Les effets des jeux vidéo sur la santé durant le confinement

Publié par Lucie Perier-Camby, le 30 mars 2021   19k

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Les jeux vidéo ont un fort impact sur notre santé, et en particulier sur notre cerveau. De nombreuses personnes conçoivent les jeux vidéo comme néfastes, pouvant entraîner de la violence, le surpoids, l’échec scolaire et bien d’autres mauvaises conséquences. Hors, durant le premier confinement, la pratique des jeux vidéo augmente significativement, « avec 53% de joueurs pendant le confinement, contre 44% en 2018 », selon l’étude Pratiques culturelles en temps de confinement , parue le 13 décembre 2020. Cette augmentation questionne les jeux vidéo et entraîne une remise en question de leurs effets négatifs suite aux bénéfices de cette pratique durant le confinement.
Nous sommes trois étudiantes en DUT Information-Communication à l’IUT2 de Grenoble. Dans cet article, nous abordons les effets positifs et négatifs des jeux vidéo, à travers leur utilisation considérable lors du confinement du 17 mars au 11 mai.
Lors de la rédaction de cet article nous avons pu discuter des différents sujets abordés avec Simon Chupin, doctorant en histoire au laboratoire LARHRA. Il nous a partagé ses expériences personnelles ainsi que son savoir.


1) L’Impact des Jeux Vidéos durant le Confinement sur la Santé

Les jeux vidéos : une solution pour sociabiliser

Le confinement a engendré un isolement généralisé chez la population. Beaucoup de personnes n’ont pas pu côtoyer des personnes comme d'habitude. Pour résoudre le manque de socialisation et de contact, de nombreuses personnes se sont tournées vers les jeux vidéo, notamment ceux multi-joueurs. On peut citer le jeu de Nintendo, Animal Crossing, dont le dernier opus est sorti, sur la Nintendo Switch, en mars 2020, pendant le confinement. Ses ventes ont explosé dès sa sortie. Sur leurs îles, les joueurs parlent avec les habitants, cueillent des fruits, partent à la chasse au fossile et décorent leurs îles. La possibilité de faire visiter l'île à leurs amis a permis de créer une simulation de vie en communauté.
Les jeux gratuits sur navigateur, sur ordinateur ou téléphone, ont eu un impact important aussi, notamment dû à leur accessibilité. Selon Simon Chupin, les jeux où l’échange et la communication sont au centre du Game Play, comme les jeux de rôle, sont revenus à la mode. On a pu voir une “mise en lumière” de la version en ligne de jeux de société comme le Loup-garou de Thiercelieux ou le Uno par exemple. Via ces jeux, on peut jouer avec ses amis ou des inconnus et faire de nouvelles rencontres.
Il y a aussi beaucoup de mini-jeux possibles aussi, comme scribbl.io ou Gartic Phone qui est un jeu de dessin et de devinette à faire en amis qui reprend le principe du jeu Pictionary.
Pour jouer avec d'autres personnes, surtout dans des jeux multi-joueurs, des applications de discussions vocales sont souvent utilisées. L’un des plus connus est Discord, très utilisé dans le monde du jeu vidéo.
L'expansion de ce type de jeux montre clairement un besoin de socialiser même si l’on ne rencontre personne en face à face.

Nintendo Switch - Animal Crossing
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Selon une étude de “Parents Together”, 85% des parents s’inquiétaient du temps que leurs enfants consacraient aux jeux vidéo. Cependant les jeux vidéo, comme de nombreuses autres activités, ne sont pas néfastes tant que l’on ne tombe pas dans les excès...
Pour répondre à certaines inquiétudes ressenties par des parents, Simon Chupin conseille aux parents de jouer avec leurs enfants aux jeux vidéo ou quelle que soit leurs activités. Afin de les comprendre et comprendre leurs attrait envers cette activité


Leur effet néfaste sur notre sommeil...

Le sommeil peut être affecté par diverses activités comme les jeux vidéo. Les adolescents sont l’un des plus grands consommateurs de jeux vidéo et, s'ils les jouent avant de se coucher, ce qui peut conduire à la libération de certains neurotransmetteurs qui peuvent, à son tour, réduire l’efficacité du sommeil. Avec le confinement, le sommeil a été impacté par l’augmentation de la pratique des jeux vidéos.

On peut mettre en avant aussi, que jouer aux jeux vidéo est une activité où l’on est forcément actif et qui demande une certaine concentration. “Avec les jeux vidéo, il n’y a pas de demi-mesure, soit on y joue, soit on arrête. Contrairement au fait de regarder un film, on ne peut pas juste laisser tourner en fond” selon Simon Chupin.

Joueur nocturne
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Aimez-vous vous asseoir pendant quelques heures avant d’aller au lit avec votre jeu préféré? Si oui, les chercheurs australiens ont de mauvaises nouvelles pour vous. Les professeurs de l’Université Flinders ont constaté lors d'une étude, que les jeux vidéo ont un effet négatif sur le sommeil.

L’étude, qui s’est déroulée en deux jours, a impliqué 17 adolescents. Avant de se coucher, ils ont joué à des jeux vidéo pendant 50 ou 150 minutes, puis ils ont installé des appareils spéciaux pour surveiller le sommeil des participants et enregistré divers paramètres des phases de sommeil. Les résultats ont été décevants. Ceux qui ont joué 150 minutes pendant l’heure du coucher ont été incapables de s’endormir en moyenne pendant environ 39 minutes, et leur temps de sommeil total a été réduit d’environ 27 minutes. 
Mais le pire de tout, la phase de sommeil qui permet au cerveau d'assimiler et traite habituellement les informations reçues pendant la journée, a été réduite de 12 minutes.  Cette phase est particulièrement importante pour les étudiants et leurs études, surtout quand les étudiants ont besoin de se concentrer plus pendant leurs cours en distanciel.

Et leur incidence sur le manque d’activité sportive

Durant le confinement, nos déplacements étaient limités à une sortie d’une heure par jour. Comme on peut s’en douter, la pratique du jeu vidéo, en général, ne permet pas de réaliser l’activité physique nécessaire à notre santé. Selon l’article Confinement : les effets de l’absence d’activité physique sur la santé mentale publié par le journal Le Point, les français ont passé “plus de 7 heures par jour assis”. Hors, ce manque de sport engendre des effets négatifs sur la santé physique mais aussi sur la santé mentale comme des états dépressifs chez beaucoup de personnes. Pour lutter contre ces effets négatifs, il existe de nombreux jeux vidéos qui permettent de bouger: Justdance, Wii-sport, Ringfit. Mais sont-ils réellement suffisants pour contrebalancer la sédentarité physique ?

Une initiative dans ce but a par ailleurs été lancée par Adrien Husson, qui a eu donc l’idée de créer Hitbox, un sac de boxe interactif, qui allie jeux vidéos et sport. La pratique de la boxe grâce au jeu permet de bouger tout en ayant un suivi de progression. Hitbox utilise un jeu de couleurs qui indiquent là où il faut frapper, ce qui donne un aspect ludique, amusant, et qui permet en plus un apprentissage intellectuel...
Cette invention est donc très pertinente pour lutter contre l'obésité, cependant, on peut douter de son accessibilité, car les coûts pour acheter ce matériel sont sûrement assez élevés.

A ce sujet, Simon Chupin nous indique que les jeux vidéos ne permettent pas réellement de faire du sport: “Ce ne sont pas les objectifs du jeu vidéo”. Il souligne que même si certains sportifs comme les joueurs de Foot se sont retrouvés à jouer à Fifa durant le confinement, et qu’on retrouve un aspect de compétition, cela ne permet pas de réaliser une activité physique. D’autant plus que comme pour Hitbox, si l’on veut réellement faire du sport, “un matériel spécifique est souvent nécessaire”, qui est cher et que tous ne possèdent pas.

2) En lien avec la fermeture des écoles et des universités

Un risque d’addiction aux jeux vidéo amplifié

Avec la fermeture des écoles et des universités durant le premier confinement, beaucoup se sont retrouvés à s’ennuyer, sans la possibilité d’aller dehors, de voir des amis, et surtout de suivre les cours. Alors, quelle est restée la solution idéale pour s’occuper sans devoir sortir de son lit ? Le jeu vidéo, évidemment !

Comme nous l’avons déjà dit, les jeux vidéo ont été fortement utilisés durant ce confinement. Certains adolescents, qui adoraient déjà les jeux vidéo avant la pandémie, ont passé des heures et des jours entiers accrochés à leur PS4, à leur ordinateur ou à toute autre console. « Je ne peux plus sortir de chez moi je n’ai ni livres, ni ordinateur alors forcément je joue. » déclare Enzo, passionné de jeux vidéo, d’après l’article Jeux vidéo et confinement : une histoire d’addictions, rédigé par Numa Beltran sur le journal Le Virus de L’information. Selon le professeur Nubukpo, spécialiste en addictologie à Limoges, dans l’article Confinement et jeux vidéos : comment éviter de tomber dans l'addiction ?, publié sur France info, il faut faire attention et les parents des adolescents doivent réglementer les heures passées sur les jeux vidéos.

Cependant, tous ne sont pas d’accord sur l’augmentation des risques d’addiction durant le confinement, l’article de Numa Beltran souligne les effets positifs que peuvent avoir les jeux vidéos: “Certaines personnes y trouvent une forme d’intimité, et préfèrent jouer seul. D’autres encore y voient un moyen de conserver le lien social, en s’affrontant en ligne.”

Simon Chupin a aussi un avis nuancé sur la question. Selon lui, il faut tout d’abord définir ce que l’on considère comme un jeu vidéo, car ce que l’on englobe dans le terme jeux vidéo et souvent différent dans de nombreux pays. “Dans certains pays le jeu Candy Crush Saga n’est pas considéré comme tel”.

Une source de distraction durant les cours à distance...

Depuis le confinement, les cours en distanciels sont une nouveauté pour les étudiants et les lycéens. Ils ont changé la façon dont les enseignants enseignent et dont les élèves apprennent.

Les étudiants en distanciels risquent de faire face à plusieurs distractions pendant leurs cours. Avec le confort chez eux, les étudiants sont plus susceptibles d’envoyer des messages sur Messenger/Snapchat, de regarder des vidéos sur YouTube, de surfer sur Google et de jouer à des jeux vidéos sans être sous la surveillance des enseignants. Une étude menée par des chercheurs de la Kent State University a confirmé que les étudiants en ligne multitâche plus qu’en classe présentiel. Les chercheurs ont analysé le comportement de 300 étudiants universitaires qui ont suivi des cours en ligne et en personne; 25% ont déclaré qu’ils étaient plus susceptibles d’écouter de la musique, d’envoyer des SMS, de jouer à des jeux vidéo pendant les cours en ligne que dans les cours dans les salles de classe.

Manette de jeux vidéo
Photo libre de droit par Jacme31 sur CC Search


Dans les cours en présentiels, les enseignants sont physiquement présent et la présence d’élèves aident à appliquer les règles et les normes comportementales contre le multitâche (…) Parce que le multitâche pendant les cours a un impact négatif sur l’apprentissage, il est important de développer des méthodes pour réduire ce comportement scolaire désavantageux, en particulier dans l’environnement d’apprentissage en ligne qui est de plus en plus commun. ” - Andrew Lepp, Professeur de la Kent State University.

Simon Chupin est d’accord avec ces affirmations, puisqu’on est tenté de "lancer une partie durant une visio-conférence”. Cependant, pour lui, c’est une distraction comme une autre. “On peut tout aussi bien regarder un film, lire une BD ou un roman durant les cours”. Le jeu vidéo n’est pas la cause principale du décrochage des étudiants/lycéens. Ce dernier est plutôt dû tout simplement au fait de rester derrière un écran.

Mais qui peut se révéler être un excellent moyen d’apprentissage !

C’est quelque chose qu’on ne soupçonne pas forcément chez les jeux vidéos: la possibilité d’apprendre et de s’améliorer. Sylviane Valdois, directrice de recherche CNRS au Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition de Grenoble, et Irène Altarelli, post-doctorante au Bavelier Lab à l’Université de Genève, sont deux chercheuses qui soulignent cet aspect là, ayant notamment participé à des conférences dans le but d’apporter des réponses scientifiques sur ce sujet. Elles ont participé à l’édition 2017 de la Semaine du Cerveau à Grenoble. On retrouve ces informations dans l’article d’Echos Science Grenoble si vous désirez en savoir plus à ce sujet. 

Simon Chupin, Doctorant au sein du laboratoire LARHRA, a également réalisé un article sur Echos Science Grenoble dans lequel il explique pourquoi les jeux vidéos sont “les meilleurs amis des profs”, à travers un échange avec Romain Vincent, doctorant en sciences de l'éducation. Vous pouvez consulter l’article et la vidéo si cela vous intéresse.

Nous avons par ailleurs pu échanger avec Simon Chupin sur cet aspect. D’après lui, les jeux vidéos sont un moyen d’apprentissage “au sens où il y a un système de règles” dans un jeu vidéo et où “on doit les assimiler pour avancer dans le jeu”, donc il est comme un système d’apprentissage (cours de français par exemple) où on assimilerait des concepts (conjugaison). 

Article écrit par Flamant Lorie , Nguyen Phuong Linh et Perier-Camby Lucie


Bibliographie

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N. Beltran, « Jeux vidéo et confinement : une histoire d’addictions », Le Virus de l’Info, avr. 20, 2020. https://levirusdelinfo.fr/2020/04/20/jeux-video-et-confinement-une-histoire-daddictions/ (consulté le mars 9, 2021).

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«  A vos cerveaux. Prêts ? Jouez ! » L’édition 2017 de la Semaine du Cerveau à Grenoble | ECHOSCIENCES - Grenoble ». https://www.echosciences-grenoble.fr/communautes/atout-cerveau/evenements/a-vos-cerveaux-prets-jouez (consulté le mars 9, 2021).

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« Un doctorant sur son canapé #5 : Les jeux vidéos, meilleurs amis des profs ? | ECHOSCIENCES - Grenoble ». https://www.echosciences-grenoble.fr/communautes/humagora/articles/un-doctorant-sur-son-canape-5-les-jeux-videos-meilleurs-amis-des-profs (consulté le mars 9, 2021).