Et si les éboulements rocheux aidaient les archéologues ?

Publié par L'Ouvre-Boîte - Université Grenoble Alpes, le 29 mars 2024   610

Quel est le lien entre le jeu de paume et les chutes de blocs rocheux en montagne ? C’est l’étonnante question que se sont posés les élèves du lycée des Portes de l’Oisans à Vizille, lorsqu’ils ont vu entrer dans leur classe deux chercheurs du laboratoire 3SR.

La question peut paraître absurde tant il ne semble pas y avoir de rapport entre les deux sujets. Et pourtant, c’est bel et bien pour leur expertise sur les chutes de blocs rocheux que les deux scientifiques ont été approchés par des historiens travaillant sur le jeu de paume. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que leurs recherches intriguent les élèves de 2nd qu’ils ont face à eux. Depuis le début d’année, ces derniers travaillent avec leurs enseignants sur les méthodes d’investigation en archéologie, un projet soutenu par le Fonds Vittorio Luzzati. Les deux scientifiques du laboratoire grenoblois Sols, Solides, Structures, Risques (3SR) se prêtent volontiers au jeu des questions-réponses avec les élèves et détaillent leurs travaux comme lors d’une véritable conférence.

Le jeu de paume, souvent présenté comme l’un des ancêtres du tennis moderne, était très répandu à la fin du XVIIe siècle. Le château de Vizille, à deux pas du lycée, abrite d’ailleurs encore les ruines de la salle où on le pratiquait. « Le problème, c’est qu’on a perdu beaucoup d’informations sur la manière dont on jouait au jeu de paume » explique Pascal Villard, enseignant-chercheur au laboratoire 3SR.

C’est là que les deux scientifiques interviennent. « Des historiens cherchaient à étudier les rebonds des balles du jeu de paume pour comprendre comment on y jouait à l’époque. Et puisque nous étudions les rebonds des blocs rocheux dans les éboulements, ils nous ont contactés pour les aider. »

En plein confinement, ils commencent alors à étudier le rebond des balles de tennis. Ils essayent différentes natures de sols, différentes inclinaisons de lancers, filment le tout au ralenti, etc. Vincent Richefeu s’en amuse encore : « C’était une récréation pour nous ! Nous n’avions aucune connaissance sur le jeu de paume mais l’aventure était excitante ! » Aventure qui prendra rapidement une autre tournure, lorsque le château de Versailles décidera de leur envoyer des échantillons de sol récemment découverts pour étudier l’influence du dallage des salles de jeu de paume sur le rebond des balles.

A cela s’ajoute également l’analyse de véritables balles de jeu de paume datant du XVIIIe siècle. A l’aide d’un tomographe, il a été possible d’étudier leur structure sans les abîmer, et avec une résolution jamais atteinte. Grâce à toutes ces informations sur leur conception, un fabriquant artisanal de pelote basque a pu reproduire le plus fidèlement possible des balles de jeu de paume. Balles que bien évidemment, nos deux scientifiques se sont fait un plaisir de lancer de toutes les manières possibles.

Au final, ce minutieux travail d’investigation aura porté ses fruits. Pascal Villard et Vincent Richefeu ont pu déterminer de quelle manière était joué le jeu de paume. « Le rebond des balles semble très aléatoire, il fallait probablement les reprendre dès le rebond » expliquent les deux scientifiques aux élèves attentifs. « C’est incroyable que grâce à nos recherches on puisse venir en aide à des historiens qui s’intéressent à un jeu vieux de plusieurs siècles ! »

C’est sur cette phrase que se terminera l’échange. Les élèves auront bel et bien parlé d’archéologie et découvert de nouvelles méthodes d’investigations dans le domaine. Et à leur grande surprise, les deux scientifiques avec qui ils ont échangé pendant près de deux heures n’étaient absolument pas archéologues.


Cet article a été rédigé par rédigé par Quentin Daveau, assistant de médiation scientifique à la Direction de la culture et de la culture scientifique de l'Université Grenoble Alpes.