L’électricité d’origine éolienne: enjeux et impacts

Publié par Encyclopédie Environnement, le 7 février 2022   2.8k

1. Connait-on le gisement éolien ?

  À toutes les échelles - régionales, nationales et mondiales - cette ressource naturelle est connue avec une bonne précision. Les mesures effectuées par les satellites, par les stations météorologiques et à partir de mâts de référence des parcs éoliens, ont été complétées par des modélisations numériques. Désormais, grâce à la coopération de nombreux établissements publics et privés qui échangent leurs données de façon très constructive, ces mesures permettent de reconstituer l’écoulement du vent en trois dimensions. Ceci aboutit à une bonne connaissance du gisement éolien en milieu terrestre et en mer sous forme de chroniques de vent accumulées dans une banque de données d’excellente qualité.

La France bénéficie du deuxième gisement éolien le plus important d’Europe, après le Royaume-Uni). Les zones les plus régulièrement et fortement ventées sont : la façade ouest du pays (de la Vendée au Pas-de-Calais), la vallée du Rhône et la côte languedocienne. Mais les régimes des vents sont différents dans ces trois secteurs, ce qui les rend complémentaires les uns des autres. Les vitesses typiques des vents à 50 m au-dessus du sol dans ces trois zones vont de 5 m/s en rase campagne à 11 m sur les crêtes des collines.

Figure 1. Production d’électricité d’origine renouvelable dans le monde [d’après Our world in data – « Renewable Energy Generation, world »]

  En 2019, l’exploitation du gisement éolien contribuait à la consommation mondiale d’électricité à hauteur de 5,9% et demeurait la deuxième source d’électricité renouvelable après l’hydroélectricité. Aujourd’hui, l’éolien devance toujours la production d’électricité d’origine solaire qui bénéficie d’une dynamique plus soutenue.

 

2. Des aérogénérateurs aux parcs éoliens

Les premières éoliennes à axe horizontal sont apparues dès la fin du 19e siècle. Mais c’est à partir des années 1970 que les constructeurs de ces machines, soutenus par la demande de plusieurs pays désireux de valoriser l’énergie du vent, ont mis en œuvre des budgets de R&D importants qui ont débouché sur les aérogénérateurs modernes. Ce sont des machines sophistiquées, fabriquées en série, comportant trois pales face au vent fixées sur un rotor d’axe horizontal, lui-même placé en haut d’un mât vertical. Cette technologie d’origine danoise s’est imposée dans tous les pays ; elle s’applique aujourd’hui aussi bien aux aérogénérateurs installés en milieu terrestre qu’à ceux construits en mer.

Grâce à un retour d’expérience international d’une cinquantaine d’années, les choix retenus au plan mondial pour mettre en valeur et exploiter l’énergie éolienne ont imposé de grouper les aérogénérateurs dans des ensembles souvent appelés parcs éoliens, dont la puissance va de quelques MW à plusieurs centaines de MW. Ces sites de production sont raccordés au réseau public de distribution d’électricité auquel ils livrent la totalité de l’énergie produite, déduction faite des pertes dans le réseau interne au parc éolien.

 

Figure 2. Vue éclatée de la nacelle VESTAS – V90 – 2MW [d’après https://www.encyclopedie-environnement.org/air/gisement-eolien-production-electricite/]

  La puissance moyenne des aérogénérateurs installés en 2019 dans le monde atteignait 2,75 MW à comparer à 1,5 MW dix ans plus tôt. Pour obtenir cette puissance, le diamètre du rotor des aérogénérateurs commercialisés à l’heure actuelle est compris entre 110 et 125 m selon les modèles. Grâce à la productivité de ces machines, la densité de puissance électrique installée peut dépasser aujourd’hui 20 MW/km2 du territoire neutralisé par les aérogénérateurs.

Figure 3. Évolution des dimensions et de la puissance nominale des aérogénérateurs ENERCON commercialisés pour les sites terrestres depuis 1984 [Source : © ENERCON GmbH]

  Le rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA Wind TCP Annual Report 2019) fournit le classement ci-dessous des pays les mieux équipés en fonction, notamment, de la puissance moyenne des aérogénérateurs installés à fin 2019 et de la densité de puissance installée rapportée à la surface des pays, ce qui caractérise la pression de la production d’électricité éolienne sur les territoires.  

top pays densité puissance électrique éolienne

 

3. Contraintes et production d’un parc éolien

La construction de chaque aérogénérateur nécessite l’assemblage de plusieurs composants. Les principaux sont : la fondation, pratiquement toujours gravitaire pour les sites éoliens terrestres, le mât, la nacelle et le rotor sur lequel viennent s’articuler les trois pales. En plus de la fabrication en atelier des composants des aérogénérateurs et de leur transport exceptionnel vers le site, l’aménagement des parcs éoliens requiert la réalisation de travaux publics importants pour les infrastructures, la voirie et les réseaux d’eau, d’électricité et de télécommunications internes au parc.

Au terme de la durée de vie des équipements et de la période d’exploitation, c’est à dire après une période d’exploitation de 20 à 25 ans dans la grande majorité des cas, le maître d’ouvrage a le devoir de remettre en état le site. Cette phase de déconstruction du parc appelle à nouveau la réalisation de travaux importants de démantèlement, de tri des matières premières, de découpage de composants, de remise en état du site.


Figure 4. Mix électrique global à l’horizon 2050 [d’après A global Energy Transformation paper 2019, © International Renewable Energy Agency]

  L’énergie grise ainsi absorbée par un parc éolien diffère selon qu’il s’agit de parcs terrestres ou marins. Concernant la production terrestre, la mieux connue en raison de son antériorité, les études convergent vers un temps de retour de l’énergie grise équivalent à 12 mois de production du parc éolien. Dans ces conditions, l’empreinte carbone du kWh éolien est comprise entre 20 et 30 grammes de CO2/kWh. En 2020, elle était nettement inférieure au taux d’émission moyen pondéré - proche de 80 grammes d’équivalent CO2/kWh - pour l’ensemble du système de production d’électricité français, qui est pourtant l’un des moins carbonés des pays de l’Union Européenne en raison du poids de l’énergie nucléaire.

Chaque année, l’énergie éolienne disponible à proximité de la surface terrestre, renouvelable et exempte de carbone, produit entre 1 700 et 2 200 MWh d’électricité par tranche d’un MW installé. En France, le coût de production moyen actualisé de cette électricité d’origine éolienne est compris entre 70 et 80 €/MWh. Par ailleurs, cette énergie contribue à la réduction des émissions de carbone dans la plupart des mix électriques qui présentent généralement une empreinte carbone plus élevée du fait de l’exploitation complémentaire de ressources fossiles.



4. Quelques mots sur les impacts des parcs éoliens

Commençons par une liste des impacts négatifs mis en avant par les opposants au développement de ces parcs, souvent exprimés dans les media :

  • Impacts sur les paysages : modification de la perspective du territoire et du patrimoine environnemental, notamment s’il est riche de sites et monuments emblématiques,
  • Impacts sur l’occupation des sols, l’habitat, les zones commerciales ou industrielles, les activités touristiques s’il en existe,
  • Impacts sur l’hydrologie du site du fait des opérations de défrichage et décaissement des terres, voies d’accès, pistes ou routes goudronnées internes au parc éolien, VRD, fondations gravitaires,
  • Impacts sur la faune : insectes, animaux vivant en surface ou sous terre, oiseaux nicheurs et migrateurs, chiroptères, amphibiens,
  • Impacts sur les émissions sonores, sur la transmission des ondes hertziennes et sur les échos radars du fait de la rotation des pales de grandes dimensions.

Et ajoutons les impacts positifs liés à la création de valeur à la fois pour le maître d’ouvrage et pour la collectivité, en complément à production d’électricité dans le contexte actuel de réduction de l’utilisation des énergies fossiles carbonées :

  • Progrès des connaissances induits par la réalisation d’études et d’ingénierie complexes, de travaux d’infrastructures et de génie-civil (fondations) à forte valeur ajoutée,
  • Création de 2 à 3 emplois à temps plein par tranche de 20 MW pour l’exploitation et la maintenance d’un parc éolien terrestre,
  • En complément à l’électricité produite, les parcs éoliens génèrent une importante activité industrielle sur le long terme, un chiffre d’affaires significatif et pérenne, ainsi qu’une importante valeur ajoutée.


5. Quelles perspectives ?

Dans les mix électriques envisagés à l’horizon 2050, la contribution de l’énergie éolienne occupe une part importante. Sur la base d’une production annuelle d’électricité de l’ordre de 6 000 à 8 000 TWh, elle pourrait dépasser celle de l’hydroélectricité et assurer plus du quart de la production mondiale d’électricité. Toutefois, les impacts sur l’environnement, sur les riverains, sur les activités humaines, sur l’économie locale et sur l’équilibre du système électrique lui-même, pourraient amener certains pays à limiter le développement des parcs éoliens.


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Ce texte est tiré des articles Du gisement éolien à la production d’électricité et Impacts de la production d’électricité éolienne. Quel bilan en 2020 ? Quelles perspectives ?de Guy Beslin, ancien directeur technique & achats industriels ENGIE (ex-GDF SUEZ), Production d’Électricité France, Direction des Énergies Renouvelables, publiés dans encyclopedie-environnement.org.

Ce travail a été réalisé grâce au soutien financier d' UGA Éditions dans le cadre du programme "Investissement d'avenir", et de la Région Auvergne Rhône-Alpes.