Éprouver le problème : les expériences pastorales face aux prédations

Publié par Alizée Marot, le 18 novembre 2019   1.8k

Suite à l’éradication du loup au XIXe siècle, le pastoralisme a su se développer en offrant aux éleveurs la liberté d’exercer leur métier sans la pression constante que représentait le prédateur. Avec son retour dans les années 90, l’activité pastorale s’est transformée et le quotidien des éleveurs et bergers a subit de nombreux changements pour faire face aujourd’hui à un stress permanent et ressembler d’avantage à un combat, à la fois contre le loup mais aussi contre l’administration. 


Changements de pratiques

Le retour du loup dans les alpages est accompagnée de conflits avec le pastoralisme, dus à un nombre de plus en plus important d’attaques sur les troupeaux et à la pression constante que représente le prédateur. Les éleveurs et bergers doivent alors subir des changements de pratiques énormes, notamment suite aux moyens de protection et systèmes d’indemnisation mis en place par l’état. 

En effet les éleveurs ont désormais la possibilité de toucher des indemnisations en cas d’attaque sur leur troupeau, uniquement dans le cas où la totalité des dispositifs de protection recommandés par l’état auraient été mises en place en amont. Ces moyens de protection constituent des frais supplémentaires pour les éleveurs et peuvent, pour certains, leur apporter de nouvelles contraintes.

Source : France Bleu « Chiens de protection : quelle attitude adopter face aux patous ? »

C’est notamment le cas des patous, chien de protection en partie pris en charge par l’état, constituant une charge de travail en plus pour les éleveurs et pouvant parfois poser problème avec les usagers de la montagne mais qui s’avèrent cependant indispensable pour pouvoir toucher les indemnisations en cas d’attaque.

Au delà du doute émis par certain sur l’efficacité de ces mesures, les éleveurs accusent également la lenteur du système administratif ajoutant une pression supplémentaire à leur quotidien. Dans le cas d’une attaque, les dégâts sur le troupeau doivent être constatés par un agent de l’ONCFS qui a pour mission d’envoyer le constat afin de pouvoir établir un avis de paiement. Dans certains cas, le délai peut être assez conséquent et la démarche peut prendre jusqu’à 1 an et demi pour que l’indemnisation soit effectuée.

Autre caractéristique de la procédure : les bêtes victimes d’une attaque de loup ne peuvent pas être achevées sans que le constat ait été établi. Les éleveurs sont donc confrontés, en plus du poids moral des attaques, à la souffrance de leurs bêtes sans pouvoir y remédier. 

Le rapport à l’animal peut aussi être questionné dans cette problématique, pourquoi l’attaque de bêtes destinées au final à l’abattoir provoque autant de désarroi auprès des éleveurs ? Pourquoi la mort d’un loup vaudrait-elle mieux que la mort d’une brebis ? Beaucoup d’entre eux accusent la manière d’attaquer du loup, sa présence invisible et son adaptation aux différents dispositifs de protection, obligeant les éleveurs à sans cesse se renouveler. 

Entre pression du loup et manque de reconnaissance 

Chaque attaque du loup sur les troupeaux constitue une véritable épreuve morale pour les éleveurs et bergers. Le sentiment d’impuissance est également très présent, les éleveurs se sentent démunis face au fléau que représente le loup et vivent dans l’appréhension de voir le nombre de bête tuée augmenter.

Outre les difficultés économiques auxquelles les éleveurs et bergers sont confrontés, ils dénoncent un véritable manque de reconnaissance de la part de l’état mais aussi de la part des touristes et promeneurs. En effet, les incivilités au sein même des alpages sont grandissantes ce qui ajoute encore un poids aux attaques de loups subies presque quotidiennement pour certains.

Selon les éleveurs, un problème de médiatisation est notamment la cause de ces incivilités et de ce manque de reconnaissance car les autres usagers de la montagne ne sont pas forcément au courant du problème que peut être le loup et ne se sentent donc pas impliqués. 

La volonté de certains éleveurs de ne plus protéger le loup dans les alpages est donc compréhensible lorsque que l’on fait la liste des contraintes auxquels ils doivent faire face, accentués par la présence du prédateur et les dégâts qu’il peut causer.


Source photo principale : https://www.varmatin.com/faits...