrie, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, 259 p. ISBN : 2-7535-0019-3.19 euros. », Revue d'histoire du XIXe siècle, 33 | 2006, 169-232.