Le milieu marin et sa dynamique
Publié par Encyclopédie Environnement, le 9 avril 2021 2.9k
Plus des deux tiers de la surface du globe terrestre sont occupés par les mers et les océans. Dissimulée sous les vagues, masquée par les marées, une puissante circulation les parcourt avec, pour seuls moteurs, l’ensoleillement et le frottement des vents sur leur surface. Les barrières infranchissables que constituent les continents sont autant d’obstacles que la circulation globale doit contourner. Les variations de température et de salinité imposent des changements de la densité de l’eau qui forcent ce courant à plonger dans les profondeurs lorsqu’il s’alourdit, à remonter en surface lorsqu’il s’allège.
L’eau des mers et des océans
L’Organisation Hydrographique Internationale distingue 3 océans sur notre planète : l’océan Pacifique, l’océan Atlantique et l’océan Indien. En pratique, il est d’usage d’en compter 5 en distinguant aussi, au sud, l’océan Antarctique ou Austral et, au nord, l’océan Arctique. Les mers comme la Méditerranée, la Manche ou la mer des Caraïbes apparaissent alors comme des sous-domaines marins individualisés pour des raisons géographiques ou historiques.
En réponse à l’ensoleillement, la température de ces eaux varie entre 2 et 30 °C selon le lieu, la saison et la profondeur. À titre d’exemple, la figure suivante montre cependant que, dans le cas de la Méditerranée, cet intervalle est limité entre 13 et 24 °C pour l’eau de surface bien chauffée en été, mais demeure presque invariante et proche de 13°C à des profondeurs supérieures à 120 mètres. L’interface qui sépare les eaux de surface, agitées par les vagues et la turbulence, des eaux profondes, quasi isothermes et beaucoup plus tranquilles, est dénommée la thermocline. Elle se forme chaque printemps et disparait en hiver.
Figure 1. Distribution de température en Méditerranée en fonction de la profondeur, avec mise en évidence de la thermocline et de son évolution saisonnière. [Source : Encyclopédie de l'Environnement, article Le milieu marin]
La salinité moyenne des eaux des mers et des océans se situe au voisinage de 35 g/kg, mais chaque mer assez bien individualisée possède sa propre teneur en sel, faible dans la mer Noire avec 12 g/kg, très élevée dans la mer Morte avec 275 g/kg ce qui interdit localement presque toute vie animale ou végétale. L’élément principal du sel marin est le chlorure de sodium mais de nombreux autres éléments chimiques sont aussi présents, comme les 5 principaux anions et cations cités sur le tableau joint, ainsi que diverses molécules à faible concentration (Le milieu marin)
Figure 2. Concentrations des principaux ions dissous dans une eau de mer typique dont la salinité est de 35 g/kg. [Source : Encyclopédie de l'Environnement, article Le milieu marin]
Une surface agitée et bosselée
Sous nos yeux, l’aspect principal de la surface des océans est son agitation incessante, due aux vagues et aux marées (Lire Les Marées). Si, après avoir filtré toutes ces oscillations, on observe la forme moyenne de cette surface, appelée le géoïde, il apparaît qu’elle n’est ni plate ni ronde mais bosselée. Ce relief est une conséquence des variations de la gravité à la surface du globe, elles-mêmes dues au fait que la masse n’est pas uniformément distribuée dans le manteau terrestre. La différence d’altitude entre les portions de surface les plus hautes, au sud-est du Groenland, et les portions les plus basses, au sud de l’Inde, atteint 160 m. Dans le cas de la Méditerranée, cette différence avoisine 80 m, avec une altitude maximale près des Baléares et minimale au sud-est de la Crête (Lire Le milieu marin). Sous cette surface, l’eau circule et parcourt le gigantesque ensemble océanique, avec une lenteur, une inertie et une puissance impressionnantes.
Figure 3. Le géoïde, à gauche en projection plane, à droite vu de l’espace, avec la même échelle de couleurs pour les altitudes. [Source : Encyclopédie de l'Environnement, article Le milieu marin]
La circulation des eaux dans l’océan Atlantique
Venant du nord ou du sud suivant l’hémisphère, les vents alizés soufflent vers l’équateur et leur convergence, déviée vers l’ouest par la force de Coriolis, engendre le courant d’est équatorial, très régulier. Dans l’océan Atlantique Nord, ce vent d’est pousse les eaux de surface du Cap Vert vers la Floride. En s’opposant à la poursuite de leur parcours vers l’ouest cet obstacle engendre une élévation locale du niveau de la mer et une surpression suffisante pour repousser ce courant vers l’est, mais en conservant la quantité de mouvement acquise vers le nord. Ainsi se forme le Gulf Stream (chiffre 1 sur la figure suivante).
Figure 4. Schéma général de la circulation océanique, où les chiffres correspondent aux commentaires du texte principal. [Source : Encyclopédie de l'Environnement, article La lente et puissante circulation océanique]
Les eaux du Gulf Stream sont ainsi repoussées vers l’Europe, à des latitudes où les alizés n’existent plus et ne peuvent donc pas s’y opposer. Encore assez chaudes et légères elles s’approchent ainsi de l’Espagne, de la France et de la Grande-Bretagne (chiffre 2), tout en réchauffant les couches d’air qui les accompagnent, et qui circulent en moyenne aussi vers l’est à des vitesses bien plus grandes. Ce vent dominant venant de l’ouest, qui peut être assez fort et assez instable, est une bordure du jet stream polaire qui circule en haute altitude (Lire La circulation atmosphérique). Les côtes du nord de l’Europe constituent un nouvel obstacle infranchissable et détournent les eaux du Gulf Stream, maintenant vers l’ouest, toujours avec une composante vers le nord, de sorte que ce courant marin se dirige vers l’Islande et le Groenland (chiffre 3).
Tout au long de cette étape dans l’Atlantique Nord, de l’équateur vers le Groenland, l’évaporation accroit progressivement la salinité et la température diminue. Ensemble, ces deux effets contribuent à accroître la densité de ces eaux, au point de provoquer leur plongée en profondeur. Ainsi disparaît le courant de surface, pour se prolonger dans les profondeurs par un courant froid et lourd.
En raison de la faible profondeur de l’océan Arctique ce courant marin ne peut que revenir vers le Sud (chiffre 4) en demeurant assez bien canalisé dans les fosses abyssales. Arrivé dans l’hémisphère sud où l’océan Atlantique s’élargit, il n’échappe pas à la force de Coriolis qui impose son détournement vers l’Est, c’est à dire vers l’Afrique. C’est donc la rotation de la Terre, modélisée par la force de Coriolis, qui impose à ce courant de contourner le continent africain et non pas le continent américain. Le prochain obstacle sur ce trajet est le continent Antarctique qui impose à cette boucle profonde de le contourner d’Ouest en Est (chiffre 5).
Que se passe-t-il après ce retour au sud ?
À l’Est de l’Afrique le courant marin froid et salé, donc lourd et profond, se voit offrir trois possibilités : l’océan Indien vers le nord, l’océan Pacifique aussi vers le nord mais plus à l’aval, et une poursuite de son trajet vers l’est en contournant le continent Antarctique. Mis à part la boucle qui contourne l’Antarctique en profondeur, connue sous le nom de Grande Dérive d’Ouest, un premier embranchement dirige une partie du débit, le Courant du Mozambique (chiffre 6), vers Madagascar, puis vers la péninsule indienne (chiffre 7), nouvel obstacle infranchissable. À ces latitudes tropicales les eaux se réchauffent, deviennent plus légères, remontent au voisinage de la surface libre et n’ont pas d’autre possibilité que de reprendre une trajectoire dirigée vers le sud et déviée vers la droite, c’est à dire vers l’ouest, puisque ce courant est arrivé dans l’hémisphère nord.
La troisième partie de ce courant marin profond contourne l’Australie par l’est dans l’océan Pacifique (chiffre 8). Progressivement réchauffé lors de son passage dans les régions tropicales et tempérées, ce courant remonte en surface (chiffre 9) puis rencontre lui aussi un obstacle infranchissable, le Nord Est de la Sibérie et l’Alaska, à peine séparés par le détroit de Behring. Ce débit s’oriente alors vers le Sud avec une déviation vers l’ouest. Au sud de l’équateur, ce courant subit le changement de signe de la force de Coriolis qui provoque le détournement vers l’est d’une partie de son débit (chiffre 10). Ceci constitue le courant de surface encerclant complètement le continent Antarctique. La partie complémentaire du débit en provenance des régions nordiques de l’océan Pacifique rejoint la fraction qui a circulé dans l’océan Indien, et ces courants regroupés (chiffre 11) s’orientent vers l’ouest au sud de l’Afrique et rejoignent la boucle qui fait le tour de l’Antarctique au sud de l’Atlantique (chiffre 12). Ensemble ils sont aspirés par le frottement des vents alizés et par le courant d’est équatorial.
Quelques chiffres du passé et du présent
L’une des données les plus impressionnante est sans doute la durée totale du circuit, de l’ordre de 1600 ans, qui explique le rôle stabilisateur des océans dans les changements climatiques. Les vitesses les plus élevées sont de l’ordre de 10 km/h, mais cette valeur surestime beaucoup la vitesse moyenne, inférieure à 1 km/h. Quant au niveau des mers, très dépendant du climat, rappelons qu’il se trouvait à 120 m au-dessous du niveau actuel lors de la dernière glaciation, il y a 20 000 ans. Le réchauffement actuel se traduit par une élévation de ce niveau d’environ 4 mm/an.
À côté de ces données physiques, n’oublions pas que les océans furent le berceau de la vie il y a près de 4 milliards d’années. Pendant presque 3 milliards d’années ils sont demeurés l’unique milieu terrestre où la vie amorçait son évolution, avant que certaines espèces parviennent à oxygéner l’atmosphère, il y a environ 2,5 milliards d’années, puis que d’autres passent sur les terres émergées et trouvent là les conditions d’un nouveau développement (Lire La Biosphère, un acteur géologique majeur).
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Ce texte est tiré de plusieurs articles publiés dans encyclopedie-environnement.org, principalement les cinq suivants :
- Le milieu marin de René Moreau, Professeur émérite à Grenoble INP
- Les Marées de Joël Sommeria, Directeur de recherche au CNRS, LEGI, Grenoble
- La lente et puissante circulation océanique, de René Moreau, Professeur émérite à Grenoble INP
- La Biosphère, un acteur géologique majeur, de Pierre Thomas, Professeur à L’École normale supérieure de Lyon, Laboratoire de géologie
- La circulation atmosphérique de René Moreau, Professeur émérite à Grenoble INP
Ce travail a été réalisé grâce au soutien financier d' UGA Éditions dans le cadre du programme "Investissement d'avenir", et de la Région Auvergne Rhône-Alpes.
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