Le tétras-lyre : symbole des Alpes
Publié par Virginie Girard, le 9 avril 2021 3.1k
2020. Article écrit par Louise GUEROT, Étudiante M2BEE.
Un oiseau atypique, craintif et discret, fascinant par ses parades nuptiales spectaculaires rythmées de chants et de pas de danse, par ses plumes caudales incurvées en forme de lyre chez les mâles ce qui lui attribue son nom… Le tétras-lyre (Tetrao tetrix) fascine les naturalistes, photographes, chasseurs, inspire les artistes et toute personne sensible au monde sauvage. Il est sans conteste une espèce emblématique de la faune alpine à forte valeur patrimoniale.
Le tétras-lyre, petit coq de bruyère des Alpes
Appelé petit coq de bruyère, cet oiseau est plus communément connu sous le nom de tétras-lyre – Tetrao tetrix (Linné, 1758). De l’ordre des Galliformes de montagnes, il appartient à la famille des Phasianidés. Cette espèce a un dimorphisme sexuel marqué. Le coq (mâle) a un plumage noir le dessous des ailes blanc, une queue se terminant en forme de lyre, ainsi qu’une excroissance charnue rouge vif au-dessus des yeux très développée lors des parades nuptiales. La poule (femelle) quant à elle, est de plus petite taille avec un plumage brun-roux barré de noir et de gris et une queue plus courte.
Un rythme de vie marqué par les saisons
Selon les individus, certains tétras-lyres sont sédentaires alors que d’autres migrent selon les saisons allant de leur zone de reproduction à leur zone d’hivernage. Au printemps, ils sont très actifs et prennent le temps de s’approvisionner et de se reproduire, les mâles chantent et paradent dans une « arène » pendant plusieurs heures ! Durant l’hiver, ils réduisent leur activité et restent à l’abris dans leurs « igloos » creusés dans la neige. Ses habitats favorables sont les landes, les pelouses, les prairies, les tourbières ou encore les boisements clairs.
Une espèce menacée par l’activité humaine
Le tétras-lyre est un oiseau encore assez bien représenté dans les Alpes françaises, dans huit départements, entre 1 400 et 2 300 m d’altitude. Cependant, il est considéré comme une espèce « quasi-menacée » en France métropolitaine et montre un déclin plus ou moins fort depuis quelques décennies. L’être humain est l’acteur principal de perturbation de cet oiseau et de son habitat naturel. Plusieurs facteurs rentrent en compte dont principalement la fragmentation et dégradation de son habitat par des modifications des pratiques pastorales. Les pâturages moins entretenus par les troupeaux (ovins, bovins) sont colonisés par des espèces végétales, telles que l’aulne vert, réduisant ainsi les zones dégagées favorables au tétras-lyre. En parallèle, certaines zones connaissent un pâturage trop important réduisant le couvert végétal nécessaire à la reproduction et aux nichées du tétras-lyre. De plus, la mise en place d’infrastructures et aménagements, destinées aux sports d’hivers, dégrade son habitat et entraîne d’autres facteurs participant à son déclin tels que des dérangements répétés en hiver par les skieurs et randonneurs en raquettes. Cette pression anthropique déstabilise son mode de vie, modifie son comportement et amplifie son stress.
Ce n’est pas le tétras-lyre qui s’installe sur votre piste de ski,c’est votre piste de ski qui traverse son habitat. A méditer…
Un oiseau mystérieux : source d’inspiration
Un bel oiseau qui émerveille l’artiste
Le tétras-lyre fascine à travers sa danse et sa parade et représente, pour l’artiste, une « forme d’écriture qui pourrait disparaître » (Éric Alibert). Le peintre cherche à fixer le mouvement et le déplacement des oiseaux sans que ces êtres vivants ne puissent être fixés. Les tracés du vivant sur une toile, relevant de l’imaginaire, sont guidés par la main du peintre qui « tente d’exprimer graphiquement la sensation du mouvement » (Jean-Louis Roux). Le coq tétras-lyre se distingue d’autres oiseaux par son plumage noir et blanc mais aussi par ses magnifiques rectrices noires formant une lyre. Cette beauté attire les artistes et est toute aussi intéressante pour des représentations graphiques. Le « noir et blanc » crée un contraste immédiat sur une feuille de papier ou une gravure. Le peintre, par son geste, essaye de s’approcher du mystère que lui offre la nature et cela lui procure un sentiment d’infini de l’ordre de l’éternel (Éric Alibert). Cet oiseau très discret, craintif et secret, est un être mystérieux qui reflète la particularité de la nature. La « Nature aime à se cacher » (Héraclite), dans le sens où il est difficile pour l’être humain de la connaître et de trouver une manière de la sonder. Cette énigme du vivant mène à de la contemplation des lois secrètes de la nature dont les artistes tentent de s’approcher.
Le tétras-lyre captive le photographe
Le tétras-lyre attire les photographes animaliers par sa difficulté à être capté. S’approcher du tétras-lyre au plus près est un véritable défi car il est très craintif et le photographe veut à tout prix éviter son dérangement. C’est au photographe de se cacher et de se camoufler. Il peut rester couché à même le sol et en partie dans la neige, lors de la période hivernale, pour l’observer et photographier les mouvements du tétras-lyre lors de son chant ou encore de sa parade nuptiale si spectaculaire.
Le symbole d’un milieu fragile
La façon de représenter l’animal, ici le tétras-lyre vu comme un oiseau emblématique des Alpes, témoigne de notre civilisation. Souvent, l’être humain protège les animaux qu’il trouve beaux, il a besoin de symbole. Le tétras-lyre a ce privilège d’être atypique or cela pourrait menacer à l’inverse des espèces d’oiseaux pas assez hors du commun pour être étudiés, protégés. L’être humain, dans sa culture visuelle des êtres vivants, cherche généralement à faire de l’animal le centre de l’image comme une sorte de proie ou d’animal captif. Les artistes permettent une approche différente de l’animal. Le peintre Bruno Liljefors a à cœur de représenter les tétras-lyres dissimulés dans leur milieu de vie (tableau ci-contre).
Le tétras-lyre est une espèce sensible très vulnérable et patrimoniale, c’est un véritable indicateur de biodiversité qui ne demande qu’à être préservé. La prise en considération de l’environnement autour des oiseaux permet une approche moins anthropocentrée de la nature. Cela reflète le lien fort qui existe entre l’animal et son environnement, c’est-à-dire ce que l’environnement a donné à l’animal et ce que l’animal a donné à l’environnement. La protection de ces oiseaux passe par les naturalistes et les scientifiques, cependant le statut de l’animal, en tant qu’être vivant, peut être écarté, brisant ainsi le lien entre notre société et la nature. L’art, que ce soit par la peinture ou par la photographie, est une première approche pouvant permettre de « retrouver cet équilibre de la nature » et rendre le mystère privé par les sciences (Élisabeth de Fontenay).
Bibliographie
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