COVID19 : Evaluer le niveau d'évidence : conserver de la mesure
Publié par Laurent Vercueil, le 29 avril 2020 1.8k
Pas facile de se faire une idée, à l'ère où le partage des faits et des opinions est devenu complètement...flou. Vouloir baser une attitude, une pratique, sur des faits avérés n'a rien d'une sinécure, regardez les difficultés rencontrées dans l'évaluation des traitements de COVID19...
Pourtant, tout ne se vaut pas. Une déclaration, fut-elle d'un personnage haut placé, influent et à qui on a tendance à accorder un grand crédit est...une déclaration, sans plus. Une publication en pré-print n'a été ni revue, ni évaluée, ni corrigée (la correction après révision par les pairs est un moment important avant publication), ni même...refusée, comme c'est le cas de 80-90% des articles soumis pour les grandes revues.
Pour chaque donnée qui a prétention à devenir une vérité, nous pouvons disposer d'un classificateur d'évidence, en fonction du processus qui a abouti à l'établissement de cette donnée. Ci-dessous, un tableau, inspiré de bien d'autres, qui classe le niveau d'évidence de 1 (le plus bas) à 5 (le plus haut). Gardez la mesure... ne vous emballez pas.
Niveau |
Type |
Détail & Procédures |
Impact sur les réseaux sociaux (donc, dans les médias) |
1 |
« Moi, je pense que » |
Un expert, proclamé ou réel, fait une déclaration publique (avis d'expert) |
Majeur ++++ |
2 |
Publication en pré-print |
Publication sur un site de pré-print d’un article provisoire (non révisé) non relu par les pairs, soumis ou en voie d’être soumis |
Majeur ++ |
3 |
Etude non randomisée, non contrôlée |
Publication dans une revue avec évaluation et relecture par des pairs après anonymisation. Pas de comparatif, pas d'aveugle, pas de tirage au sort des groupes. |
Majeur + |
4 |
Etude randomisée contrôlée, unique |
Publication dans une revue avec évaluation et relecture par des pairs après anonymisation. L’étude, bien que contrôlée (contre placebo, ou comparateur, en double aveugle, et avec attribution aléatoire des groupes) n’est pas reproduite par une équipe indépendante |
Mineur |
5 |
Méta-analyse de plusieurs études contrôlées randomisées |
Publication dans une revue avec évaluation et relecture par des pairs après anonymisation. Plusieurs études randomisées contrôlées sont analysées avec les outils statistiques appropriés. |
Ignorée |
On peut être surpris par la teneur de la colonne de droite : Pourquoi les médias feraient ils leur travail de travers ? L'explication la plus évidente est le temps : Pour chacune des étapes, un délai supplémentaire est nécessaire :
1) Tendre un micro ou inviter sur un plateau TV un expert (ou prétendu expert) qui se rend rapidement disponible : Dans la journée
2) Soumettre un article contenant des données à la volée, sans soumission à un comité de protection des personnes, sans évaluation par des pairs, etc... : Une à deux semaines*
3) Publier un article dans un journal référencé dans les bases de données, sans égard pour son niveau (y compris revues prédatrices) : Deux semaines à un mois*
4) Publier un article rigoureux dans un journal sérieux : habituellement plusieurs mois (actuellement, concernant la Covid19, les procédures accélérées permettent d'obtenir des publications plus rapides mais le recueil de données rigoureuses va rester incompressible)
5) Publier une métaanalyse : plusieurs années pour disposer d'une masse critique d'études rigoureuses autorisant le travail d'analyse.
* l'actualité récente le démontre
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