La Fabrique du Rêve Lucide : chapitre 2
Publié par Aurelien Conil, le 23 janvier 2017 4k
"Créer, comme une ouverture vers d'autres horizons".
Dans la Fabrique du Rêve Lucide, je parlerai musique, DIY et éducation.
Je partage cet article "The 13 best affordable, pocket-sized, hackable, off-the-wall synthesizers" qui offre une belle liste du marché existant autour du monde "commercial" des synthétiseurs portables et "fun".
On se rend compte que le temps du synthétiseur modulaire est révolu.
Et honnêtement, c'est peut-être bien dans un sens...
Pourtant, il y avait de très bonnes idées derrière ce plat à spaghettis multicolores : tout d'abord la possibilité pour des non musiciens de créer de la musique, créer du son, composer, arranger, et réveiller un potentiel créateur qui sommeille en chacun de nous. Ensuite, il y avait la découverte d'une manière ludique et sonore de la "logique modulaire"... mais j'y reviendrai plus tard. Certes, plus besoin d’apprendre le solfège pour écrire la musique, mais autant être bien préparé en trigonométrie, ne pas avoir peur de milliers de boutons sous les yeux, des sigles et acronymes étranges.
Alors oui, il est toujours possible de passer par l’approche “expérimentale”, dans laquelle on branche tout dans tous les sens et on regarde ce qu’il se passe sans forcément comprendre. Ça marche, mais faut-il toujours passer le cap de l’imposante installation électrique de fils et d’acronymes. La musique n’était plus seulement ouverte aux musiciens, mais aussi aux geeks… OK, mais peut-on faire mieux ? Parmi la liste des "synthé funs" de mon premier lien, se trouve le synthé OP-1 de Teenage Engineering, dans lequel j'approuve complètement la démarche de "casser" les codes, les sigles. Franchement un synthétiseur vache... c'est génial.
Étant moi-même musicien, violoniste et adepte du “bricolage maison” (le fameux Do It Yourself), curieux de l’électronique, utilisateur de logiciels pour composer de la musique, je me suis très vite intéressé à ce qu’offrait le monde du “bricolage maison” pour la musique. Même s'il est très dur de catégoriser tellement tout est relié, j'ai essayé de faire ressortir 3 branches principales :
- Le monde des guitares électriques, pédales d'effets, guitares DIY
- Le monde du 8 bits, musique expérimentale, jouets hackés, noise, drones
- Le monde des contrôleurs midi, ces boîtiers de contrôle pour commander des logiciels sur ordinateur.
Il est bien difficile d’imaginer ces 3 mondes communiquer, de part les styles de musique qui les différencient, mais surtout les philosophies qui les séparent. Le monde des guitares électriques s’identifie au rock, à la musique live. Souvent adeptes de grandes marques qui ont marqué l’industrie de la guitare (Fender, wah), créer ses propres pédales d’effets, c’est déjà oser !
Le monde de la musique expérimentale, est quant à lui, beaucoup plus ouvert sur le DIY. Il est peut être même placé à la base du concept, influencé par la culture punk, bidouille, zéro budget. Ici on crée tout de A à Z : les instruments, la mélodie, la composition, le système de diffusion… tout. Ici on ne joue pas trop avec des musiciens traditionnels, on ne se mélange pas trop, et les infos existent mais sont souvent dures à partager. Ici, on est expérimental ! Autant déjà s’y connaitre pour apprendre… logique quoi. Pour ceux qui bravent le passage aux logiciels, on ne parle ici que de logiciels libres. PureData, le logiciel utilisé pour la Fabrique du Rêve Lucide, a beaucoup été utilisé dans ce contexte.
Enfin, le monde des contrôleurs midi, est un monde clairement identifié à la musique par logiciel audio. Ici, on ne parle plus de logiciels libres, mais de monstres audio, comme Traktor, Ableton Live, Maschine… Et il y a une idée que j’aime beaucoup derrière ce principe, celui de retrouver un goût pour le tangible… ce qui se touche sur le bout des doigts. Certes, on a remplacé tables de mixage, synthétiseurs modulaires, autres câblasses et rack d’effets par des logiciels propres et jolis … et c’est vraiment pratique sur plein d’aspects … mais le bon vieux temps nous manque, où l’on pouvait faire nos réglages avec le toucher précis du fader.
Je suis né après ce “bon vieux temps”, et c’est plutôt par ces logiciels reprenant le look des anciens câblages que j’ai découvert le monde des synthétiseurs, de la musique électronique d’une manière générale. Et pourtant j’attache un goût certain à l’aspect tangible, au toucher, à la manipulation directe … à minimiser l’utilisation de l’écran et de la souris alors que je joue de la musique. Ce n’est pas de la nostalgie, c’est tout simplement agréable, pratique et efficace.
Les fabricants de logiciels audio l’ont bien compris, et on assiste aujourd’hui à des produits qui sont des duos “logiciel+machine” : Maschines , AbeltonLive + Push, Arturia.
C’est pratique, le matériel est 100% compatible, fonctionne directement. Pour les fabricants, c’est jackpot, on vend 2 fois plus de produits, et l’idée pour l’utilisateur de cracker le logiciel devient moins attractive lorsqu’on n’a pas la super machine pour contrôler le tout. Les logiciels sont bien, même moi qui suis partisan du libre, sans Ableton Live, je ne serais pas ici à écrire un blog … c’est une vérité. Mais Ableton, Cubase, Reason, sont des logiciels compliqués … compliqués et chers. Pour un rapide ordre d’idées, Ableton Live + Push, c’est 1000 euros en version Standard, et sans lancer le débat pour savoir si le prix est justifié, ce n’est pas le genre de chose que l’on achète pour essayer. On l’achète, on sait que c’est compliqué à utiliser, et on est même heureux à l’idée de passer des heures à lire des tutoriaux, en rêvant déjà de toute la complexité de ce que l’on pourra composer.
Existe-t-il une place aujourd’hui pour les curieux de la musique, curieux du bricolage, qui souhaitent s’ouvrir à la musique électronique, ou du moins au potentiel que peut offrir les outils numériques pour la musique . Sans être informaticien, sans être ingénieur du son, sans être expert en électronique : juste curieux . Un logiciel libre simple d’utilisation, des boitiers tangibles fonctionnant en “duo” avec le logiciel, une volonté d’ouvrir les outils, les pratiques, les styles, le “genre d’utilisateurs”... suite au prochain épisode.