Des marathoniens bardés de capteurs espions
Publié par Echosciences Grenoble, le 30 avril 2012 3.4k
Une course peut en cacher une autre. Pour l’un des coureurs du Marathon de Paris, qui s'est déroulé le dimanche 15 avril 2012, tout a commencé dans les sables du Maroc.
C’est là que son matériel hi-tech a été testé pour la première fois. Une bardée de capteurs miniaturisés, communicants sans fil, capables de mesurer en temps réel des variables indispensables à la compréhension et à l’amélioration des performances sportives.
En avril 2010, le 25ème Marathon des Sables - considéré comme l’une des courses les plus éprouvantes au monde - accueillait un sportif bien particulier. Guillaume Chelius, chercheur à l’Inria, était sur la ligne de départ, prêt à courir en moyenne 42 kms par jour pendant 6 jours, à raison de 5 heures par jour. Et cela sous une température dépassant parfois 45°C. Dans ses chaussures, sur ses tibias, ses cuisses, ses bras, son tronc et sa tête : une vingtaine de capteurs miniaturisés et communicants sans fil pour se synchroniser et enregistrer leurs données.
« Notre objectif était de comprendre ce que peut vivre un sportif pendant une compétition longue et éprouvante », explique Guillaume. Première mondiale, un flot de données gigantesque est recueilli dans ces conditions : au total, si l’on multiplie 16 capteurs, faisant 1000 mesures à la seconde, par 3600 secondes, et pendant 35 heures on obtient plus de 2,5 milliards de mesures !
Ce premier challenge sportif et technologique en a donc fait naître un second : analyser les données brutes. Le travail se termine 24 mois plus tard, après que des algorithmes spécifiques aient été élaborés. Ces algorithmes avaient pour objectif de segmenter les données, d’identifier les indicateurs pertinents, et de comprendre comment ils évoluent. Cela afin de répondre à des questions du type : comment la température extérieure et l’humidité impactent-elles sur la course ? Est-ce que la mobilité du tronc peut constituer un indicateur de fatigue ?
Pour le Marathon de Paris 2012, le nouvel équipement du coureur aura donc bénéficié de l’ensemble de ces travaux - le réseau dynamique embarque aujourd’hui plus d’intelligence et pèse encore moins lourd.
Dnet : une équipe spécialisée dans la capture et l’analyse de données
Le Marathon des Sables d’avril 2010 s’inscrivait dans le cadre du projet Inria X-Trem Log mené par une équipe pluridisciplinaire Inria.
Parmi ces équipes de recherche, l’équipe Dnet (Inria Grenoble) s’est spécialisée dans les réseaux dynamiques. L’une des originalités et des difficultés de son approche repose sur la volonté de recueillir sur le terrain un grand nombre de données. Elle élabore des outils de mesure de phénomènes physiques, des méthodes d’analyse des données recueillies, et des modèles permettant de représenter et comprendre le système dynamique étudié.
Les vêtements et chaussures de Guillaume avaient été adaptés aux capteurs par Salomon, partenaire industriel de l’événement.
Guillaume Chellius est encore lié à l’équipe Dnet, dans le cadre d’un détachement dans l’entreprise qu’il a créée : HiKoB. Son credo : déployer des réseaux communicants et intelligents là où il n’est pas envisageable de câbler. Au-delà du sport, la start-up propose des services dans le cadre de mesures en réseau pour le génie civil, le bâtiment, la défense, la sécurité, la gestion du trafic routier...
Cette start-up fait partie de la centaine d’entreprises issues d’Inria, depuis 1984. Elle a bénéficié de l’accompagnement et des investissements de IT-Translation, fondé par INRIA et CDC Entreprises (Groupe Caisse des Dépôts) et de INSAVALOR, filiale de recherche et développement, valorisation et formation continue de l’INSA de Lyon.
>> Source : Article initialement publié sur le site d'INRIA Grenoble le 12 avril 2012
>> Illustrations : darkmatter (Flickr, licence CC), Guillaume Chelius, OskarN (Flickr, licence CC)