Jadikan : "Chaque image est le résultat d'une chorégraphie lumineuse"

Publié par Flavie Labousset, le 11 novembre 2022   800

A l’occasion de la fête de la science en Isère, le photographe Jadikan a exposé, samedi 08 octobre, ses œuvres lors de l’atelier “Art en lumière” qui a eu lieu à La Locomotive à Vizille.
L’artiste isérois réalise des performances artistiques de nuit à l’aide de sources lumineuses pour sublimer les lieux. Lors de cet atelier, il a invité le public à découvrir, créer et partager, autour du “light painting”, des performances artistiques nocturnes par la photographie et la lumière.

Sa manière de travailler

Jadikan n’aime pas ce qui est trop lisse, il aime pouvoir jouer avec la lumière et les ombres, afin de  “chopper des reliefs pas habituels”. C’est pourquoi une grande partie de son travail a lieu dans des endroits désaffectés. 

En ce qui concerne ses œuvres, généralement, Jadikan ne réfléchit pas. Il ne se prépare pas à l’avance et ne fait pas forcément de repérage. Il va dans un endroit et “fait au feeling”.
Il développe les formes dans le ciel à l’aide de LED ou d’artifices, ces formes sont dessinées au préalable avec un logiciel.

Il a commencé par passer sa formation de télé-pilote de drone en 2017, et construit ensuite un drone pour lancer des artifices à distance. Maintenant il fait tout sur des drones plus petits avec un set up plus fiable, qui prend moins de place, ce qui lui permet de partir avec un seul sac à dos.

Quand il a une commande, la personne ou l’organisation qui le contacte choisit les œuvres qui lui plaisent par rapport à son thème selon la sélection proposée par l’artiste.
Le musée de la Houille Blanche a fait une commande pour une exposition d’un an. Pour cet évènement, Jadikan a eu le champ libre, la seule obligation était de créer ses œuvres dans la centrale hydro-électrique.
Les photos en 360° de cet événement permettent de faire entrer le public dans l'œuvre à l’aide d’un casque de réalité virtuelle. Ainsi vous pouvez regarder en haut, en bas et derrière vous.

La recherche graphique avant la recherche de sens

Jadikan a toujours voulu faire entrer le public dans ses œuvres. C’est pour cela qu’il s’est intéressé à la photographie en relief. Il aime la photo mais veut travailler plus dans l’échange et le partage en réalisant des œuvres que le public peut vivre. Il ajoute donc le côté relief du light painting au format plat qu’est la photographie.

Jadikan construit ses œuvres en fonction de ce qu’il ressent sur le moment par rapport à ce qu’il voit, c’est un jeu d’ombre et de lumière, qui est ouvert à l’interprétation de chacun, sans limite particulière. 
L’artiste aime le côté recherche sur la technique pour voir jusqu'où on peut aller.

La photographie ne permet pas de percevoir les 3 dimensions d'une “sculpture lumineuse”. Comme le montre son projet Light is not flat, il a capturé la lumière sous différents angles en installant plusieurs appareils photos en arc de cercle, ce qui rend la lumière “sculptée”. Cela a pour but de montrer que suivant l'angle de vue on ne voit pas la même chose.

C'est l'histoire d'une passion née d'une erreur

Une pose longue avec une traînée de cigarette qui dure un petit peu trop longtemps [...] et puis c’est devenu une addiction.

Tout a commencé par une erreur photographique alors qu’il faisait de la photo à la MJC (maison des jeunes et de la culture).
Ce qui l'intéresse c’est la capture photographique.
Il fait des recherches avec ses amis pour capturer les traits de lumière, et ainsi récupérer la trace de la lumière dans l’espace.
Ils ont fait une photogrammétrie d’un ancien fort pour avoir un modèle 3D photo-réaliste de l’espace. Avec la modélisation du lieu, ils ont pu faire avancer un tracé manuel grâce à la lumière. En d’autres termes, dans un espace 3D ils ont pu récupérer un geste fait à la main pour pouvoir éclairer le décor.

Jadikan ne connaissait pas le concept de "light painting" et ne savait pas que d'autres personnes avaient travaillé dessus.
Il apprend ensuite l’histoire de cette discipline, qui est d’abord une discipline scientifique avant d’être artistique.

L'origine du Light Painting

Dans les années 1840, pendant la période Tayloriste/Fordiste, une entreprise américaine utilise le light painting pour analyser les mouvements des employés afin de les optimiser.

L’arrivée du light painting en France se fait en région parisienne. Etienne Jules-Marey (1830-1904) fait les premiers essais en pose longue dans un laboratoire de chrono-photographie. Il décompose le mouvement des animaux et des gens en les faisant marcher perpendiculairement à la caméra avec une lumière qui permet de décomposer les mouvements de la personne. Ce procédé fonctionne quand l’image est perpendiculaire mais quand la personne vient de face on ne voit plus rien. Pour pallier ce problème, il change de procédé en positionnant des lumières sur les épaules et les hanches des personnes.

Le côté artistique de cette pratique se développe dans les années 50 avec Man Ray lorsqu'il crée une première image en space writing où il écrit son nom à l’envers dans un cadre.

Partage et échange

Jadikan partage son travail durant des conférences pour les photographes ou des expositions dans les centres culturels. Il devient médiateur en envoyant des textes avec les visuels, et en accompagnant les structures pour expliquer son travail.

Il a également écrit un livre théorique Les secrets du light painting publié en 2019 aux éditions Eyrolles.
Dans ce livre, il explique les techniques et savoir-faire qui permettent de créer des œuvres lumineuses la nuit. Cet ouvrage regroupe des conseils sur l’élaboration des mouvements, le choix des sources de lumière, ou encore la maîtrise de la pose longue. Cependant, il met en avant le fait qu’il n’y a pas qu’une seule façon de faire. Il partage sa manière de pratiquer le light painting en précisant que ce n’est pas l’unique façon, qu’il n’y a pas de règles à suivre.

Le light painting est une pratique très complexe et encore très peu connue, les gens ne savent pas ce que l’on peut en faire. Jadikan partage son travail car, pour lui, même si les gens ne comprennent pas la création artistique, il est important que ce soit un médium accessible.

Pour suivre les futurs projets de l'artiste