Les bioénergies, un trésor sous-estimé

Publié par Encyclopédie Énergie, le 27 juin 2019   2.7k

Les bio-énergies sont naturellement, et historiquement, au cœur de la production et de la consommation des ressources renouvelables. Dans les sociétés dites avancées, elles ont pourtant été médiatiquement plutôt oubliées….au profit des éoliennes, des panneaux solaires, et d’autres technologies d’avenir  telles que l'hydrogène ou les hydroliennes[1]

Rares sont ceux qui, en 2019, savent que les bioénergies occupent le 2ème rang dans le bilan énergétique mondial, avec une contribution de 1385 Mtep, loin derrière les énergies fossiles (11 292 Mtep), mais devant le nucléaire (688 Mtep), l’hydraulique (353 Mtep), et les autres renouvelables (254 Mtep). Dans son  New Policy Scenario (NPS), à l'horizon 2040, l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) ne modifie pas cet ordre : avec 1851 Mtep, les bioénergies restent derrière les sources fossiles mais devant toutes les autres sources (Tableau 1).

Tableau 1. Consommation mondiale d'énergie en Mtep de 2017 à 2040 (NPS)

Sources d'énergie

2017

2040 (NPS)

Charbon

3 750

3 809

Pétrole

4 435

4 894

Gaz naturel

3 107

4 436

Nucléaire

688

971

Hydro

353

531

Solaire, éolien, géoth.

253

1 223

Bioénergies modernes

727

1 260

Bois énergie traditionnel                   

658

591

Total

13 972          

17 715          

Source : International Energy Agency. World Energy Outlook 2018, p. 38.


Grâce à la photosynthèse, ces bioénergies proviennent d’un gigantesque capteur solaire : l’ensemble des plantes et êtres vivant sur les sols et dans les océans,  (microalgues notamment), ainsi que des déchets organiques biodégradables.

Depuis la découverte du feu, par combustion, elles ont dans un premier temps fourni de la chaleur (foyers, eau chaude, vapeur), à partir du bois et de diverses huiles et graisses, puis plus récemment de la force motrice (biocarburants pour les moteurs à explosion), du biogaz, et même de l’électricité (cogénération). Présente dans les forêts, prairies, et jardins, dans tous les produits de l’agriculture, ainsi que dans les matières organiques issues de l’élevage et de la mer, cette biomasse procure avant tout aux êtres vivants leur nourriture (le carburant de la vie) et aux hommes d’innombrables biomatériaux et matières (bois, papier-carton, textiles, médicaments, cosmétiques, colles, encres, peintures..).

Mais cette biomasse très abondante (la production planétaire de cellulose, par exemple, atteint 100 milliards de tonnes/an), peut aussi délivrer de grandes quantités d’énergie. Chimiquement stockée dans les tissus végétaux et animaux, pour leur croissance et leur métabolisme, elle peut être libérée, mais au prix de transformations biochimiques (hydrolyse, fermentation, méthanation) ou de déconstructions (déshydratation, combustion) coûteuses en efficacité énergétique.

Celles-ci sont à l'origine des faibles rendements énergétiques de la biomasse, en fait moins de 1 %, rendements qui peuvent encore être réduits  par l’énergie grise nécessaire à la culture des plantes, aux récoltes, aux fabrications, et à la distribution, tout au long du cycle de vie des produits biosourcés, ou encore aux importantes pertes dues aux déchets, et aux gaspillages.

Bien que diffuse et humide, et malgré ces faibles rendements, la biomasse peut finalement fournir indéfiniment de grandes quantités d’énergie. Renouvelables, assez facilement stockables, elles présentent de plus l’avantage de ne pas être intermittentes, contrairement à celles issues des capteurs solaires, thermiques, photoélectriques et, ou des éoliennes.                                                                                                                                                 

Le bois énergie 

Au premier rang des fournisseurs d’énergies renouvelables (en France, il en représente 46 %, mobilisant 30 000 emplois directs), figure le bois énergie, issu principalement des arbres et taillis, utilisé pour le chauffage (bûches, plaquettes, et pellets) mais, dans le monde, le plus souvent pour la cuisson des aliments (Figure 1).

Fig. 1 : Le bois énergie - Source : L. Miguel Bugallo Sánchez [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], via Wikipedia Commons
Fig. 1 : Le bois énergie - Source : L. Miguel Bugallo Sánchez [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], via Wikipedia Commons

Nettement moins énergétique en masse (de 1,71 à 4,5 MWh/tonne) que les carburants fossiles, il émet, pour un Kwh de chauffage, neuf fois moins de CO2 que le fioul et cinq fois moins que le gaz !

Souvent dénoncées, les émissions de fumée et de microparticules issues de cette combustion ont, en Occident, été fortement réduites grâce aux poêles et chaudières labellisés « Flamme verte » et aux normes édictées par les pouvoirs publics.

A l'échelle planétaire, les émissions de CO2 dues à la combustion du bois sont censées être compensées par les volumes que les végétaux absorbent en repoussant, dans un cycle du carbone considéré comme neutre. Désormais, cette affirmation est contestée, mais il n’en reste pas moins qu’un m3 de bois stocke une tonne de CO2, et que la forêt française absorbe 4 tonnes de CO2 par seconde, soit  un quart des émissions de gaz à effet de serre (GES)  du pays !


Les biocarburants 

Largement consommés, actuellement, dans les filières du bioéthanol (extrait de céréales et de betteraves, incorporé à l’essence) et du biodiesel (extrait de graines de tournesol et de colza, incorporé au gasoil), ces biocarburants sont vertueux :

  • sur le plan énergétique : leur rendement exprimé en tep renouvelables produites / tep fossiles consommées pour leur production est de 1,7 pour l’éthanol et de 2,4 pour le biodiesel, contre 0,8 pour les carburants traditionnels ;

  • sur le plan environnemental :  leurs émissions de gaz à effet de serre sont réduites de 60 à 70 %, par rapport aux carburants d’origine fossile (Figure 2).

Fig. 2: Les biocarburant
Fig. 2: Les biocarburant

Ces filières permettent, en outre, d’éviter l'importation de millions de tonnes de pétrole et de créer des milliers d’emplois (bioraffineries), en produisant des ressources agronomiques intéressantes (tourteaux et drèches, notamment).

Encore faut-il que ces productions ne privent pas de leurs bioressources les entreprises de l’agroalimentaire, ni en concurrencent d'autres comme, par exemple, celles des producteurs d’oléagineux, à partir d’huile de palme importée après destruction de forêts primaires ! C’est pourquoi des filières de 2ème génération dites « lignocellulosiques », obtenues par biotechnologie (Futurol) ou par thermochimie (Bio-T-Fuel) sont l’objet d’importants développements.


Biogaz et déchets 

Il faut enfin s’intéresser aussi à la récupération énergétique des déchets. Ils sont d’une grande variété, depuis les abondants résidus des champs (paille, feuilles, rafles..), jusqu’aux déjections des animaux et des hommes (eaux usées), à ceux de l’agroalimentaire (industrie, restauration) en passant par les déchets urbains (distribution, ordures ménagères, déchets verts des parcs et jardins, entre autres).

Ils peuvent, dans des méthaniseurs, produire du gaz combustible injectable après purification dans des réseaux de chauffage urbains ou des chaudières industrielles, ou - ce qui est déjà le cas - être utilisés sous forme de carburant dans des camions, et des autobus (figure 3). De tels usages évitent ce qu’il ne faut pas faire, à savoir « brûler bêtement les ordures ménagères à ciel ouvert », en polluant l’atmosphère et en perdant de plus de précieux digestats !

Fig. 3 : Produire du biogaz - Source : Foto: Martina Nolte, via Wikipedia Commons
Fig. 3 : Produire du biogaz - Source : Foto: Martina Nolte, via Wikipedia Commons

Ce disant, on ne saurait oublier que les rendements énergétiques de ces installations sont faibles (beaucoup d’eau à éliminer, entre autres) et que les problèmes d’investissement territorial, agricoles notamment, de la méthanisation sont complexes. C’est pourquoi ces filières ne représentent encore en France qu’une faible part de la production des énergies renouvelables.


En définitive, produire en quantité des bioénergies est économiquement, écologiquement, et stratégiquement intéressant et utile, à condition

  • d’évaluer leur compétitivité, dans le contexte fluctuant  des marchés,

  • de ne pas oublier qu’étant obtenues par combustion leur consommation émet, même modérément, des gaz à effet de serre,

  • de respecter le renouvellement de leurs ressources primaires (champs et forêt, notamment) et l’intégrité de leurs territoires (sols, eau, écosystèmes),

  • d’éviter les concurrences d’usage préjudiciables aux secteurs d’activité prioritaires, l’agroalimentaire principalement.


Notes et références

[1] Diverses données numériques figurant dans ce billet sont présentées et commentées dans le nouvel ouvrage de Claude Roy,  Président du Club des Bioéconomistes, « La Bioéconomie ». Editions France Agricole ,  Mai 2019 .


A lire pour plus de détails dans encyclopedie-energie.org :


Un article de Claude Sourisse : Ingénieur diplômé de l’Institut National Polytechnique de Grenoble, et docteur en automatique.   




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