IA offensive et IA défensive : les défis exponentiels de la cybersécurité.
Publié par Yannick Chatelain, le 24 août 2023 1k
Par CHATELAIN YANNICK Professeur Associé chez GRENOBLE ECOLE DE MANAGEMENT GEMinsights Content Manager, Chercheur Associé à la chaire DOS.
« Avoir raison trop tôt est socialement inacceptable »
À trop se pencher sur le potentiel technique et économique de l’IA, un marché qui devrait selon un rapport de ResearchAndMarkets en date de 2021 représenter en 2027 pas moins de 1800 milliards de dollars. Il me semble raisonnable de postuler que c’est un secteur aussi prometteur que « dangereux » : l’argent et l’éthique faisant souvent difficilement bon ménage. Certes, et pour ce qui concerne l’UE, le 14 juin 2023 le Parlement européen a adopté la loi sur l’intelligence artificielle ! Cette loi louable en soi constitue le tout premier cadre réglementaire sur l’intelligence artificielle dans le monde. Le cadre adopté est supposé empêcher de multiples dévoiements jugés inacceptables notamment dans le domaine militaire (cf. robots tueurs), voire à terme mettre en danger notre humanité (Cf. L’IA Act : de l’IA générative à une superintelligence hors contrôle). Notons que d’autres réglementations sont en cours d’élaborations en Chine comme aux États-Unis. Qui dit multiplications de réglementations n’est pas vraiment de bon augure. Chacun comprendra que cela ne peut favoriser une harmonisation consensuelle des limites à imposer à cette technologie en fulgurante expansion.
Pour ceux et celles qui douteraient de cette assertion, la trouverait outrancière, je les invites à prendre connaissance de la déclaration de Vladimir Poutine en date du vendredi 1er septembre 2017. Ce jour, lors d’une conférence sur les nouvelles technologies à destination des étudiants russes, le Président Russe a annoncé sans ambages et de façon « visionnaire » – quoi que l’on pense de l’homme – que « Celui qui réalisera une percée marquante en intelligence artificielle dominera le monde ». Dans le contexte mondial actuel, je laisse le lecteur juge de l’efficacité future des diverses réglementations et législations qui vont émerger ici et là. Et, quand bien même il y aurait, in fine, une bien improbable harmonisation ; par analogie, si l’on revisite les armes interdites par le « droit de la guerre »… que dire ? Depuis 2010 elles ont atteint un niveau record.
Pendant que le législateur légifère, les acteurs concernés demeurent partagés devant ce nouvel Eldorado financier. Certains comme Sam Altman – cofondateur avec Elon Musk de l’organisation à but lucratif plafonné OpenAI – « promettent » qu’ils ne franchiront pas le Rubicon. Sam Altman joue (selon moi) les lanceurs d’alertes dans la mesure où, et c’est là mon interprétation, le but de Sam Altman est de participer à l’élaboration de règles qui lui seront favorables et lui permettront de mettre de nombreuses barrières à l’entrée d’éventuels concurrents. Pour le reste la promotion mondiale de Chat GPT et de Open AI aura été une immense réussite.Dans cette dynamique se présentant comme le rempart face aux dangers de l’IA, ce dernier à même lancé un projet nommé Worldcoin dont il assez complexe de comprendre l’objet… une cryptomonnaie liant le scan de l’iris d’utilisateurs à une preuve d’humanité… et selon l’initiateur « de faire comprendre que ce n’est pas le diable ». Dont acte, c’est rassurant… cela n’est pas très probant jusqu’alors, depuis août « ces prestataires embauchés en ligne naviguent laborieusement de café en espace de coworking pour scanner les iris de curieux, » ces derniers ne rencontrent pas un franc succès. Certains médias parlant de ce projet en développement aux contours flous allant jusqu’à qualifier Sam Alman de « pompier pyromane de l’intelligence artificielle ! »
Certains chercheurs et observateurs plus réservés s’essayent d’avoir une vision anticipatrice et essayent eux aussi d’alerter… Tant sur l‘IA, qui avance a une vitesse fulgurante que sur des avancées de l’informatique quantique. Malheureusement dans ce débat ou l’argent aveugle les uns, tandis que le cynisme anime les autres, la phrase de Robert Anson Heinlein reste d’actualité : « Avoir raison trop tôt est socialement inacceptable ». Ainsi dans cette période percluse d’IA-Enthusiasts, ceux et celles qui se montrent plus réservés et expliquent les raisons pour lesquelles, il est urgent de urgent de comprendre, d’identifier et d’anticiper les impacts potentiels de ces technologies, de réguler, avant qu’ils ne soient trop tard, sont vite rangés dans la case des illuminés, des rétrogrades, des technophobes, voire de complotistes. Il est vrai qu’évoquer l’avènement de technologies hors contrôle qui pourrait destituer un jour l’humanité du choix de son destin est pour certains, par conviction, par méconnaissance, totalement inaudible. Pour ce qui me concerne je pense que nous sommes désormais engagés dans une spirale infernale qui, à moins d’un sursaut mondial qui demanderait une entente mondiale et qui ne s’arrêtera pas – un sursaut aussi improbable qu’inespéré – Ce nouvel Eldorado économiquement démesuré acceptera difficilement des limites et à terme à l’instar de la merveilleuse invention qu’a été Internet dans sa vocation originelle il pourrait être dévoyé à nos risques et périls.
IA : Une nouvelle ère pour la cybercriminalité.
Accedez à l'intégralité de l'article sur FORBES FRANCE
Photo credit: alpha_photo on Visualhunt.com