Le Bien Vivre : un récit collectif à bâtir ensemble
Publié par Vincent Rauzier, le 17 octobre 2018 2k
Le Bien Vivre est un cap qui se veut universel. Pour en faire un cap commun, il est important de le définir. Qui est légitime pour cela ? Le forum a confirmé l’importance de l’expertise citoyenne, articulée avec l'expertise scientifique et politique.
À la croisée des expertises scientifiques et citoyennes
La capacité à définir et à mesurer a été longtemps dévolue aux seul·e·s expert·e·s scientifiques. Or, cette exclusivité a empêché le débat contradictoire, et, avec lui, l’enrichissement et l’appropriation des idées. « L'acceptation de la transversalité des savoirs est en route, ainsi que la coresponsabilité pour le Bien Vivre. (...) Il faut développer encore plus des recherches participatives autour des données issues de l'expertise académique, et des espaces de transition pour échanger, écouter et débattre » (Claudine Offredi, chercheure, France).
Un point de débat demeure : quelle doit être la place effective des citoyen.ne.s dans le processus de construction d'un indicateur ? Doivent-ils être consulté·e·s en amont pour co-constuire les cibles et les critères orientant la mesure, ou associé·e·s y compris dans la construction technique des indicateurs ? Cette dernière option leur permettrait d’être vigilants sur tous les micros-choix techniques qui peuvent masquer des pré-supposés politiques. Une chose est sûre : la « boîte noire » des indicateurs – celle qui donnerait magiquement la direction à suivre - ne peut plus exister.
Partager le pouvoir de penser et d’agir : une condition du bien vivre
« Tout changement profond viendra de la société civile, à l'échelle mondiale » (Sylvie Bukhari-de Pontual, Présidente du CCFD-Terre Solidaire, France). La fabrication collective des indicateurs n’est qu’un révélateur - mais un révélateur puissant - du partage du pouvoir (de penser et d’agir). « Les citoyens sont invités à prendre part aux débats sur des sujets qui les concernent. L'objectif est de ne pas dissocier ceux qui vont produire les chiffres de ceux qui vont les utiliser » (Florence Jany-Catrice, économiste, France).
Avec les plus pauvres et les marginaux
« Il faut porter attention à ceux qui sont mis à la marge de nos standards collectifs » (Vivian Labrie, chercheure, Québec-Canada). Face aux inégalités croissantes, la société québécoise a défini, avec les plus pauvres, un plancher social pour la couverture des besoins de base de tout un chacun. Le revenu n'est qu'une dimension de ce plancher social, qui intègre également la solidarité publique ou privée, les réseaux et communautés, ou encore toutes les richesses non monétaires. « Pour lutter contre la misère, il faut d'abord rencontrer ceux qui la vivent et cheminer avec eux » (Xavier Godinot, ATD quart monde, France).
Un accord entre « je » et « nous »
« On a souvent l'idée que le bien-être individuel s'oppose au bien-être collectif. La petite révolution à faire est de dire que bien-être individuel et bien-être collectif vont ensemble et sont complémentaires » (Elena Lasida, économiste, France). Cela en appelle à un changement de représentations. « Si on pense que le problème vient des autres, on est dans une stratégie de condamnation : les autres ont tort, et nous détenons la vérité » (Jacques Lecomte, psychologue, France). Faisant référence à Nelson Mandela, Jacques Lecomte appelle à "faire de ses adversaires des alliés". Cet appel exigeant, qui incite à sortir d’un « entre soi », est la condition du changement d’échelle.
Journaliste : Julie Fontana &; Comité de pilotage du Forum.
Toutes les photographies d'illustration : © Ville de Grenoble