Dans les terriers des marmottes
Publié par Mélie Radufe--Blanc-Mathieu, le 18 novembre 2024 220
Apparue il y a plus d’un million d’années sur les pentes escarpées des Alpes, la marmotte alpine est un rongeur appartenant à l'espèce des écureuils terrestres. Vivant généralement entre 13 et 15 ans, sa longévité est en grande partie due à sa capacité à hiberner pendant plusieurs mois, une stratégie qui lui permet de conserver son énergie face aux conditions hivernales.
Bien que généralement paisible, la marmotte n'échappe pas aux nombreux prédateurs des montagnes, tels que les aigles, les renards et les loups. Pour se protéger, elle a développé un système de communication sophistiqué qui vous a peut-être déjà surpris et interrogé pendant vos sorties en montagne : une « guetteuse » lance des cris d’alertes pouvant ressembler à des cris d’oiseaux. Le signal est immédiat et clair pour les autres marmottes : un cri d'alarme pour signaler un prédateur terrestre et deux cris pour prévenir la présence d'un prédateur aérien.
La marmotte est aujourd’hui l’un des symboles les plus emblématiques des Alpes, mais nous connaissons finalement assez peu son organisation sociale, son mode de survie en période d’hibernation, la gestion de son territoire, ou encore sa réaction face au changement climatique.
La famille marmotte
La marmotte alpine vit dans une structure sociale bien organisée et hiérarchisée. Elle est monogame et vit en groupes familiaux autour d'un couple dominant.
- Couple dominant : composé d’un mâle et d’une femelle marmotte, ce couple contrôle la reproduction.
- Les subordonnés : il s'agit des jeunes adultes, généralement les "enfants" les plus âgés du couple dominant. Bien qu'ils soient physiquement capables de se reproduire, ils en sont empêchés en raison de l'autorité exercée par le couple dominant, qui génère un stress, empêchant leurs gonades (ovaires chez la femelle, testicules chez le mâle) de se développer. Cependant, ils peuvent essayer de quitter leur groupe familial, chercher un autre terrier et tenter de prendre la place d’un dominant. S'ils réussissent à triompher durant le combat à mort, ils deviennent les nouveaux dominants du terrier. Dans ce cas, ils peuvent tuer les jeunes nés pendant l'année en cours, car ils ne sont pas leurs descendants.
- Les immatures : ce sont les jeunes ayant 1 ou 2 ans, n'ayant pas encore atteint la maturité sexuelle.
- Les juvéniles : ce sont les jeunes nés durant l'année. Les marmottons naissent en juin, avec une portée annuelle qui peut compter de 1 à 8 petits.
D’octobre à mars : 6 mois bien occupés
L’hibernation est l’un des aspects les plus remarquables de la vie des marmottes. D’octobre à mars, ces rongeurs se retirent dans leurs terriers pour entrer dans un état de dormance profonde. Ce processus leur permet de survivre aux rigueurs du froid et à la pénurie de nourriture pendant les mois les plus froids. Leur température corporelle chute de 37°C à environ 6°C, et leur rythme cardiaque ralentit de manière spectaculaire : de 90 à 140 battements par minute en été, il descend à 3 à 5 battements par minute pendant l’hibernation. De même, leur respiration devient très lente, de 16 respirations par minute à seulement 1 ou 2.
Pendant cette période, les subordonnés jouent un rôle crucial. Bien qu'ils soient également en période d’hibernation, ils se réveillent occasionnellement pour réchauffer les terriers et garder les jeunes marmottes à une température viable. La chaleur collective générée par ces moments de réveil permet aux marmottons de survivre pendant l'hibernation. Il serait impossible pour les marmottes, quel que soit leur âge, de survivre à un hiver sans cette organisation au sein du groupe familial.
L'hibernation des marmottes se termine lorsque celles-ci ont épuisé l'ensemble de leurs réserves. Ce n'est ni la lumière ni la température qui déclenchent la fin de cette période de dormance, mais plutôt la nécessité de se réveiller pour rechercher de la nourriture.
Un territoire parfois dur à partager
Le territoire des marmottes alpines est une zone essentielle à leur survie. En moyenne, un groupe de marmottes occupe un territoire de 2,5 hectares, comprenant un terrier principal et plusieurs terriers de secours qui leur servent de refuge. Ces terriers sont reliés par un réseau complexe de galeries, et de trous menant vers l'extérieur (environ 80 trous), permettant aux marmottes de se déplacer en toute sécurité. Tout le groupe est impliqué dans la défense de ce territoire, car une attaque par un prédateur nécessite une réponse rapide et coordonnée. Les marmottes sont ainsi constamment en alerte et prêtes à protéger leur territoire contre les intrus. Les territoires peuvent être partagés avec d'autres groupes de marmottes, mais chaque groupe défend activement son domaine.
Certains territoires de montagnes, habités par les marmottes, sont marqués par la présence des terriers et des trous. Des zones protégées comme le Parc National de la Vanoise ont ainsi été, et sont encore, au cœur de controverses historiques concernant la cohabitation entre ces animaux et les activités humaines, telles que le tourisme, l’agriculture et l’élevage. Parmi les préoccupations exprimées, certains éleveurs signalent des accidents où des animaux se blessent en tombant dans des trous de terrier dans les alpages, tandis que des agriculteurs évoquent la terre déplacée par les marmottes dans le foin, ce qui en altère la qualité et, par conséquent, celle du lait produit.
Réchauffement climatique : les marmottes s'adaptent
Comme pour les autres espèces, le réchauffement climatique a un impact direct sur les marmottes. Les changements dans leur environnement naturel les forcent à s’adapter pour survivre.
Tout d’abord, l'une des stratégies qui commence à être observées est un changement dans la distribution géographique des marmottes : elles montent en altitude pour chercher des conditions plus favorables.
En ce qui concerne leur phénologie, les marmottes, comme de nombreuses autres espèces, ont vu le printemps arriver plus tôt chaque année, avec un décalage de plusieurs jours. Depuis 1990, par exemple, les marmottes sortent de leur hibernation en moyenne une semaine plus tôt qu'auparavant.
D'autre part, un phénomène de réduction de taille a été observé chez certaines espèces animales, comme les reptiles et les poissons, qui diminuent en taille pour limiter leur exposition au froid. Cependant, le lien entre ce changement de taille et le réchauffement climatique reste encore à étudier.
Enfin, bien que certaines études suggèrent une diminution annuelle de 2 à 3 % des populations de marmottes, les données manquent pour déterminer avec certitude l'ampleur de l'impact du réchauffement climatique.
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