Des esquisses de la médiation à l’inclusion sociale
Publié par Angélique Carrara, le 12 décembre 2018 2.5k
Une brève histoire de la culture
Pendant plus d’un millénaire, les églises et cathédrales étaient considérées comme les principaux « foyers de culture ». Les prêtres, médiateurs de Dieu, transmettaient des savoirs à travers différentes œuvres comme la musique, l’architecture, le théâtre ou encore la peinture, dans l’objectif d’expliquer et de transmettre. Ils détenaient une sorte de monopole en matière de culture. Dès la Renaissance, la culture comme à sortir du champs religieux et s’installe dans les jardins publics, dans les cabinets de curiosité ou encore dans les salons. Dans ces lieux se retrouvent l’idée de développer une littérature d’explication et de transmission. Une transformation très importante va s’exercer après 1789 dans le domaine de l’éducation. Cette dernière est perçue comme essentielle au développement d’une société éclairée, notamment pour éviter les erreurs du passé. C’est à ce moment là que les établissements de l’Ancien Régime, comme l’Opéra par exemple, sont nationalisés. De plus, les années 1880 vont faire émerger la loi de Jules Ferry, où l’objectif est de rendre l’enseignement primaire publique et gratuit. L’école apporterait donc les bases de la culture, et les théâtres et musées permettraient de s’ouvrir davantage. Le XIXe siècle est une période marquante dans le domaine culturel, notamment grâce au développement du mouvement d’éducation populaire à travers des ouvrages et encyclopédies bon marché et aux universités populaires. C’est également dans cette démarche que les musées et bibliothèques comment à instaurer des services liés à l’éducation.
De l’animation culturelle à l’inclusion sociale
L’animation culturelle regroupe l’ensemble des actions des « relais culturels » de l’Etat. On retrouve par exemple les Maisons des Jeunes et de la Culture, les foyers ruraux, la Ligue de l’enseignement et bien d’autres. Elle se rattache à la mouvance de l’éducation populaire qui vise l’amélioration du système social, à travers une éducation tout au long de la vie et des activités socioculturelles. Ces réseaux d’éducation populaire ont une vision quelque peu alternative de la politique. Cependant, leur rôle culturel est affaiblit et marginalisé en 1959, avec la création du ministère des Affaires culturelles. André Malraux, qui en fut le ministre, avait pour objectif de montrer les complémentarités et différences entre les lieux d’enseignement et les lieux où l’on faisait expérience de la culture. L’une de ses premières actions fut la démocratisation de la culture avec les Maisons de la culture, où l’objectif est de favoriser la rencontre (sans médiation) entre le public provençal et la culture universelle. L’accès aux œuvres d’art et aux lieux culturels joue alors un rôle central. Malgré l’invention de cette politique culturelle, les limites se font vite sentir. En effet, il ne suffit pas de mettre à disposition des infrastructures culturelles pour faire venir les citoyens. Cette idée est d’autant plus renforcée lorsque l’on remarque le décalage entre les manifestations de mai 68, qui dénonçaient en partie le conformisme bourgeois en matière de culture, et la politique d’André Malraux qui prônait la grande culture. Quelques années plus tard, l’idée d’une culture unificatrice est dépassée, et son éclatement entrainent l’émergence de nouvelles visions. Il n’y aurait pas qu’une seule culture, mais bien des cultures tout autant légitimes. Ce modèle horizontal de toutes les cultures est la démocratie culturelle. À cette époque, il était envisagé que les animateurs culturels pouvaient remplir ce rôle, mais ils ont été rapidement dénoncés par certains acteurs de la culture. En effet, ces animateurs étaient sous l’ordre du pouvoir, ce qui ne correspondait pas à une politique horizontale. L’arrivée au pouvoir de Francois Mitterand et du ministre de la Culture Jack Lang dans les années 80 marque un tournant pour le budget de la culture. En effet, ce dernier passera de 2,6 milliards de francs en 1981 à 13,8 milliards en 1993. Le décloisonnement de la culture est également marqué grâce au remplacement des animations par des ateliers de création, avec une vision de co-construction. Le gouvernement Jospin en 1997 va également apporter sa pierre à l’édifice avec la création du régime d’emplois-jeune. Le terme de « médiateur culturel » mobilisé dans cette politique se répand alors rapidement dans les établissements culturels et les collectivités. Ce terme de médiation apparaît à la fois comme un symptôme et un remède. Il trouve son origine dans les limites et les échecs de la démocratisation culturelle, et appelle des solutions nouvelles pour des problèmes imprévus. C’est dans ces solutions nouvelles qu’apparait la notion d’inclusion sociale. L’objectif est de donner un accès à la culture à tous pour lutter contre l’exclusion et favoriser l’esprit critique de la population. Cet accès doit se faire de partout sur le territoire pour que chaque individu puisse être concerné. Nous pouvons prendre l’exemple de la Stratégie Nationale de la Culture Scientifique Technique et Industriel, qui considère l’inclusion sociale comme un fort enjeu. En effet, cette stratégie met en avant le fait qu’un fossé ne cesse de croitre entre les population défavorisées, qui ont un accès très limité à la culture, et les populations favorisées, qui ont une pratique assez courante de la culture. Outre ce constat, les débats politiques, la montée des extrémistes, les inquiétudes des citoyens et les violences terroristes ont très fortement bousculés ces dernières années la définition de notre culture commune. La solution serait donc d’inclure la population dans la culture scientifique et technique, comme vecteur d’harmonie et de vivre ensemble. Cette idée de « vivre ensemble » est également reprise lors de la Conférence internationale de l’éducation de l’Unesco, où l’inclusion sociale est perçue comme « une question de respect des droits de l’homme, qui touche prioritairement les orientations de la politique générale d’un pays ». Cette notion apparait donc comme indissociable de la conception que nous avons de la société, mais aussi de la perception que nous avons du « vivre ensemble ». Ces éléments nous montrent que l’ambition de l’inclusion sociale serait de construire une société participative et ouverte à tous citoyens, dans une logique de solidarité et de co-construction. Nous pouvons nous demander si l’inclusion sociale est le modèle à privilégier aujourd’hui, ou, au contraire, s’il n’a pas atteint des limites qui pousserait les politiques à changer de vision.
Sources :
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