La Boutique des Sciences de l’Université de Lyon : un dispositif d’entrée dans la recherche participative

Publié par Panos Tsimpoukis, le 16 février 2021   1.5k

La recherche participative, vous en avez sûrement déjà entendu parler ! Cette approche connaît en effet un regain d’intérêt aujourd’hui. Et ce n’est pas sans raison... Elle fait le lien entre le milieu de la recherche et la société civile. C’est une forme de production de connaissances scientifiques auxquels des acteurs non scientifiques peuvent participer de manière active, délibérée et à différents degrés d’implication.

Comment ça fonctionne ?

Pour se plonger dans les coulisses des sciences participatives, revenons sur un exemple éloquent. En octobre 2020, une étude menée par l'Université d’Oxford et ATD Quart Monde, est publiée au sein de la revue scientifique World Development. Elle vise à déterminer les différentes dimensions de la pauvreté dans six pays différents. Les chercheurs s’affranchissent des statistiques annoncées par les institutions et donnent la parole aux personnes précaires, aux scientifiques et aux assistants sociaux pour qu’ils décrivent eux-mêmes les facettes de la pauvreté comme ils la perçoivent. A travers une méthode concrète conçue par les chercheurs, les résultats sont tirés de recherches menées au niveau local, qui sont ensuite combinées au niveau national, et finalement au niveau international. Le résultat est surprenant. Tandis que les rapports des institutions tendent à mesurer trois dimensions de la pauvreté, cette étude, par le biais de sa méthode innovante, en a décrit et mesuré neuf au total.

Mais quels sont les différentes formes que peut prendre la recherche participative ? Commençons par le Crowdsourcing qui permet le recueil d’informations en faisant participer les  citoyens à de la collecte de données. Cette étape est accessible à tous, que vous soyez en vacances sur le littoral, sur votre balcon ou dans votre jardin, vous pouvez y  contribuer ! Un second type est appelé l’Intelligence partagée. Dans ce cas de figure, les participants peuvent s'initier à l’interprétation basique de données. Ce dispositif peut être compléter par de la Recherche collaborative, qui permet aux citoyens de collaborer avec des scientifiques. Ils peuvent ainsi définir ensemble des problématiques, organiser de la collecte de données,  participer aux analyses et aux interprétations de ces données et diffuser les résultats. Enfin, pour les plus téméraires, la Recherche collégiale permet de mettre les citoyens et les scientifiques sur un pied d’égalité. La même responsabilité sera donc accordée aux deux parties sur un projet commun. Autant de choix pour satisfaire et enrichir chacun de nous !

 Et oui, mélanger des expériences, qui sont des savoir-faire dit “chauds”, avec des savoirs théoriques, basés sur des méthodes scientifiques, dits “froids”, c’est possible ! Cette alliance de différents types de connaissances féconde des résultats qui n’auraient pas vu le jour dans un cadre scientifique classique.

L'élaboration d’un projet participatif

Hélène Chauveau, docteure en géographie à l’Université de Lyon et chargée de projets à la Boutique des Sciences de Lyon, explique que les citoyens, dont les non-scientifiques, peuvent tout à fait participer à une étude menée par des équipes de recherche. “Ce n’est pas parce que c’est participatif qu’il faut moins de rigueur scientifique, au contraire. Il faut appliquer des méthodologies strictes", expose-t-elle lors du séminaire de recherche “Sciences, société, communication” organisé à la MSH-Alpes, par l’Université de Grenoble.

Depuis 2014, la Boutique des sciences de Lyon accompagne chaque année une dizaine de projets, connectant milieu de la recherche et société civile. Dans un premier temps, la Boutique des Sciences lance un appel à projets : un comité scientifique, composé de chercheurs, choisit des sujets en fonction de la demande des citoyens. Dans un second temps, la Boutique des Sciences recrute en stage des étudiants de niveau Master 2 issu.e.s de différentes filières concernées. Les étudiants co-construisent avec leur tuteur universitaire et leur tuteur issu de la société civile (représentant associatif) le projet de recherche. Ces étudiants sont ensuite chargés de faire une recherche approfondie sur la thématique choisie à travers des recherches bibliographiques ainsi que des recherches sur le terrain (entretiens, observations, recueil des données). Les résultats sont exposés dans le mémoire de recherche des étudiants, qui constitue une expertise à diffuser à l’association à l’origine du projet et en libre accès à tous les citoyens. Hélène Chaveau témoigne de l’engouement pour ce mode de recherche : “Nous recevons une trentaine de demandes par an, ce dispositif correspond donc à un réel besoin sociétal”.

Ces projets, qui sont principalement financés par des fonds issus de l’Union Européenne, ont un grand impact sur toutes les parties prenantes. Selon une enquête menée par la Boutique des Sciences de Lyon, une majorité des structures interrogées estiment que leur travail accompagné par la Boutique des Sciences a permis de valoriser les connaissances et savoir-faire qui préexistaient dans l’association et que cette expérience de collaboration a permis de croiser les savoirs universitaires et les savoirs de terrain. Un exemple qui illustre cette collaboration fructueuse est le cas d’Ocivelo, une association d'usagers du vélo à Saint-Etienne, dont le projet a été sélectionné par la Boutique des Sciences afin de mener une étude sur la pratique du vélo en ville. Ce travail, une fois restitué à permis que cette association établisse une coopération avec la mairie de Saint Etienne afin de dessiner des pistes cyclables dans la ville.

Image des sciences participatives

Si les recherches participatives sont fructueuses, les éditeurs scientifiques ne sont pas toujours prêts à accepter les travaux produits par ce type de recherche. Ainsi, même si parmi les auteurs, on retrouve des experts certifiés dans leur domaine, la participation des citoyens pose un problème de légitimation du travail final. Or, certains sociologues des sciences ont démontré que les citoyens peuvent avoir une expertise qui découle de leur interaction constante avec le terrain et qui, même si elle n’est pas certifiée, peut contribuer d’une manière très féconde à la production des connaissances scientifiques. 

L’étude d’impact qu’a réalisé Hélène Chaveau sur la Boutique des Sciences de Lyon, montre que les structures qui participent à cette recherche collaborative avaient majoritairement changé leur rapport à la production de savoirs et s’étaient construit un nouvel esprit critique. Du côté des étudiants qui participent, la satisfaction est globale, avec l’apport d’une vision neuve sur les liens entre recherche et société, ainsi que le développement d’un réseau et d’une meilleure compréhension du milieu associatif.  

Les sciences participatives semblent alors, tout en respectant l’ethos de la science, proposer un moyen de collaborer, avec différents types de savoirs, à la production de nouvelles connaissances scientifiques. Une démarche donc, qui vient à renouveler, sinon à questionner, les pratiques de l’ordre scientifique établi.

Si vous êtes intéressés, n'hésitez pas ! Vous pouvez trouver une Boutique des Sciences à Lyon, à Montpellier ou à Lille.


Article rédigé par: Morgane Thaillandier, Emma Duboc et Panos Tsimboukis

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