Forges et moulins : un patrimoine en mouvement à Pinsot

Publié par Marion Sabourdy, le 27 août 2012   4.9k

Visite des Forges et moulins de Pinsot. Où l’on découvre la dynamique lancée par un écomusée et sa communauté.

Visite des Forges et moulins de Pinsot. Où l’on découvre la dynamique lancée par un écomusée et sa communauté.

Avouez-le ! Vous brûlez de découvrir la recette de l’huile de noix « à l’ancienne ». Nous l’avons glanée lors d’un de nos reportages. La voici : prenez environ 30 kg de noix. Cassez-les (les dauphinois parlent de "mondée" et les habitants de Pinsot de "grumaillage") avec un maillet et une tuile puis écrasez les 10 kg de cerneaux obtenus avec une meule de 300 kg. Chauffez la pâte obtenue à 50° et placez-là dans un tissu nommé scourtin que vous disposez sous une presse ; celle des Forges et Moulins de Pinsot par exemple. Sa structure en bois de châtaigner a 200 ans et craque lorsqu’on y applique une pression de 150 kg au cm². Le résultat : 5 litres d’huile de noix et du tourteau, qui est recassé et donné aux bêtes. Conservez les cerneaux de mauvaise qualité et le tourteau recassé : leur pressée permet de produire de l’huile d’éclairage et de graissage (1).

Le moulin à huile (à gauche) et la meule présentés par Fabien Dugand

C’est Fabien Dugand, animateur du patrimoine, qui nous a délivré la recette. Les bénévoles de l'Association des amis des forges et moulins en action au pays d'Allevard (AFMAPA) réalisent régulièrement des pressées d’huile de noix aux Forges et Moulins afin de mettre en valeur ce patrimoine (2). Ce musée a ouvert en 2002 à l’initiative de l'association afin de mettre en valeur le patrimoine technique de Pinsot et de présenter les outils en installation sur leur lieu d’origine.

Juste à côté du moulin à huile, Fabien nous présente le moulin à farine, qui fonctionnait jusque dans les années 1960. « A une certaine époque, on comptait jusqu’à trois moulins à farine dans la vallée du Haut-Bréda pour 3000 habitants environ, explique Fabien en actionnant la meule, il faut dire qu’il y a 100 ans, les gens consommaient en moyenne 900 grammes de pain par jour contre 150 aujourd’hui ». Ces deux moulins fonctionnent grâce à l’énergie du Gleyzin, le petit torrent qui traverse Pinsot, tout comme la scierie attenante, elle aussi présentée au public lors des visites guidées (3). On peut y voir une belle roue en aulne restaurée chez Arc-Nucléart [ndlr : lire notre reportage dans ce laboratoire du CEA] et la turbine Pelton qui l’a remplacée plus récemment.

L'ancienne roue restaurée par le laboratoire grenoblois ARC-Nucléart

Pour compléter les animations proposées sur le site, l’association a souhaité reconstituer un poste de travail typique d’une taillanderie, avec un foyer de chauffe, un martinet hydraulique américain (arrivé à la Chapelle-du-Bard en Isère après la seconde guerre mondiale dans le cadre du plan Marshall) et une enclume. « Le minerai de fer était extrait dans les mines voisines, puis traité dans les hauts fourneaux de la vallée et ramené ici pour produire des outils, détaille Fabien, un artisan en produisait une quinzaine par jour, sur un catalogue d’environ 800 à 900 différents ».

L’entretien des machines est assuré par une dizaine de personnes membres de l’association (qui en compte une centaine au total). Fabien leur rend hommage et avoue être venu travailler ici « parce que le patrimoine est vivant. J’aime faire fonctionner les installations pour que les visiteurs se rendent compte du bruit, de l’odeur… autant de détails perdus dans les musées classiques. Nous travaillons à petite échelle mais avec beaucoup d’enthousiasme et de volonté de partage ».

Très actif malgré son relatif isolement géographique, le musée fait partie du réseau « Les Chemins du Fer en Belledonne » de sites qui évoquent l’extraction et le traitement minerai (voir la liste des membres). A ce titre, le musée gère notamment le Sentier du fer de Pinsot. « Les visiteurs sont agréablement surpris, indique Laetitia Boniface, qui réalise son service civique au musée, ils pensaient visiter un musée statique, dans un coin de montagne mais sont bluffés par leur visite ». La jeune femme va même plus loin « ce musée représente une ouverture pertinente sur un patrimoine qui a profondément marqué la région. Les habitants du coin revivent leur patrimoine différemment, par exemple grâce aux expositions temporaires qui ont une approche créative. Le musée a lancé une dynamique qui ne s’essouffle pas ».

Pour preuve les nombreuses activités, qui, avec les visites, rassemblent en moyenne 3500 personnes par an : cuisson de pain dans le four communal, soirées contes du dauphinois, participation aux Veillées en Belledonne (voir le site de l'Espace Belledonne), aux Journées du Patrimoine, aux années internationales comme celle sur les forêts, projet de médiathèque municipale en lien avec le musée… Cette année, pour la Fête de la science, le musée propose les 13 et 14 octobre une découverte des moulins de Pinsot couplée à une visite de la centrale hydroélectrique Ascometal par ses techniciens (4).

>> Notes :

  1. Pour plus d’informations concernant la noix de Grenoble, consultez notre article « Noix, pisé et imaginaire au Grand Séchoir de Vinay »
  2. Le musée vend sa production d’huile de noix réalisée entièrement à la main par des bénévoles. En 2011, elle était de 230 litres d’huile ce qui représente 10 à 15% du budget annuel musée
  3. Les visites sont ouvertes en mai, juin et septembre à 15h et 16h30, en juillet et août à 10h, 14h, 15h30 et 17h et sur réservation d’octobre à avril
  4. « De la roue hydraulique à la turbine, du moulin traditionnel à la centrale hydro-électrique ». Visite gratuite le samedi 13 et le dimanche 14 octobre 2012 à 14h et 15h30. Attention : 20 personnes maxi/groupe (enfants à partir de 7 ans). Réservation conseillée au 04 76 13 53 59

>> Illustrations : Marion S. pour Echosciences Grenoble