Crowdfunding : retour sur deux ans de mentorat

Publié par Echosciences Grenoble, le 11 février 2015   4.9k

Retour sur nos activités de mentorat de campagnes de financement participatif, à la faveur d'un questionnaire proposé par les étudiants en Master 1 en management à l'IAE de Grenoble.

Etudiants en Master 1 en management à l'IAE de Grenoble, Loïc, Eve et Marie suivent un séminaire de méthodologie d’enquête et de recherche animé par Sandrine Fine-Falcy, maitre de conférence spécialisée dans le domaine de la recherche et du marketing. Dans ce cadre, ils travaillent sur la relations entre les plateformes de crowdfunding et les porteurs de projets qui bénéficient de ce nouveau mode de financement. En tant que mentors pour plusieurs campagnes sur le site KissKissBankBank, ils nous ont sollicités pour répondre à un questionnaire. Nous vous en proposons ici la retranscription :

Comment définissez-vous le financement participatif ?

Tel que nous le pratiquons dans notre réseau de culture scientifique, technique et industrielle, il s’agit de financer un projet en sollicitant directement la foule (en priorité les internautes locaux dans notre cas), sans passer par un dispositif "officiel" de financement. Ceci implique, pour le porteur de projet, de poster une description de son projet (ainsi que des éléments d’actualité) sur une plateforme dédiée et de proposer aux internautes de le financer à hauteur de leurs moyens. Chaque somme proposée s’accompagne d’une contrepartie, choisie pour "coller" à l’esprit du projet.

En pratique, les campagnes de financement participatif que nous avons accompagnées ne représentaient en fait qu’une partie du financement total des projets. Au-delà du financement, ces campagnes ont permis également de construire une "communauté d’intérêt" autour des projets (lecteurs, spectateurs, futurs clients, etc.) et plus largement des porteurs de projets.

Comment définissez-vous votre rôle au sein du financement participatif ?

Echosciences Grenoble a pour l’instant le statut de "mentor" sur la plateforme KissKissBankBank. C’est-à-dire que nous ne sommes pas directement "porteurs de projets". Par contre, nous soutenons les projets dans les domaines culturels, scientifiques, technologiques, design, arts-sciences, etc. portés par des acteurs de l'agglomération grenobloise et de l'Isère et/ou à destination de ce territoire. Nous assurons la promotion de ces projets et la mobilisation de nos réseaux, nous favorisons les échanges, les partenariats et ouvrons notre carnet d'adresse. Malheureusement, nous ne pouvons pas financer directement ces projets ! Nous allons également travailler avec Ulule très bientôt, notamment en accueillant une étape du Ulule Tour 2015 le 2 avril au Stade des Alpes dans le cadre de notre 4ème Forum des projets.

Entre 2013 et 2015, nous avons accompagné 5 campagnes de financement participatif sur la plateforme KissKissBankBank (cliquez sur l'image pour en savoir plus)

Considérez-vous qu’il y ait une concurrence sur ce nouveau marché ? Si oui, quel est votre positionnement ?

Il existe une concurrence entre les plateformes, pour attirer les porteurs de projets : nous avons donc intérêt à être présents sur plusieurs plateformes (là où sont les projets grenoblois). C’est à terme notre objectif. Concernant les projets : il y a bien sûr une concurrence entre eux pour attirer l’attention (et l’argent) des internautes. Nous nous limitons aux projets portés par des grenoblois ou à destination des grenoblois dans nos domaines d’intérêt. Nous refusons donc les sollicitations de personnes extérieures.

Comment se déroule la prise de contact ? Quelle a été la préparation au processus de sélection ?

Pour l’instant, chacune des cinq campagnes que nous avons accompagnées s’est passée différemment. La première était portée par Organic Orchestra, une compagnie artistique en résidence à l’Atelier Arts-Sciences, dont La Casemate fait partie. Certains membres de l’Atelier ont conçu la campagne avec la compagnie et nous avons animé cette campagne ensemble. Pour la campagne du Collectif LUS, sur les panneaux solaires, qui s’est soldée par un échec, les porteurs de projets ont tout monté seuls et n’ont eu recours à nous que très tard. Nous n’avons pas pu ajuster avec eux la somme demandée ni la manière dont ils allaient faire la promotion de leur campagne…

La campagne "Carnet glacé", s’est faite en étroite collaboration avec les auteures du livre et la maison d’édition Libel. Cette dernière a déterminé le rythme et les contreparties et nous l’avons aidée sur les réseaux sociaux. Nous avons également proposé aux auteures une somme supérieure de 1000 € à celle qu’elles avaient envisagée, car nous avions estimé que leur objectif était trop modeste étant donné la qualité de leur travail. Pour information, les auteures avaient également présenté leur livre lors de notre 3ème Forum des projets, l'année dernière, juste avant leur campagne. Cet événement annuel est pour nous l'occasion de mener une activité de veille et de sélection de projets (qui ne débouche pas systématiquement sur du crowdfunding)

La campagne "Au cœur du Karoo" est une proposition que nous avons faite à un photographe rencontré lors d’une interview. Celui-ci cherchait des sources de financement pour un de ses reportages mais nous ne pouvions pas lui en apporter. Nous avons accompagné sa campagne "de loin", en relayant son activité sur les réseaux sociaux. Enfin, la dernière, MakerBox, est particulière car les porteurs de projets sont venus au Fab Lab de La Casemate pour nous présenter leur projet. Ils ont ensuite lancé indépendamment leur campagne que nous avons "rejointe" par la suite.

Selon vous quelles sont les motivations des porteurs de projets, qui les font se diriger vers le financement participatif ?

Leurs motivations sont diverses : contourner les cadres classiques pour financer "rapidement" un projet, considérer la campagne comme une forme de prévente d’un livre, compléter un budget serré, tester une idée et son marché, etc. En tant que "mentors", nous ne sommes pas les porteurs de projets : ce n’est pas nous qui nous occupons au quotidien de la campagne. Les porteurs de projets gèrent donc ça de leur côté et ont recourt à nous (pour du conseil, de l’animation de communautés, de la promotion sur Echosciences etc.) de manière plus ou moins importante. Dans le cadre de Carnet glacé, un projet qui nous a particulièrement tenus à cœur, nous avons même organisé ensemble une soirée de distribution des contreparties à la Casemate.

Que se passe-t-il en cas de rejet du projet ?

Pour l’instant, les projets "rejetés" sont ceux qui n’avaient aucun rapport avec notre territoire ou les thématiques d’Echosciences (sciences, technologies, innovation, etc.). Il s’agit d'ailleurs quasi-systématiquement de personnes qui ont déjà lancé leur campagne, donc une redéfinition du projet pour "coller" à nos contraintes est souvent impossible. Excepté pour le projet "Bionic Orchestra 2.0", nous avons toujours été sollicités au moment du lancement de la campagne : difficile de réorienter ou redéfinir le projet à ce stage.

En cas de validation du projet, quel accompagnement autour du processus de création ?

Pour "Bionic Orchestra 2.0", nous avons uniquement participé à quelques réunions de création de la campagne, où nous avons discuté de la durée, du rythme des publications et des contreparties. Pour le reste, les campagnes étaient déjà prêtes. Le lancement pouvait s’accompagner d’un article sur Echosciences, parfois écrit par les porteurs de projets. Précisons ici que pour l’instant, notre activité de mentor est bénévole. Elle rentre dans nos activités plus globales d’animation de la communauté d’Echosciences Grenoble. Aussi, notre implication en termes de temps ne doit pas dépasser un certain seuil.

Quelles sont les perspectives de développement des plateformes ? Y-a-t-il une évolution de la demande des porteurs de projets ?

Difficile de vous donner des perspectives de développement des plateformes de financement puisque nous n’en sommes pas une ! Par contre, nous avons été sollicités par Ulule pour animer avec eux une étape de leur Ulule tour 2015 donc cela marque sûrement une envie / un besoin de leur part de se rapprocher du "terrain" et des porteurs de projets non parisiens. En tout cas de ceux qui peuvent faire office de "tête de réseau", comme nous. Concernant les porteurs de projets, je pense qu’il y a une prise de conscience accrue de la nécessité de maîtriser les codes des réseaux sociaux pour pouvoir mener à bien une campagne.

Quelle place attribuez-vous au financement participatif dans le système de financement actuel ?

Dans notre domaine (culture scientifique et technique), il n’a pas forcément encore une grosse place. Sur les plateformes de financement, il n’y a pas non plus beaucoup de projets de ce type mais nous avons tout de même la sensation que cela augmente, même si ce n’est pas très perceptible. Pour le financement des projets d’étudiants, c’est finalement une manière plus "fun" de faire du porte-à-porte. Donc ces pratiques existaient déjà pour partie avant l’arrivée de ces plateformes. Pour les acteurs de culture scientifique à la marge des institutions, par exemple un enseignant qui souhaiterait lancer un projet indépendamment de l’Education nationale, c’est en revanche une bonne manière de financer rapidement un projet qui aurait par ailleurs du mal à aboutir.

Avez-vous gardé contact avec les porteurs de projets qui ont bénéficié de vos services ?

Oui, pour certains via des rencontres, des articles ou un temps pendant notre Forum des projets destinés aux retours d’expérience.

>> Pour aller plus loin :

>> CréditsRocío Lara (Flickr, licence cc), capture d'écran du site KissKissBankBankColbrain (Flickr, licence cc)