Connaître le problème : les effets d’un prédateur (in)visible sur les patrimoines

Publié par Alizée Marot, le 18 novembre 2019   1.8k

Le retour progressif du loup sur le territoire français depuis 1992 a engendré de nombreuses réaction, que ce soit de la part des éleveurs ou des protecteurs de l’animal, amenant trop souvent à une catégorisation des acteurs en « pro » ou « anti » loup. Or la problématique semble plus complexe que cette simple prise de position et le retour du loup soulève de réels enjeux sociaux, autant sur les territoires concernés par sa présence qu’à l’échelle nationale. 

Apprendre à vivre avec le loup

Pendant une soixantaine d’années suite à son éradication, le pastoralisme s’est développé sans la présence du loup, or depuis qu’il est de nouveau présent sur le territoire, les éleveurs doivent désormais apprendre à vivre avec le prédateur en adaptant leurs pratiques. 

Le loup provoque des sentiments multiples guidés notamment par l’expérience vécue avec celui-ci qu’elle soit volontaire ou non. Il fascine, provoque la peur, inquiète, mais ne semble pas réellement avoir sa place dans notre quotidien malgré la place qu’il occupe au sein de nos territoires et le symbole de « nature sauvage » qu’il représente. Cette idée peut d’ailleurs être discutée : qu’est-ce qui est nature ? qu’est-ce qui ne l’est pas ? Où se trouve la limite entre le sauvage et le non sauvage ? Le prédateur appartient-il encore à cette nature sauvage malgré le contrôle des populations par l’Homme sur les territoires ?  

En effet, l’appropriation des territoires par le loup ne semble pas être acceptée par l’Homme et les moyens mis en œuvre pour contrôler la présence ou non du prédateur sur ces territoires peuvent illustrer sa position de concurrent direct. Face au loup, l’Homme n’est plus le seul prédateur et la déstabilisation des éleveurs face aux attaques qui semblent perdurer malgré les dispositifs de protection en est notamment la preuve. 

Il paraît d’ailleurs difficile pour les éleveurs d’accepter la présence du loup qui n’apparaît pas ancré dans leur quotidien et relève plus d’une affaire d’état, dû notamment au fait qu’on fasse appel à l’état pour gérer la problématique. Cette pensée explique aussi le fait que les dispositifs de protection recommandés par les politiques publiques ne soient pas forcément acceptés des éleveurs car accepter ces changements de pratiques reviendrait à accepter la présence du prédateur sur les territoires.

Faire d’une problématique locale une responsabilité collective

Il apparaît nettement dans cette controverse une prise de position « pro » ou « anti » loup trop souvent adoptée, ne reflétant pas la complexité des enjeux associés. En effet, de nombreux acteurs entrent en jeu lorsque l’on questionne la cohabitation entre le pastoralisme et le loup sur les territoires et portent tous des points de vue différents à prendre en compte pour tenter de saisir la globalité des enjeux que soulève la problématique. 

Source : Science Avenir : « "Plan loup" : les syndicats agricoles boycottent la réunion »

Éleveurs, bergers, associations de protection du loup, politiques publiques… chaque prisme est à considérer afin d’apporter de la nuance aux prises de positions. 

De plus, il semble essentiel de mettre en place une médiation, à la fois entre ces différents acteurs afin qu’ils puissent échanger sur leurs points de vue et considérer d’avantage ceux des autres acteurs, mais aussi envers le public pour qu’il puisse se sentir concerné par la problématique et développer une certaine responsabilité à l’échelle locale comme à l’échelle nationale. Une médiation autour du sujet pourrait en effet permettre à chacun de prendre conscience du problème et de se sentir d’avantage impliqué, implication qui pourrait par exemple se traduire par des choix en terme de consommation.

Il paraît effectivement logique de considérer la problématique dans un soucis de protection de l’environnement notamment, car ne pas prendre conscience des conflits présents entre les éleveurs et le loup pourrait favoriser inconsciemment l’agriculture industrielle au profit de l’agriculture dite « traditionnelle » c’est à dire du pastoralisme. 

Le manque de reconnaissance pointé du doigt par les éleveurs et bergers pourrait également évoluer grâce à la mise en place d’une médiation, notamment envers le public et les usagers de la montagne.


Source photo : http://www.atsenzagp.org/fr/do...