Deux masques funéraires kanak de Nouvelle-Calédonie restaurés au Muséum

Publié par Eulalie L'éléphante, le 20 septembre 2018   3.4k

Comme vous le savez, je traîne mes grosses pattes dans les réserves du Muséum, souvent la nuit, pour vous faire part de quelques petits secrets qui se trament en coulisses. J’évoque parfois la vie de nos collections à travers des acquisitions (comme l’article ici) et des prêts (comme dans ces articles ici, et encore ).

Mais aujourd’hui, je voulais vous parler de restauration de nos collections.

En réserves, un gros travail de fourmis s’opère chaque jour pour inventorier, classer, déterminer les milliers de spécimens présents que ce soit des mammifères, des oiseaux, des papillons, des minéraux, des plantes, … et même des objets ethnographiques.

Et justement, ces derniers peuvent faire l’objet de restauration. C’est ce qu’il s’est produit pour deux masques très anciens.

L’acte de restauration observe un protocole réfléchi de « remise en état » générale – restauration visant à la conservation – qui a pour limite l’impossibilité de remettre à neuf une pièce naturellement vieillie.

En effet, l’équipe conservation du muséum a contacté deux conservatrices-restauratrices d’œuvres d’art spécialisées en objets ethnographiques : mesdames Yveline Huguet et Sabrina Vétillard. Leur passionnant, méticuleux et précieux travail a été de restaurer avec soin deux pièces historiques présentes dans les réserves du Muséum : deux masques Apouéma.

Carte de provenance des deux masques Apouéma, Muséum de la ville de Grenoble

Les masques Apouéma sont des masques funéraires kanak du 19e siècle en provenance de Nouvelle-Calédonie, à l’extrême sud de l’arc mélanésien. Ces masques étaient réalisés à l’époque suite à la mort d’un chef de tribu.

Ce type de masque est communément appelé masque « Apouéma » (dérivé du nom « masque » en langue cèmuhî, pwémwâ), terme générique servant à désigner les masques de Nouvelle-Calédonie.

Le masque kanak est généralement composé de trois parties : le visage, la coiffure et le manteau.

  • Le masque est en bois sculpté, représentant un visage humain. Le masque est muni d’une chevelure et d’une barbe, toutes deux confectionnées à partir de cheveux humains, (oui oui, vous avez bien lu, ce sont des dreadlocks des deuilleurs qui sont fixés sur le masque. Ces hommes avaient la charge de veiller sur le défunt jusqu'à la décomposition complète du cadavre et de porter dans la forêt sa dépouille).
  • Le manteau était destiné à dissimuler le porteur. Il est constitué d’un filet en fibres végétales sur lequel sont fixés des bouquets de plusieurs plumes du grand pigeon noir le Notou (Ducula goliath), une espèce endémique. Tous les matériaux sont donc naturels.

Les interventions qui ont été réalisées cet été consistaient à dépoussiérer les masques, à nettoyer le bois, à remettre en forme les différents éléments de la coiffe et à refixer les éléments détachés, à consolider le manteau-filet et à traiter les plumes.

Les deux restauratrices, mesdames Yveline Huguet et Sabrina Vétillard et leurs outils, au Muséum de la ville de Grenoble

Le travail a abouti cet été à la restauration de ces deux magnifiques masques qui ont pu retourner bien au frais dans la réserve zoologie avec tous mes amis. Mais qui sait, (maintenant qu’ils sont tout beaux), un jour, ils seront peut-être présentés en vitrines dans le Muséum.

Masque MHNGr. ET. 34 avant et après intervention, Muséum de la ville de Grenoble
Masque MHNGr. ET. 35 avant et après intervention, Muséum de la ville de Grenoble

Eléphantesquement vôtre,

Eulalie.


Ces masques ont été restaurés avec l’aide du Fonds régional d’aide à la restauration, cofinancé par l’Etat et la Région.