Faire émerger les imaginaires de la transition énergétique sur le plateau matheysin
Publié par Master Géopoesice (Institut d'Urbanisme et de Géographie Alpine), le 28 juin 2024 390
Les conséquences du changement climatique font émerger des questionnements quant à l’avenir des territoires et rendent nécessaires de profonds remaniements dans nos sociétés. Ces interrogations sont d’autant plus présentes au sein des territoires qui ont été en partie construits et organisés par l'exploitation de ressources finies engendrant des pollutions. Le territoire de la Matheysine, situé au sud de Grenoble, est un exemple caractéristique de ces nouvelles interrogations. D'abord, considérons la transition sur un plan énergétique, par le passage d’une activité minière présente du 19e siècle à 1997 à une production d'énergie solaire qualifiée de "renouvelable". En effet, GEG a implanté sur la commune de Susville une ferme de panneaux solaires de 25ha. Pour qu'elle soit durable, la transition doit également être sociale. En effet, l’arrêt de la mine a entraîné un profond bouleversement du tissu communautaire qui régissait le plateau matheysin, la mine ayant été pourvoyeuse d’associations et d’activités qui permettaient un lien fort entre les habitant.e.s. Comment accompagner les habitant.es de ces territoires à appréhender tant les enjeux de cette transition énergétique que ceux associées aux changements environnementaux ? Des méthodes participatives intégrant des dimensions artistiques, ici la création de conte, sont mises à contribution.
En partenariat avec GEG, les étudiant.e.s du master 1 Geopoesice (IUGA, Université Grenoble-Alpes) encadré.e.s par Claire Revol et Camille Mortelette (IUGA, Laboratoire PACTE) ont mené un atelier de recherche pour étudier ces questions. Ils et elles se sont appuyés sur une méthode participative créée par la conteuse Laurence Druon (collectif Un Euro ne fait pas le printemps) auprès de qui GEG a passé commande pour mener des ateliers de contes participatifs avec des habitant.e.s du plateau. Ce type de méthode prospective vise à inclure les habitant.e.s dans les réflexions autour du futur de leur territoire : Laurence Druon cherche à faire émerger les imaginaires de chacun.e autour du thème de l’énergie et notamment sur la place que celle-ci prendra en 2050 sur le plateau. L’observation de ces ateliers a été complétée par deux autres méthodes d’enquête construites par les étudiant.e.s avec l’aide de leurs enseignantes : le parcours commenté et la cartographie sensible. Les parcours commentés ont été menés avec des habitant.e.s du plateau tandis que l’atelier de cartographie sensible a été utilisé avec les élèves de la classe de CM1-CM2 de l’école du Villaret. L’ensemble de ces méthodes d’enquête avaient pour but d’identifier les imaginaires des participant.e.s et ainsi leur vision du futur du plateau mais également de comprendre si l’utilisation de récits peut influer sur les imaginaires prospectifs des habitant.e.s.
Ces différentes méthodes d’enquête ont permis d’identifier des types d’imaginaires développés par les personnes enquêtées. L’atelier de contes participatifs donne une place importante aux participant.e.s qui construisent le conte et ses personnages, Laurence Druon étant là pour conduire la conversation. Cet aspect participatif permet de sortir d’une vision ingénieure de l’énergie, souvent détachée du vécu de la population locale et des perceptions de cette dernière. Dans les imaginaires, cela se traduit par exemple par des éléments magiques (objets fonctionnant sans aucune forme d’énergie notamment) mais le plus souvent par la remise en cause de notre rapport actuel à l’énergie à travers des imaginaires de sobriété énergétique. Tous ces imaginaires font apparaître les questionnements locaux : les habitant.e.s du plateau matheysin, notamment les adultes, ont des appréhensions quant à la perte du tissu social communautaire déjà impacté par l’arrêt de la mine en 1997. Les ateliers de Laurence Druon ont permis de montrer que c’est le dynamisme du plateau qui préoccupe le plus les habitant.e.s. La production d’énergie est perçue à travers le prisme de ce tissu : elle doit produire des emplois et être acceptée par la population locale.
Un des enjeux locaux de l'implantation des énergies renouvelabes est celui de son acceptation par les habitant.e.s. Ici, le terrain sur lequel ont été installés les panneaux photovoltaïques, apparaît régulièrement dans les propos des enquêtés comme étant un espace marécageux anciennement utilisé par l’activité minière est trop pollué et trop instable pour être utilisé autrement. Par conséquent, le projet est accepté de façon unanime. Au contraire, quand le cas des éoliennes est évoqué (un projet était envisagé sur le massif du Sénépy) la question de la dégradation des paysages est évoquée comme contre-argument à leur installation et les oppositions sont plus vives. Ainsi, les appréhensions sous-jacentes aux imaginaires ont des conséquences dans la réalité : les faire émerger permet d’ouvrir des pistes de réflexions sur les transitions à mener.
L’ensemble de ces résultats ont été présentés aux personnes présentes (élu.e.s, habitant.e.s, salarié.e.s de GEG et de la CNR) lors de l’inauguration de Susville 2, la seconde partie de la ferme de panneaux solaires, le 14 juin 2024.
Article écrit par Chiara Manfredini, M1 Geopoesice, promotion 2023-2024