Comment le droit protège-t-il la qualité de l’air ?

Publié par Encyclopédie Environnement, le 11 décembre 2020   3k

La pollution atmosphérique pose des problèmes tant environnementaux que sanitaires. En France, la qualité de l’air est gérée grâce à des normes qui visent à réduire les concentrations de polluants.


1. Pourquoi faut-il protéger la qualité de l’air ?

Les polluants chimiques, biologiques ou physiques, introduits directement ou indirectement par l’homme dans l’atmosphère ou les espaces clos, ont des conséquences sur la santé humaine, les écosystèmes et le climat.  


Figure 1 : Émissions, transformation et dépôts de polluants (source : , d’après http://www.encyclopedie-environnement.org)


La pollution de l’air endommage l’environnement

Son impact dépasse l’échelon local pour être visible à l’échelle nationale, continentale voire planétaire. Les oxydes de soufre et d’azote sont responsables de l’acidification des lacs et de l’eutrophisation des sols. La formation de l’ozone est imputable aux oxydes d’azote et aux composés organiques volatiles (COV). Ce gaz qui, dans la stratosphère, protège la Terre des rayons ultraviolets du soleil, est un oxydant photochimique participant au renforcement de l’effet de serre, et phytotoxique perturbant la photosynthèse et la croissance des plantes.  


Figure 2 : Le « bon » et le « mauvais » ozone (source : Sicard et al., 2014 ; FO3REST (LIFE10 ENV/FR/000208), d’après http://www.encyclopedie-environnement.org)


La pollution de l’air nuit gravement à la santé

Malgré la reconnaissance juridique du droit de chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé (Code de l’environnement, article L 220-1), la pollution de l’air est responsable d’une aggravation des pathologies respiratoires et d’une mortalité prématurée de plusieurs milliers de personnes chaque année. En France, environ 48 000 décès par an sont imputables à la pollution atmosphérique aux particules fines, selon Santé publique France.

A long terme, l’exposition régulière à des niveaux de pollution élevés serait à l’origine de la formation de cancers et engendrerait une surmortalité qui impacterait l’espérance de vie de plusieurs mois à plusieurs années.


2. Comment la qualité de l’air ambiant est-elle gérée ?

La gestion de la qualité de l’air s’adresse à la qualité du milieu ; elle doit être distinguée du contrôle des émissions même si les deux aspects sont liés, la réglementation des sources d’émission étant nécessaire pour atteindre les normes de qualité.

 

Les normes de qualité de l’air

Des normes de la qualité de l’air sont fixées après avis de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire et de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), « en conformité avec celles définies par l'Union européenne et, le cas échéant, par l'Organisation mondiale de la santé. Ces normes sont régulièrement réévaluées pour prendre en compte les résultats des études médicales et épidémiologiques » (Code de l’environnement, article L. 221-1).

En France, la qualité de l’air est surveillée grâce à des normes qui visent à réduire les concentrations de polluants. Elles s’adressent à différentes situations : pic de pollution (seuils d’alerte, seuils d’information et de recommandation), pollution chronique (valeurs limites et valeurs cibles) et qualité de l’air à long terme (objectifs de qualité de l’air).

Le seuil d’alerte correspond à un niveau de pollution au-delà duquel des effets néfastes pour la santé humaine peuvent survenir à court terme. Il nécessite de prendre dans l’urgence des mesures pour réduire la concentration des polluants. Le seuil d’information et de recommandation correspond à un niveau de pollution au-delà duquel la santé des personnes fragiles et sensibles peut être atteinte (figure 3).


Figure 3 : Seuils d’alerte et seuils d’information et de recommandation (source : Airparif : https://www.airparif.asso.fr/reglementation/episodes-pollution, d’après http://www.encyclopedie-environnement.org)


La valeur limite impose une obligation de résultat, un niveau à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser, afin d’éviter ou de limiter les conséquences de la pollution sur la santé et l’environnement. La valeur cible, perçue comme une obligation de moyens, est un niveau à atteindre dans la mesure du possible, dans un délai donné, afin d’éviter ou de limiter les conséquences de la pollution sur la santé et l’environnement (figure 4).

Des valeurs limites ont été fixées pour les oxydes de soufre et d’azote, les particules (PM10 et PM2,5), le plomb, le benzène et le monoxyde de carbone, et des valeurs cibles sont prévues pour l’ozone, certains métaux lourds (l'arsenic, le cadmium, le nickel), le benzo(a)pyrène (traceur des hydrocarbures aromatiques polycycliques – composés organiques volatils) et jusqu’en 2015, pour les PM2,5.

L’objectif de la qualité de l’air se définit comme un niveau à atteindre à long terme et à maintenir par des mesures proportionnées afin de protéger efficacement la population et l’environnement.

Figure 4 : Dépassements de la valeur cible pour le benzo(a)pyrène en Haute-Savoie (source : Atmo Auvergne-Rhône-Alpes : http://www.air-rhonealpes.fr/donnees/acces-par-polluant)


Qui surveille la qualité de l’air et comment ?

La qualité de l’air est surveillée par des associations de la loi 1901 agréées par le ministre de l’Environnement : les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA). Compétentes au niveau régional, elles mesurent les concentrations de polluants à l’aide d’indices de qualité de l’air (ATMO). Elles alertent l’autorité de police en cas de pic de pollution et assurent l’information au cours de l’épisode de pollution.


Figure 5 : Grille de calcul des quatre sous-indices (source : Airparif : https://www.airparif.asso.fr/reglementation/indice-qualite-air-francais, d’après http://www.encyclopedie-environnement.org)


L’indice ATMO dont le calcul et la diffusion sont obligatoires dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, est un nombre entier compris entre 1 et 10 auquel est associé un code couleur. Il est égal au plus grand des quatre sous-indices calculés pour le dioxyde de soufre, le dioxyde d’azote, l’ozone et les particules fines (figure 5). Il est facilement compréhensible pour le public (figure 6).


Figure 6 : Représentation de l’indice ATMO (source : Airparif : https://www.airparif.asso.fr/reglementation/indice-qualite-air-francais, d’après http://www.encyclopedie-environnement.org)


3. Comment protège-t-on concrètement la qualité de l’air ?

 

Les alertes 

Le dépassement des seuils d’information et de recommandation déclenche des actions d’information du public, la diffusion de recommandations sanitaires et des recommandations visant à limiter les émissions des polluants atmosphériques (covoiturage, utilisation de transports en commun, réduction des déplacements automobiles non indispensables des entreprises et des administrations, adaptation des horaires de travail, télétravail, utilisation des parkings-relais…).

Lorsque le dépassement du seuil d’information et de recommandation dure plus de deux jours consécutifs et qu’il caractérise un « épisode de pollution persistant », on bascule vers la procédure d’alerte qui se déclenche automatiquement.

Le dépassement ou le risque de dépassement d’un seuil d’alerte impose au préfet d’en informer la population et de prendre des mesures d’urgence par voie d’arrêtés. Ces mesures consistent en des restrictions voire une suspension des activités à l’origine du pic de pollution, y compris la circulation automobile. Les restrictions concernent un vaste panel d’émetteurs : agriculture, industrie, résidentiel (travaux, chauffage par combustion de biomasse peu performants ou par utilisation de groupes électrogènes), transports (automobile, aérien…).

Les restrictions de la circulation automobile sont les plus médiatisées car elles s’adressent à un large public. Elles concernent la limitation voire le détournement du trafic routier de poids lourds, la réduction de la vitesse, la circulation alternée ou la circulation différenciée.

La circulation alternée repose sur le numéro de la plaque d’immatriculation, et la circulation différenciée sur le niveau d’émissions de polluants des véhicules. Celle-ci se caractérise par l’application, depuis 2016, d’une nomenclature matérialisée par la vignette Crit’air.


Le plan de protection de l’atmosphère

Ce plan est obligatoirement élaboré par le préfet dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants et dans les zones où un dépassement des valeurs cibles ou des valeurs limites a été constaté ou risque de l’être.

Son objectif principal est d’assurer le respect de ces valeurs en fixant des mesures préventives et correctives.


Les zones à faibles émissions mobilité

Elles succèdent aux zones à circulation restreinte en application de la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 et du décret du 16 septembre 2020. Elles ne sont créées que si elles sont couvertes par un plan de protection de l’atmosphère. Seules certaines catégories de véhicules peuvent y circuler en fonction de leur classement Crit’air.


Figure 7 : Accéder aux informations sur la qualité de l’air par agglomération : exemple du pôle Auvergne d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes (source : Atmo Auvergne-Rhône-Alpes : http://www.atmoauvergne.asso.fr/fr/cartographie/etat-qualite-air-par-agglomeration#section-general)


Le non-respect des restrictions est puni d’une amende de 135€ pour un véhicule lourd et de 68€ pour un véhicule de tourisme, un utilitaire ou un véhicule à moteur à deux ou trois roues.


Figure 8 : Le site Internet de PREV’AIR (source : PREV’AIR : http://www2.prevair.org)


Les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) ainsi que le consortium Prev’air, mettent à la disposition du public toutes les informations disponibles sur la qualité de l’air que l’on retrouve sur leur site internet (figure 8).

 

   

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Ce texte est tiré de l’article de Marianne Moliner-Dubost, Maître de conférences HDR de droit public, Université Jean Moulin-Lyon 3, Institut d’études administratives, Équipe de droit public (EDPL-EA666), Comment le droit protège-t-il la qualité de l’air ?, publié dans encyclopedie-environnement.org.

        

Ce travail a été réalisé grâce au soutien financier d'UGA Éditions dans le cadre du programme "Investissement d'avenir", et de la Région Auvergne Rhône-Alpes.